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Ben Barka. Un mystère vieux de 43 ans

Quarante-trois ans après l'assassinat de Mehdi Ben Barka, est-on en droit d'espérer que le voile soit enfin levé sur sa mort? Si l'affaire est désormais moins taboue, la volonté politique semble, elle, toujours aussi timide.

Mercredi 29 octobre 2008. Cela fait exactement 43 ans que Mehdi Ben Barka a disparu. L'histoire de cet opposant socialiste marocain n'est plus à rappeler. Dans le collimateur des services secrets marocains, français et autres, l'homme est enlevé devant la brasserie Lipp en France. Il est ensuite torturé à mort mais son corps n'est jamais retrouvé, ni les responsables clairement (et officiellement) désignés.

Et comme le 29 octobre de chaque année, la famille de Ben Barka ainsi que les principales associations des droits de l'homme organisent une série d'événements pour célébrer le triste anniversaire. Aujourd'hui à Paris, ils seront d'ailleurs nombreux à s'attrouper devant la brasserie où a été enlevé Ben Barka, le 29 octobre 1965. Un rituel annuel qu'a instauré le fils de l'opposant, Béchir Ben Barka, voici maintenant 25 ans. Des initiatives similaires sont organisées au Maroc, mais tout cela reste de l'ordre du symbolique. Le dossier du plus grand opposant marocain reste le tabou marocain (et même français) par excellence. Cela étant, peut-on espérer un jour connaître la vérité sur le sort de Ben Barka ? «Pour moi, la réponse est oui. C'est ce qui me pousse à me battre», confie Béchir Ben Barka. Selon lui, tous les éléments qui pourraient servir à connaître la vérité sont là. «Des témoins sont encore en vie, mais refusent de parler. Les preuves matérielles existent toujours. Je suis sûr que si on creuse dans le camp PF3 (l'endroit où serait peut être enterré le corps de Me­hdi Ben Barka ; NDLR), on trouvera certainement des éléments qui feront avancer l'enquête. Il y a également les archives françaises, mais aussi marocaines, américaines et israéliennes qui n'ont pas encore été toutes déclassées, et qui contiennent à coup sûr la vérité», explique Béchir Ben Barka.

Le déclassement en 2004 des archives françaises datant de l'époque de la disparition de l'opposant avait suscité à l'époque l'espoir que l'affaire soit enfin résolue. «La montagne a finalement accouché d'une souris, les documents n'ont apporté rien de nouveau», se désole encore Béchir. Autre faux espoir : en 2005, le ministère de la Justice marocain désigne un juge d'instruction pour exécuter une commission rogatoire adressée au Maroc. L'initiative sera entravée par le refus de témoins marocains de comparaî­tre à la barre. Des mandats d'arrêt internationaux sont lancés contre ces personnalités. Sans suivi, ils ne seront pas exécutés. C'est donc le retour au point de départ.

«Juridiquement, l'affaire n'a pas beaucoup avancé] depuis l'émission des mandats d'arrêt internationaux», explique Béchir. Selon lui, la volonté politique de fermer le dossier n'existe pas encore. Côté français, les mandats n'ont pas été transmis par la chancellerie. Côté marocain, le blocage est toujours de mise. «Pourtant, c'est aujourd'hui qu'il faut oser. Les deux chefs d'Etat, du côté marocain comme du côté français n'ont aujourd'hui rien à voir avec la disparition», affirme le fils Ben Barka.

Pour Abdellatif Jebrou, écrivain, militant de l'USFP et auteur d'un livre sur l'opposant marocain, la vérité est connue. «Hassan II l'a avoué dans Mémoires d'un roi. Il a dit qu 'il n'a jamais pensé qu'un de ses proches, en l'occurrence le général Oufkir, allait en arriver à mettre fin à la vie de quelqu'un. Le défunt roi faisait clairement référence au meurtrier de Mehdi Ben Barka», estime Jebrou, qui pousuit : «Bien évidemment, la famille Ben Barka est aujourd'hui en droit de savoir où est enterré leur proche, pour se recueillir sur sa tombe». Selon le chroniqueur Ittihadi, «c'est le chantage des gens concernés par l'affaire, qui ont menacé de dire autre chose que la vérité, qui bloque l'affaire. Mais j'ai espoir, car même si cette disparition demeure encore un tabou, il n'est plus interdit de prononcer le nom de l'opposant, comme à l'époque où la TV marocaine opérait une véritable campagne de dénigrement de la personne de Ben Barka», termine, sur une note d'optimisme, Abdellatif Jebrou.

Zakaria Choukrakkah
Source: Le Soir Echos

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