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Timeshare, l'arnaque au bout du contrat

A Casablanca, comme à Marrakech, sur les grands boulevards ou devant les grandes surfaces, les couples sont fréquemment abordés par des jeunes qui les invitent à participer à un sondage sur le tourisme au Maroc. Jusque-là, pas de problème. Puis après quelques questions, " l'enquêteur ", un démarcheur en fait, vous annonce que vous avez gagné un séjour, pour vous et votre famille dans un luxueux hôtel en Espagne, au Maroc ou aux Bahamas.

Choisissez la destination ! Il n'y a qu'une seule condition, vous devez accompagner le "rabatteur" au siège de la société. Là, d'autres professionnels vous prennent en charge et vous vendent… du vent. Les méthodes marocaines agressives de démarchage et de rabattage pour "la vente" d'appartements à temps partagé ou "time share" et les mésaventures qui s'en suivent sont maintenant connues au-delà de nos frontières. Il y a tant de victimes que même le ministère français des Affaires étrangères a réagit en intégrant dans ses " conseils aux voyageurs " une note d'information à ce propos.

Comme les contrats multipropriété signés après le versement d'un acompte de 70000 à 130000 dirhams ne garantissent pas expressément un véritable droit de jouissance et ne contiennent pas de clauses relatives à un délai de réflexion durant lequel le signataire pourrait se dédire (comme c'est le cas en Europe), le ministère français des Affaires étrangères informe les ressortissants de l'Hexagone que " les sommes d'argent versées ne peuvent donc être restituées aux signataires lorsqu'ils les réclament ".

Il précise par ailleurs que " le ministère marocain chargé du tourisme et les autorités locales ont demandé aux professionnels d'adhérer, en attendant la promulgation d'une réglementation, à un code de déontologie, prévoyant notamment l'abstention de tout démarchage sur la voie publique, et le respect d'un délai de rétractation des clients…". Toutefois, le Quai d'Orsay revient à la charge en estimant que " l'opposabilité juridique de l'adhésion à un tel code reste incertaine, en dehors de tout engagement contractuel avec le client ".

Pour mieux comprendre ces histoires, venons-en aux faits.
Il y a une vingtaine d'années, le " time share " avait fait son apparition au Maroc. A cette époque, il s'agissait seulement de sociétés, basées à Casablanca et à Marrakech qui sous traitaient pour des compagnies étrangères. Les propriétaires de certaines résidences touristiques mettaient ainsi leurs appartements à la disposition d'une clientèle européenne a laquelle ont avait vendu une semaine voire deux d'occupation d'un appartement donné. La mode est venue des Etats –Unis. Le système consistait à acheter en co-propriété une résidence de vacances que l'on utilisait à tour de rôle.

Il a eu tellement de succès qu'un réseau de ce que l'on appelle désormais le " time share " a été mis en place. Jusque-là, rien d'anormal. Tant qu'il n'y avait que les co-propriétaires dans l'affaire, cela ne posait pas de problèmes. Puis des sociétés sont entrées en ligne et ont commencé, d'abord par gérer ces résidences, aussi bien en Amérique qu'à travers les autres continents, puis se sont mises à commercialiser leurs propres produits. Contre une somme d'argent, vous devenez, en principe, co-propriétaire d'un bien immobilier dans lequel vous pouvez habiter une fois par an pour une période donnée. En plus, en adhérant au club international de time share, une sorte de bourse, vous pouvez échanger votre période ou votre destination. En réalité, vous n'êtes co-propriétaire de rien du tout, vous-vous êtes simplement abonné chez un néo tours opérateur qui vous fait payer cher ses prestations.

Le montage est astucieux et il permet beaucoup de choses. Certains opérateurs marocains ont très vite compris que le time –share est une poule aux œufs d'or, une planche à billets. En dehors de toute réglementation, ils en profitent et se remplissent les poches. Comment? C'est simple. Dans le meilleur des cas, un appartement de 60 mètres carré est " vendu ", au minimum, à 52 personnes.
A raison de 70000 dirhams par vente, cela fait la coquette somme de 3640000 dirhams pour un bien immobilier qui reste toujours au profit du promoteur. En fait, " l'acquéreur " ne reçoit aucun titre de co-propriété, nous l'avons vérifié auprès de la conservation foncière de Marrakech. Il reçoit un document qui n'a aucune valeur juridique et qui est rédigé de telle sorte qu'il permette de soustraire encore beaucoup d'argent aux " victimes " de ces machinations.

A. Z. raconte sa mésaventure. " Il y a une dizaine d'années, j'ai signé un contrat avec une société basée à Casablanca et j'ai payé la totalité de la somme qui m'a été réclamée, devenant, en principe, co-propriétaire dans une résidence à Marrakech. Ce qui me donnait également le droit de passer des vacances dans le pays de mon choix ". " Pour des raisons personnelles, ajoute-t-il, je n'ai pas pu m'occuper de cette affaire. Ma femme était atteinte d'un cancer et pendant des années, j'étais à ses côtés pour la soigner et la soutenir ". Après le décès de son épouse, il a fallu encore quelques années pour que A. Z. remette de l'ordre dans sa vie. Pendant ce temps, la société contractuelle, mais néanmoins propriétaire de la résidence, a changé plusieurs fois de nom et d'adresse. "Après des mois d'investigation, précise-t-il, j'ai trouvé l'adresse de la société.

Là, on a commencé par me dire qu'ils n'étaient pas responsables des engagements de la première société de commercialisation. Comment pouvez-vous me dire cela alors que le personnel et le patron de la boîte sont les mêmes ai-je répondu, scandalisé. Devant mon insistance, surtout que la personne qui me parlait n'était autre que celle-là même avec laquelle j'avais signé le contrat à l'époque, on m'assura qu'on allait examiner mon cas ". Il a fallu encore des dizaines de coups de téléphones, plusieurs rendez-vous et beaucoup de pression pour que la
" nouvelle " société reconnaisse enfin disposer d'un contrat au nom de A. Z. Mais cette reconnaissance n'a pas pour autant résolu le problème. On lui a fait savoir que son contrat a été résilié et qu'il doit payer les charges qui s'étaient accumulées. On lui a réclamé 47000 DH. C'est le comble de la malhonnêteté.

Après plusieurs tractations, un compromis a été trouvé, mais A.Z. n' a pas récupéré toute la somme investie au départ. La raison est simple, il n'a pas acheté des parts dans une résidence, mais il a payé un droit d'entée à ces clubs très particuliers. Une sorte d'abonnement. Selon un juriste, " Le timeshare est le droit d'usage d'une semaine d'un appartement dans une résidence de vacances. Les prix sont libres, donc il n'y a pas escroquerie à ce niveau. Cela tourne à l'escroquerie lorsque le " vendeur " fait croire à l'acheteur qu'il est copropriétaire. D'où le terme

" Multipropriété ". En réalité le vrai propriétaire de la résidence est un promoteur qui se cache généralement derrière une société civile immobilière (SCI) ou une SA". L'histoire se s'arrête pas la, " l'acquéreur " doit s'acquitter annuellement de charges de gardiennage et d'entretien qui équivalent parfois le prix qu'il pourrait payer pour louer un appartement ou une chambre d'hôtel pour une semaine.

Ce n'est pas fini, parce qu'il y a encore une autre arnaque. Au moment de la réservation de votre semaine, on vous fait savoir qu'en fonction de votre contrat, il n'y a pas de disponibilité et l'on vous propose, moyennant bien entendu une somme supplémentaire, une autre destination ou même " votre " appartement. Un système de semaines rouges, de semaines vertes et de semaines en couleurs permet aux drôles de promoteurs d'agir comme ils veulent.
Ils vous font même facturer les personnes supplémentaires que vous aurez éventuellement invitées.

En clair, les crédules se font avoir aussi bien au moment de l'établissement du contrat que lors de son exécution. Maintenant, quand il s'agit de céder ses " droits " au profit de tiers, ou tout simplement dénoncer le contrat, vous vous retrouvez face à de véritables requins qui peuvent vous soutirer, une fois de plus, de l'argent.

Les plaignants, et ils sont nombreux ont été découragés, parfois intimidés par ces gens qu'on dit protégés et intouchables.

Plusieurs avocats interrogés estiment que " le fait pour un professionnel de faire expressément référence à la qualité de propriétaire des acheteurs alors qu'en réalité la transaction proposée aux particuliers porte sur l'adhésion à un club et sur le droit de jouissance à temps partagé constitue une infraction ".

La loi , notamment sur la communication audiovisuelle, interdit et puni " toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur les consommateurs ". Selon maître M. Briou, " il y a un arsenal juridique qui puni les personnes, physiques ou morales qui induisent en erreur les gens ". Mais jusqu'à présent, et malgré de nombreuses plaintes, les autorités tardent à réagir et à prendre les dispositions qui s'imposent. C'est de l'arnaque à grande échelle qui relève du pénal maintenant en Europe.

De toutes le façons, les vacances en " time share " doivent soulever, chez-nous aussi, des interrogations sur les méthodes de vente et de gestion.

Le témoignage d'un couple français

Sur l'internet, il y a de nombreux témoignages sur les pratiques peu orthodoxes des vendeurs de maisons pratiquement virtuelles. Voici ce que raconte un couple de Français : "mon compagnon, Gérard , et moi-même avons été abordés sur un trottoir de Marrakech par un étudiant marocain très entreprenant. Il tient une liasse de tickets qui, selon lui, peuvent faire gagner un séjour à l'hôtel... Je décide de passer mon chemin. L'étudiant, qui dit se prénommer Mehdi, s'accroche. Gérard finalement tend la main, et l'étudiant en profite pour me remettre de force, à moi aussi, un ticket. Gérard ‘'gratte'' et découvre qu'il a gagné une boisson non alcoolisée. Je ne veux pas ‘'gratter''. L'étudiant insiste, mon compagnon rit, se prend au jeu. Je finis par m'exécuter et je découvre que j'ai soi-disant gagné un séjour d'une semaine à Marrakech pour 4 personnes. Mehdi saute de joie, se met à danser autour de nous, pousse des cris ! Pour moi, tout cela n'est que foutaise. Je veux poursuivre mon chemin. Mais Mehdi continue : je vous emmène en taxi chercher votre lot ! Vite ! C'est fantastique ! Vous ne réalisez pas votre chance ! Et puis moi, grâce à vous, je gagne 400 points ! " Points de quoi, on ne sait pas. Je sens l'arnaque… Gérard, crédule, me pousse à monter dans le taxi : " Il faut essayer ! On va voir ! ".

Nous arrivons à 11 h à l'hôtel … Mehdi nous confie à un jeune Français, Cédric. Celui-ci nous demande si nous avons des rendez-vous dans la journée et si nous pouvons consacrer 90 minutes pour qu'il nous présente un nouveau concept de vacances. Au point où nous en sommes, nous acceptons.

M....... nous fait signer à tous deux un accord d'achat pour un droit d'occupation…" C'est quoi, ça, un droit d'occupation ? C'est du time-share ! Nous ne voulons pas de cela ! Nous sommes contre ! ". Pas du tout, nous explique M........, c'est une domiciliation, rien d'autre. " Une domiciliation qui vous permet d'avoir accès à toutes les résidences du club… à travers le monde ". Nous signons…Je me sens mal, très mal. Gérard, lui, veut avoir confiance. Tout va s'arranger. On va pouvoir partir en vacances plus souvent, faire le tour du monde ! Le soir, je lis à tête reposée le Mode d'Emploi qui nous a été remis après la signature du " contrat ". Je découvre que nous avons fait l'acquisition d'une semaine de vacances en période rouge (semaine flottante) à la résidence A…..

Ce qu'il faut savoir sur le time share

Le time share est le droit d'usage d'une semaine d'un appartement dans une résidence de vacances. Ceci veut dire qu'un appartement donne droit à 52 semaines de temps partagé. Une résidence de 100 appartements donne donc droit à 5100 semaines. Le droit d'usage de ces semaines est vendu à partir de 70000 DH. Faites le compte, la vente de toutes les semaines d'un appartement rapporte plus que la vente de l'appartement lui-même.

Les prix sont libres, donc il n'y a pas escroquerie à ce niveau. Cela tourne à l'escroquerie lorsque le " vendeur " fait croire à l'acheteur qu'il est copropriétaire. D'où le terme " Multipropriété ". En réalité le vrai propriétaire de la résidence est un promoteur qui se cache généralement, une société civile immobilière (SCI) ou une SA. Les gérants de ces résidences sont quasiment impossibles à contrôler.

Cinq protagonistes principaux font fonctionner le système: les bourses d'échange, les promoteurs, les sociétés de vente et de "revente", les gérants des résidences, et les organismes financiers ou groupes d'investissement.

Aucune législation n‘organise légalement le secteur, d'où les nombreux abus enregistrés. Avant de s'engager, il est préférable de se faire assister par un avocat ou un conseiller juridique.

Laïdi Parjou
Source : Le Matin

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