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Le ras-le-bol des musulmans de France

C'est "le tiers-monde au cœur de l'Occident", constate un chroniqueur de Kathimerini d'Athènes. Pour la treizième nuit consécutive, des voitures ont brûlé dans les banlieues françaises, et l'état d'urgence a été décrété. Le quotidien grec conservateur dénonce "le vent de xénophobie et de racisme" qui souffle sur la France, depuis plusieurs années déjà. En accusation : le triste sort fait aux émigrés, un enjeu qui ne laisse pas indifférente la presse du Maghreb et des pays arabes. Les récents événements sont aussi l'occasion pour la presse américaine de conforter le modèle d'intégration états-unien.

"ON NE TIRE PAS SUR UNE MOUCHE AVEC UN BAZOOKA"

Que le gouvernement ait choisi d'exhumer une loi de 1955 pour répondre aux émeutes fait réagir la presse algérienne. Cette loi "sent la naphtaline et les relents de 'l'Algérie française'", constate Le Quotidien d'Oran, pour qui "la riposte semble disproportionnée" : "Même en mai 1968, le gouvernement n'avait pas dégainé de loi aussi répressive." Le journal regrette de voir Jacques Chirac, "adepte de la 'fracture sociale', perdre ainsi son flegme", sans doute en pure perte : "On ne tire pas sur une mouche avec un bazooka."

Le gouvernement français passe à côté du problème, acquiesce Liberté. "Ces jeunes des banlieues, français faut-il le rappeler, expriment aussi dans leur colère toute la souffrance de leurs parents venus vendre leur jeunesse et leur énergie pour construire la France, sans jamais recevoir en retour une quelconque reconnaissance", rappelle le quotidien algérois. Ils sont "doublement méprisés", commente l'éditorialiste de La Tribune d'Alger : déjà "exclus et marginalisés", ils ont en plus été victimes du discours sur "le choc des cultures", très en vogue depuis les attentats du 11-Septembre. "La légèreté avec laquelle théoriciens et médias ont traité et présenté cet affrontement visait à repousser les Européens musulmans dans leurs premiers retranchements, à se faire tout petits et ramper pour ne pas se faire voir", accuse le journal algérien.

La France doit "revoir ses politiques d'intégration des communautés d'immigrés, et prendre des mesures constructives pour réduire l'abîme entre les riches et les défavorisés", conseille Dawn de Karachi, qui rappelle qu'à Clichy-sous-Bois, le chômage avoisine les 40 %. Le quotidien pakistanais espère que la France donnera ainsi le bon exemple à ses voisins européens. Pour l'éditorialiste du Daily Star de Beyrouth, le problème est même plus large encore : pas seulement européen mais mondial. Que ce soit à Paris, à Sydney, au Maghreb ou au Proche-Orient, partout la jeunesse est "sans illusion", partout s'imposent de "sérieuses réformes économiques et politiques".

LA FRANCE ET LA QUESTION MUSULMANE

Pour bon nombre de titres de la presse américaine, le problème des banlieues est celui de l'intégration des musulmans. "Pourquoi la jeunesse française se lance-t-elle dans des émeutes ? Parce que les musulmans souffrent du chômage et de l'exclusion", résume Newsday, un tabloïd de Long Island, qui poursuit : "La société française tend à ostraciser ceux qui n'embrassent pas l'identité culturelle française. Les musulmans ont souvent le sentiment de n'être jamais considérés comme vraiment français, quels que soient les efforts d'assimilation qu'ils font."

Le Seattle Times établit le même diagnostic : "Les musulmans français vivent à part dans les banlieues des grandes villes. Ils subissent le rituel quotidien des contrôles d'identité et le harcèlement mesquin et continuel de la police." Le quotidien est prompt à faire la leçon : la mort récente de Rosa Parks, pionnière de la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis, est "là pour nous rappeler le caractère blessant et futile de toute tentative, de la part d'une culture majoritaire, de vivre côte à côte, séparée mais égale, avec une minorité ethnique. Une telle égalité est un mythe cruel." Le Denver Post va plus loin encore : "Les Français doivent se rendre compte que leur modèle d'intégration ne fonctionne pas, et ils doivent sérieusement réfléchir à des alternatives politiques."

Un homme semble l'avoir compris, poursuit le quotidien : Nicolas Sarkozy. L'actuel ministre de l'intérieur souhaiterait copier certaines initiatives britanniques ou américaines, comme la discrimination positive. Sera-t-il exaucé ? Le Denver Post rappelle que Sarkozy a été critiqué comme "non-Français" pour avoir tenu de tels propos.


Source: Le Monde

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