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Campagne agricole: De sérieuses inquiétudes

«Le ciel sera peu à passagèrement nuageux, la gelée sera assez fréquente la nuit et le matin…». Haj Ahmed Saïdi tourne le bouton de son autoradio. Il ne veut pas en entendre davantage. Après un silence, qui en dit long sur son état d’âme du moment, il lance dans un soupir: «s’il ne pleut pas dans les tout prochains jours, je lâcherais mes bêtes dans les champs».

De nombreux agriculteurs sont dans le même cas. Ils attendent tous la pluie qui tarde à venir avec abondance. Une situation aggravée par le froid et les gelées matinales qui freinent la germinaison normale des dernières semences. Pourtant, il y quelques semaines, les chutes de pluie laissaient présager d’un bon début de saison agricole. «Le ciel en a décidé autrement et nous ne pouvons dans l’immédiat que rester dans l’expectative», commente notre agriculteur. Gardant tout de même espoir que la saison sera sauvée pour qu’il puisse, au moins, renter dans ses frais. Haj Ahmed a dépensé quelque 40.000 DH dans les labours et l’ensemencement des 15 hectares qu’il possède. «Si la saison n’est pas encore tout à fait compromise, on ne peut cependant s’attendre à une récolte aussi importante que celle de l’année dernière», indique Abdelghani A. Pour cet ingénieur-agronome, exploitant agricole, «il sera difficile d’atteindre les 90 millions de quintaux réalisés la saison écoulée». Cela pour plusieurs raisons. D’abord, les pluies n’ont pas été régulières. Ensuite, les semences précoces commencent à souffrir du manque d’eau et les couleurs des pousses à virer à un jaune-pâle inquiétant. Enfin, la germinaison des graines ensemencées après les pluies d’il y a trois semaines est rendue difficile tant par le manque d’eau que par le froid.

Voilà une situation qui remet encore une fois sur le tapis la question de la dépendance de la céréaliculture marocaine de la pluie. Abdelghani a, lui, déjà remédié au problème. Il a investi dans la modernisation de l’exploitation agricole de 120 hectares qu’il a héritée de son père. Un investissement de 800.000 DH qui lui a permis de s’équiper en pivot pour l’irrigation de ses champs. «L’eau est à peine à 15 ou 20 mètres de profondeur et la nappe phréatique est immense dans cette région des Ouled Saïd (province de Settat). Grâce aux pivots, mes champs sont arrosés de manière régulière et surtout rationnelle et je peux même réaliser deux récoltes par an», explique-t-il. Après des années dans la fonction publique, Abdelghani a décidé, dès la mort de son père il y a quatre ans, de prendre en main l’exploitation familiale. Aujourd’hui, il ne cache pas sa satisfaction. «Dans huit ans, tout au plus, j’aurais tout remboursé et mon investissement sera amorti», dit-il.

Le cas de Abdelghani reste toutefois exceptionnel pour la simple raison qu’un investissement dans l’irrigation par pivots nécéssite d’importantes superficies. Or, la majorité des fellahs ne dispose que de surfaces moyennes variant entre 1,5 et 3 hectares. «La solution pour dépasser cet handicap de morcellisation des terres est d’encourager les fellahs à se regrouper dans des coopératives pour une exploitation commune de leurs terres», estime un responsable du département de l’Agriculture. «Chacun investira proportionnellement à sa superficie et recevra sa part des récoltes selon le même principe», ajoute-t-il. Seulement, de nombreux fellahs ne l’entendent pas de cette oreille, les mentalités étant difficile à changer.
En attendant, D. Thami continuera encore à scruter le ciel en quête de nuages. Et aussi pour implorer la clémence de Dieu.

Jamal Eddine HERRADI
Source : L'Economiste

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