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Qui va payer la grève des transports au Maroc

Visiblement, c’est encore parti pour plusieurs jours. Les grévistes, rejoints hier matin à 10 h par les chauffeurs de bus, n’ont toujours pas l’intention de mettre fin au mouvement, à moins «d’un signal fort du ministre du Transport». Et le signal est venu de plus haut. Le Premier ministre donne en effet rendez-vous aux principaux syndicats le lundi 9 avril.

A l’heure ou nous mettions sous presse, la Confédération démocratique du Travail (CDT) appelait à l’arrêt de la grève jusqu’à la date de la réunion avec la Primature. Les syndicats de «Mdina Bus», groupement délégataire du transport par bus de la ville de Casablanca, annonçaient eux aussi la reprise, précisant que la grève était décidée en signe de solidarité et ne portait sur aucune revendication.

L’Union syndicale du transport routier, relevant de l’UMT, pour sa part persiste et signe. Il n’est nullement question d’arrêter. Le syndicat, au nom de la commission de coordination nationale, s’est même fendu d’un communiqué virulent appelant à la reconduction du mouvement «pour 48 h renouvelables», selon la formule consacrée.
Le risque de paralysie est plus que jamais proche, puisque les cheminots et les conducteurs d’avions se disent solidaires. En effet, le Syndicat des travailleurs des chemins de fer et la Fédération nationale du transport aérien se joignent au mouvement. En tout cas, le transport urbain est au point mort. Si mardi matin à Casablanca, quelques chauffeurs de taxis se risquaient à prendre des clients pour des courses rapides, au risque de se voir attaquer par les grévistes, il n’en était pas de même hier.

Le mot d’ordre semble avoir été suivi à la lettre, parfois par la contrainte, et les employés et autres usagers des transports en étaient réduits à faire de la marche… ou de l’auto-stop.
L’intimidation, voire l’agression physique contre les briseurs de grèves semblent avoir porté leurs fruits. Des bus de compagnies privées ont même été la cible de barrages improvisés, vandalisés et obligés d’interrompre leur voyage.

Côté business , la situation empire. Les opérateurs économiques pointent du doigt le département de Ghellab (cf.www.leconomiste.com) car le manque à gagner commence à se faire sérieusement sentir. Premier secteur industriel exportateur du pays, le textile est en tête de liste des «victimes de dommages collatéraux». Obligé de se repositionner sur le «fast fashion», après la fin de l’accord multifibre, l’industrie textile doit jouer avec des délais de réponses très courts. Tout retard dans les livraisons peut être dommageable et mettre à mal la compétitivité du pays. «L’enjeu ne se mesure plus en jours mais en heures. Chaque minute compte», affirme Karim Tazi, président de l’Association des textiliens (AMIT), qui avoue ne pas comprendre les tenants et les aboutissants de ce mouvement. Et d’ajouter: «Il n’y a pas d’autre façon de tuer l’industrie». Les éleveurs avicoles grincent aussi des dents. «Nous sommes à bout. La situation est intenable», affirme Youssef Alaoui, président de leur fédération (FISA). Là aussi le gouvernement est mis à l’index: «Nous ne voulons pas entrer dans les détails, qui a tort qui a raison, le gouvernement doit faire son travail et trouver une solution», martèle Alaoui.

Au port de la métropole, deuxième jour de statut quo, il n’est pas question d’arrêt de grève. Selon une source sur place, les rares camions qui ont essayé de braver la consigne ont en eu pour leurs frais. «Deux crises graves à aussi brève échéance (ndlr: référence faite aux grèves dans les ports) est plus que ne peut endurer l’économie nationale. C’est nous qui payons les pots cassés et l’impact sur nos comptes d’exploitations se fait de plus en plus sentir», affirme un industriel. A l’allure où vont les choses, il se peut que l’économie ait à supporter encore plus.

«Si aucune issue n’est trouvée d’ici très rapidement, ce sera la grève générale», insiste-t-on auprès de l’UMT. Ports, aéroports, chemins de fer, transport routier et urbain… la menace est sérieuse. D’autant plus que les collectivités locales s’y mettent à leur tour. Une grève est en effet annoncée pour les 5 et 6 avril par l’Organisation démocratique du travail.

Amine Boushaba
Source: L'Economiste

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