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Des prêts restés inexploités par le Maroc !

Cent millions de dollars, c’est le montant représentant la contribution de la Banque mondiale (BM) à l’INDH qui devait être approuvé hier, jeudi 14 décembre, par le conseil d’administration de la banque à Washington. Quelques semaines auparavant, des experts de la banque avaient effectué un long séjour au Maroc pour y éplucher les manuels des procédures devant servir à la mise en œuvre des projets INDH, notamment les procédures de montage de dossiers et de déblocage de fonds. Lesquels manuels sont, selon des sources au bureau de la banque, à Rabat, en cours d’impression avant d’être diffusés à l’ensemble des acteurs.

Si l’accord du board of directors de l’institution de Washington pour les 100 millions de dollars était attendu sans trop de suspense, en revanche, on notera que la banque a tenu à ce que ces fonds aillent directement au Budget de l’Etat. «Nous ne voulons pas entrer dans les méandres des formalités administratives de gestion des marchés, de passation de contrats», justifie Farid Belhaj, représentant résident de la banque à Rabat.

Cette attitude prudente cache en fait un souci majeur : éviter de répéter les erreurs du passé qui faisaient que des ministères n’agissaient pas, laissant les prêts inaffectés. Rien que pour la période 2002-2006, des millions de dollars destinés à des plans d’action présentés à la banque sont restés inutilisés. Or, plusieurs de ces financements devaient aller à des projets sociaux, très proches de ceux de l’INDH. L’on comprend donc l’attitude frileuse des experts de Washington.

Une bonne part de ces projets concerne le programme de développement agricole intégré (PDRI), dont certains remontent à 2003 voire 2001, pour lesquels des prêts avaient été approuvés par la Banque mondiale mais qui n’ont à ce jour jamais été décaissés.

La démarche participative fait traîner les choses
Pourquoi ? A la Banque mondiale on explique ces retards par plusieurs facteurs. D’abord, des complications d’ordre procédural, notamment les formalités de passation de marchés, les circuits d’approbation des dépenses budgétaires par les ordonnateurs au niveau local puis central (Contrôle des engagements et dépenses - CED - notamment). Deuxième facteur de retard : le caractère interministériel des projets qui fait que les services extérieurs des ministères ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes et n’ont pas les mêmes priorités. Enfin, et surtout, il y a le facteur inhérent à la conception de ces projets basés sur des approches participatives. Or, qui dit approche participative dit réunions nombreuses avec les bénéficiaires, identification préalable des besoins... Tout cela, pour les cadres de la Banque mondiale, à l’image de Hassan Amrani, économiste au bureau de la BM à Rabat, prend du temps et même des années. M. Amrani explique dans le même sens qu’«au moment de l’approbation de ces prêts, nous ne connaissions que de manière globale la nature des projets et ce sont les études sur le terrain qui devaient par la suite définir avec précision les localités concernées, les besoins des populations et les caractéristiques exactes de chaque projet».

Mais le fait est qu’aujourd’hui, pour certains de ces projets, ces actions préalables ont pris plus de temps que prévu. Au point que, au sein même du gouvernement, certains départements ont sonné l’alarme. C’est le cas du ministère des finances, coordinateur national pour tout ce qui concerne les fonds provenant de la Banque mondiale, entre autres, et dont certains hauts responsables parlent des PDRI comme étant «un échec» en se basant sur les taux de décaissement qui ne dépassent pas 25% dans le meilleur des cas.

Les ministères refusent de débourser leur quote-part
Mais il n’y a pas que cela. Il faut savoir, en effet, que pour les montants de prêts approuvés mais non décaissés, le Maroc paie tout de même une commission d’engagement de 0,25% par an à la banque. Ainsi, pour les trois plus gros et plus anciens projets concernés (voir encadré) qui représentent des prêts approuvés de l’ordre de 96 millions de dollars (environ 900 MDH), le Maroc a dû débourser près de 8 MDH à ce jour au titre de cette commission. Au ministère des finances, l’explication de l’inutilisation de ces fonds réside dans le caractère interministériel des projets. Ainsi, même si le pilotage est confié au ministère de l’agriculture, qui a délégué la tâche au secrétariat d’Etat chargé du développement rural, la mise en œuvre est tributaire des autres départements concernés qui doivent apporter leur quote-part respective dans le projet. Or, souvent, les départements concernés n’allouent pas de budget à ces actions qui se trouvent ainsi bloqués pendant plusieurs années.

Abderrazzak Lazrak, conseiller à la Primature, chargé, entre autres, des financements extérieurs, dont ceux de l’Union européenne et de la Banque mondiale, abonde dans le même sens. Pour lui, ces fonds inutilisés et ces projets jamais exécutés sont la preuve que les administrations marocaines ne savent pas encore travailler en équipe sur des projets intégrés.

Enfin, au département en charge du développement rural, qui a hérité du pilotage de ces dossiers, Mohamed Mohattane, secrétaire d’Etat, reconnaît également que «les études ont trop tardé et qu’une réflexion est aujourd’hui lancée pour rattraper le temps perdu».

Le plus grave est que le retard pris par le lancement de ces projets a posé un autre problème de taille lié cette fois-ci à l’INDH. En effet, plusieurs communes ciblées aujourd’hui par l’initiative de développement humain étaient censées bénéficier des programmes de développement rural intégré financés par la Banque mondiale. Ce qui a poussé cette dernière à agir en invitant le gouvernement marocain à réfléchir sur des solutions. Faut-il annuler ces projets pour le cas de ces communes « doublons » et allouer les fonds à d’autres projets ? Faut-il annuler certains projets étiquettés INDH et relancer le PDRI ? Farid Belhaj révèle que la réflexion vient à peine de commencer et que rien n’est encore décidé. Faudra-t-il réduire les enveloppes initiales ? De toutes les manières, «quoiqu’on fasse, nous n’arriverons certainement pas à tout décaisser d’ici 2008 ou 2009», estime Hassan Amrani qui affirme en conclusion que l’expérience des PDRI a un bon côté puisqu’elle a permis à la Banque mondiale de tirer les enseignements avant de s’impliquer dans l’INDH. Espérons que l’Administration en tire les leçons de manière à éviter les mêmes ratages avec les projets INDH.

Des exemples flagrants d’inertie...
Projet pour la moyenne et petite hydraulique : 32,6 millions de dollars. Approuvé par la Banque mondiale en juin 2001 et devant expirer en décembre 2008. A ce jour, le montant décaissé, plus de cinq ans après, est de 8,5 millions de dollars à peine, soit 26 %.

Projet de mise en valeur des zones bour : 26,8 millions de dollars. Approuvé en juin 2003 et devant expirer en décembre 2009. Montant décaissé : 2,2 millions de dollars.

Projet de désenclavement rural : 36,9 millions de dollars. Approuvé en juin 2004 et devant expirer en juin 2010. Montant décaissé :
2,2 millions de dollars.


Saâd Benmansour
Souce: La Vie Eco

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