Menu

Le Maroc court vers une crise de l'eau

C’est un rendez-vous de très haute importance qui est prévu demain à Agadir. Lancé en novembre dernier à Rabat par le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’eau et de l’environnement, le débat sur l’eau s’élargit aux régions. Le choix de la capitale du Sous n’est pas fortuit. La région connaît une grave crise en matière de ressources hydrauliques.

C’est en quelque sorte le revers de la médaille des performances économiques. Tous les secteurs d’activités développés dans la région (agriculture, tourisme, industries…) mobilisent des quantités énormes d’eau, pas toutes renouvelables. Et pour cause, ces ressources émanent essentiellement des nappes phréatiques, surexploitées. A cela s’ajoute la consommation des ménages dans une région qui compte plusieurs centres urbains. Cette crise a fait ses premières victimes: les agriculteurs. «Des gens commencent à quitter leurs fermes. Et le déficit enregistré par le bassin hydraulique du Souss dépasse les 300 millions de m3», alerte Rachid Balafrej, chargé de mission auprès de Mohamed El Yazghi, ministre de l’Aménagement du territoire.

La rencontre d’Agadir sera ainsi l’occasion de faire un état des lieux des ressources en eau au niveau des bassins de Souss-Massa mais aussi au niveau de tout le Maroc. La situation est jugée alarmante. 90% des ressources mobilisables en eau le sont déjà. Ayant prouvé son efficacité, la politique des barrages commence à atteindre ses limites. «Un barrage coûte entre 2,5 et 5 milliards de DH d’investissements. Le Maroc d’aujourd’hui n’a pas les moyens de supporter de telles charges. D’autant que la construction de barrages ne fabrique par l’eau», dit Balafrej.

Economie d’eau d’abord
Pour lui, le Maroc s’est trop longtemps concentré sur ce volet, tout en omettant l’utilisation qui est faite de cette eau. A la gestion passée de l’offre doit désormais se substituer celle de la demande. Cela suppose une utilisation efficiente des réseaux performants… Bref, une politique basée d’abord sur l’économie d’eau. En attendant, et si rien n’est fait, le coût de dégradation des ressources représente 15 milliards de DH par an, soit 6% du PIB. Le ministère de tutelle enregistre une baisse de 5 mètres par an des nappes phréatiques. Les eaux de pluie, établies à 29 milliards de m3, ne sont après étude qu’à 21 m3.

La rencontre d’Agadir permettra dans ce sens de débattre de nouvelles pistes pour un approvisionnement et une gestion plus efficients de l’eau. Des thèses comme la réutilisation des eaux usées seront abordées. A titre indicatif, la réutilisation, après traitement, des eaux usées de la seule région de Marrakech dans l’irrigation des golfs, équivaut à la construction de deux barrages. Idem pour le dessalement de l’eau de mer. L’évolution des prix des ouvrages classiques fait que ce dernier moyen, jugé trop coûteux auparavant, devient désormais économiquement viable. Les expériences comme celles d’Israël et de l’Australie devront servir de leçons en la matière. En Espagne et en Algérie, cette technique est désormais valable non seulement pour l’eau potable, mais aussi pour l’irrigation, secteur qui mobilise pas moins de 85% des ressources en eau disponible au Maroc (contre 12% pour l’eau potable et 3% pour l’industrie).

A Agadir, l’expérience de Ciments du Maroc, qui a installé une petite unité de dessalement d’eau de mer pour les besoins de son usine dans la capitale du Souss est édifiante. La reconversion de certaines activités agricoles s’impose également. «Il faut que le prix de l’eau oriente le type d’agriculture à mettre en place. On ne peut plus par exemple se permettre d’irriguer des zones céréalières à faible valeur ajoutée», plaide-t-on du côté du département d’El Yazghi. La gestion déléguée sera également au centre des débats.

La formule a prouvé son efficacité. Mais encore faut-il que le délégant soit plus fort que le délégataire. Reste à gérer aussi tous les conflits que la problématique de l’eau génère. Si la démarche pour la réforme de l’eau est participative, c’est bien pour enclencher un début de responsabilisation de tous les intervenants. Une nouveauté.

Trois scénarios
Au ministère de l’Aménagement du territoire, la théorie des trois scénarios commence à faire son chemin. Le premier c’est la rareté de la ressource. Mais a-t-on regardé ce qu’on perd comme eau? L’économie d’eau est présentée, à elle seule, comme étant «un grand réservoir». Elle va de la simple sensibilisation du citoyen à l’amélioration de la conception des villes en passant par la mise en place des équipements et mesures d’encouragement adéquats. Deuxième scénario, celui de la rareté des financements. La solution est d’amener les usagers et le privé à mettre la main à la poche.

Le prix de l’eau à la consommation n’est pas au prix qu’elle a coûté. La loi a mis en place le principe de préleveurs payeurs, pollueurs payeurs. «Mais qu’en est-il du prix de la prestation?», s’interroge le Conseiller. La valorisation de l’eau passe ainsi par la revalorisation des prix. Il y va de la crédibilité du Maroc vis-à-vis des bailleurs de fonds. Troisième scénario: l’eau est un problème technique. Or, elle fait appel à des considérations politiques, économiques et sociales. Ce qu’il faut, c’est lier l’eau à son environnement, d’où le regroupement en 2002 de trois départements (aménagement du territoire, eau et environnement) au sein d’un seul.

Tarik Qattab
Source: L'Econimiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com