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L'affaire du navire marocain pollueur

«Non coupable». La direction de Marphocéan, la filiale d’armement maritime créée en 1993 par l’Office chérifien des phosphates, ne se sent absolument pas responsable de la pollution du week-end dernier au large de la Bretagne. Pour Amhil, son directeur technique et commercial, «rien ne prouve que la pollution ne se soit pas trouvée la avant que notre tanker passe! Si nous avons payé les cautions, c’était pour débloquer notre bateau, qui devait livrer ses 22.000 tonnes de mélasse en Angleterre. Lors de l’audience correctionnelle, en avril prochain, notre commandant réaffirmera son innocence!».

L’affaire a fait l’ouverture de tous les journaux télévisés français pendant un ou deux jours: chacun avait des images à montrer.

Al Farabi, présumé coupable
Marphocéan nie. Comme tous les pollueurs qui croisent au large de la Bretagne depuis des années. Les bateaux dégazent, les capitaines jurent leurs grands dieux qu’ils n’ont jamais rien fait, et, à la fin, il sont tous condamnés. «Al Farabi», un tanker de 172 mètres de long et de 24 000 tonnes, va probablement connaître le même sort. Il a en effet été pris en photo par un avion de la gendarmerie maritime de Brest le vendredi 29 septembre, à 280 kilomètres au large de la pointe ouest de Penmarc’h. Derrière lui, une nappe d’hydrocarbures de 19 kilomètres de long sur 50 mètres de large.

Les photos ont été transmises immédiatement au Parquet qui a donné l’ordre de détourner le chimiquier sur Brest. Après, la procédure a été respectée à la lettre. Le procureur de la République de Brest a fait inspecter le bateau, le commandant a été entendu et en moins de 24 heures, le verdict est tombé: Al Farabi est présumé coupable. Et le procureur a demandé et obtenu une caution de 250.000 euros pour que le bateau puisse repartir. Ce qu’il a fait le lundi après-midi.

«Une caution de 250.000 euros (2,7 millions de DH environs), c’est le montant ordinaire pour ce type de nappe, explique le procureur de la République. La nappe est assez loin des côtes, elle ne les touchera probablement jamais. Mais bien entendu, cela ne préjuge pas des dommages et intérêts qui pourront par la suite être accordées par le tribunal». Calme, le procureur en a vu d’autres, tellement il est habitué à ce que tous clament leur innocence dans ce genre d’histoire. Il ne veut retenir que le fait que le capitaine du Al Farabi a parfaitement déféré aux injonctions des gendarmes. Pour le reste tout le monde à Brest est habitué au type de discours tenu par Marphocéan: «il n’y a aucune preuve contre nous».

Trois hypothèses
Que peut-il se passer maintenant alors pour Marphocéan?
Première hypothèse: la justice française s’énerve devant les dégazages, la mauvaise foi et les ratiocinations juridiques des pollueurs. Il y a ainsi tout juste un an, le tribunal de Brest a prononcé une amende record contre un cargo panaméen : 800.000 euros! Dans cette affaire, la justice n’avait pas apprécié que le capitaine explique avoir subi une panne «inopinée du séparateur des eaux usées». Une argumentation qui, semble-t-il, aurait été également avancée par le capitaine du Al Farabi. Argument qui a toujours eu le don de mettre en boule les gendarmes.

La deuxième hypothèse: Marphocéan tente de faire dessaisir le tribunal de Brest. Un texte des Nations Unies prévoit en effet que le jugement d’une telle affaire peut être confié au pays du pavillon plutôt que pays côtier. C’est en tout cas ce que plaide actuellement un chimiquier norvégien surpris en train de dégazer à peu près dans les mêmes conditions que «Al Farabi» au mois de mars dernier au large de l’île d’Oléron. Marphocéan peut estimer que la justice marocaine sera plus clémente à son égard.

La troisième est que Marphocéan fasse ses comptes: avec la jurisprudence française actuelle, elle ne sera pas condamnée à plus de 300 000 euros, dommages et intérêts compris. Mais il faut qu’elle assume le dégazage!

"Le chimiquier de Marphocéan, Al Farabi, a été arraisonné à Brest, en France, le week-end dernier: il avait été pris en train de dégazer (rejeter des hydrocarbures en mer), ce que nie Marphocéan. L’affaire a été fortement médiatisée en France, comme c’est généralement le cas dans les affaires de pollution marine. Le navire a payé la caution pour reprendre la mer et les suites judiciaires proprement dites débuteront au printemps prochain"

Antoine Clause
Source: L'Economiste

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