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Le cinéma marocain : les lueurs du changement

Longtemps boudé et critiqué le cinéma marocain regagne depuis quelques années confiance et renoue avec le public.
Une présence dans les plus grands festivals en l’occurrence Cannes, San Sebastian ou Marrakech et des cinéastes reconnus à travers le monde.
En évoquant le cinéma marocain, on ne peut s’empêcher d’évoquer des noms qui ont marqué à travers leurs signatures, l’histoire cinématographique marocaine et continuent à satisfaire leur public au moment où d’autres déçoivent.
Ceci étant, le Maroc peut se réjouir de compter parmi sa filmographie des « chefs d’œuvre » et des cinéastes prêts à sortir de sa léthargie le septième art.

Un document édité il y a quelques mois par le centre cinématographique marocain présente la filmographie marocaine, soit 46 ans de créativité. Et le bal est ouvert avec le « Fils maudit », un film signé en 1958 par Mohamed Ousfour et qui s’est chargé en même temps de l’écriture du scénario, de l’image et du montage. C’est dire toute la volonté de ce réalisateur ambitieux qui aujourd’hui est l’un des grands noms du cinéma marocain.
Il est clair que depuis, beaucoup de chemin a été fait certes, parsemé d’embûches en l’occurrence le manque de professionnels, la censure et la volonté d’avoir une industrie cinématographique. Rappelons toutefois que si aujourd’hui la donne a changé à travers des subventions et l’éclosion de jeunes réalisateurs qui ont suivi des formations académiques au Maroc et à l’étranger, la situation n’a pas toujours été aussi rose.
Certains évoquent le manque de publicité pour promouvoir le cinéma, d’autres le manque de créativité au moment où une nouvelle vague de cinéastes que les journalistes et critiques appellent « les jeunes cinéastes » ont décidé de dépasser cet état de choses et se débrouiller avec leurs propres moyens. Faouzi Bensaidi, Narjiss Nejjar ou Nourreddine Lakhmari... En évoluant et en innovant, les résultats ont été très bénéfiques. Le premier long-métrage de Mohamed Asli, « A Casablanca, les anges ne volent pas » a été primé dans tous les festivals où il a été présenté et pourtant la problématique qu’il traite est limpide, réelle car elle retrace l’un des maux de la société marocaine depuis des années à savoir, la migration de la campagne vers la ville et ses conséquences. Une migration économique vers Casablanca pour assurer un meilleur avenir à sa famille mais qui s’avère difficile et des fois sans aucune utilité. Ce film apporte un nouveau souffle au cinéma marocain à travers la beauté de ses dialogues et paysages et en même temps la gravité de la situation qui débouche vers une fin dramatique.

L’Institut du Monde arabe à Paris programme depuis un mois un cycle sur le thème « les cinéastes arabes et leurs villes » et la filmographie du Maroc présente une belle fresque multicolore. Qu’il s’agisse de Casablanca à travers la vision de Lagtâa ou de Tanger dans l’oeil de Jilali Ferhati les villes marocaines à travers leurs populations parlent d’elles-mêmes, se laissent exprimer avec des fois des lacunes comme par exemple des cinéastes qui persistent à faire parler leurs personnages en arabe classique tout en sachant que cela n’a jamais été le cas de notre société où l’analphabétisme persiste. Ce qui fait perdre à un dialogue toute sa beauté. Et si la nouvelle génération des cinéastes et réalisateurs a su apporter le renouveau ils restent liés aux conditions des investisseurs qui, en finançant un projet veulent avoir un retour avant tout économique, sans oublier que la vision qu’ils ont de la société n’est pas forcément la vraie ce qui vire soit vers le commercial soit le folklorique et présente une recomposition du Maroc. Et c’est la l’un des grands malaises de ce cinéma qui a pourtant tout pour réussir. Ceci n’est pas la faute des réalisateurs mais plutôt des institutions de tutelle qui ne font pas du cinéma une priorité.
En marge du dernier festival du film francophone de Safi, Noureddine Lakhmari a évoqué dans un débat l’image qui pour lui, résume le cinéma marocain et cite « L’image est un langage unique…Un personnage qui ne se développe pas ne peut pas avancer et on n’a plus le choix », et donne en guise d’exemple le cas du cinéma iranien.
Le jeu des comédiens joue aussi un grand rôle dans le cinéma si on considère que le personnage naît à travers le dialogue. Cette nouvelle vague d’acteurs et de cinéastes en est consciente et essaye de fonctionner à travers cette vision qui donne à l’œuvre toute son importance.

Latéfa Ahrar, comédienne marocaine se pose la question sur ce nouvel élan et son apport au cinéma. Pour elle, l’acteur est d’abord un genre littéraire et ensuite, une vie à travers le réalisateur.
« Les comédiens sont aujourd’hui plus actifs. Ils ont une réflexion sur le film et le personnage. Chaque personne est un bloc de contradiction » et enchaîne sur le principal dans le jeu d’acteurs à savoir la manière de refléter une société en mettant l’accent sur la présence de l’enfant qui est certes très importante mais qui demeure très faible.
Qu’il s’agisse du cinéma des années 60 ou de celui d’aujourd’hui, les messages véhiculés ont été en général de grande importance. Tout sujet a son importance, le souci est la manière avec laquelle il est abordé et les moyens mis en place pour ce faire.
Il est clair qu’il a fallu du temps pour en prendre conscience mais le résultat est là. La preuve en est la multiplicité des festivals qui sont une occasion de faire connaître d’autres cinémas et un échange de grande taille et aussi ce nouveau souffle émis par le centre cinématographique marocain qui ambitionne la production de 24 longs-métrages et 40 courts métrages par an selon les propos d’un responsable.
Le festival de Marrakech est l’une de ces preuves de maturité non pas du cinéma mais de ses responsables car on se retrouve dans un cercle où tout est lié. On peut déplorer néanmoins que ce festival ne donne pas vraiment beaucoup d’importance à la production marocaine. Est ce par manque de bonnes productions ou parce qu’on cherche à faire découvrir au Maroc un autre cinéma ?
Qu’il s’agisse de Marrakech, Tanger, Safi ou Khouribga, la principale mission de ces rencontres est le cinéma dans toutes ses composantes.
En attendant réjouissons-nous de la qualité de la production de certains de nos réalisateurs et surtout du cinéma Marocain qui fait aujourd’hui ses preuves aux quatre coins du monde.

Amal Malki
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