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Sortie d'un rapport d'Amnesty : France 2 choisit sa cible
s
14 juillet 2004 19:45


Opacité sur les ventes d'armes, non-respect du droit d'asile,
brutalités policières... deux rapports d'Amnesty International font le point sur
la situation des droits humains en France et dans le monde. Pour
illustrer la sortie de ces rapports, France 2 choisit un sujet qui alimente
inévitablement la machine à fabriquer de la xénophobie. Dénoncer les
mariages forcés ? Bien sûr ! Mais pourquoi s'attarder en particulier sur
cette violation des droits humains et la présenter ainsi ?

« Les journalistes ont des lunettes particulières à partir desquelles
ils voient certaines choses et pas d'autres » écrivait Pierre Bourdieu
dans son petit livre rouge « Sur la télévision » [1]. Depuis que ces
lignes ont été écrites, force est de déplorer que la télé n'a pas changé
d'opticien. En voulant parler du dernier rapport d'Amnesty
International, France 2 nous a montré, une fois de plus, que les journalistes qui
dominent sa rédaction possèdent une belle paire de ces drôles de
lunettes...



Alors voilà l'histoire. Le 26 mai 2004, Amnesty International fait
paraître son rapport annuel. Fidèle à son habitude, l'ONG y dénonce les
pratiques des Etats qui, du Nord au Sud, violent les « droits humains ».
Pour la première fois cette année, ce rapport paraît accompagné d'un
supplément réalisé par la section française d'Amnesty. Il s'agit d'un
document qui couvre la période allant de 1998 à 2004 et qui s'intéresse à
la politique de la France en matière de respect des libertés. A la seule
lecture du sommaire [2], on peut y voir que la France n'est pas - on
s'en serait douté - cette patrie des droits de l'Homme dont on a tant
chanté les louanges. L'association y dénonce notamment la restriction
inquiétante du droit d'asile, les mauvais traitements aux frontières,
l'absence de contrôle parlementaire sur les ventes d'armes de la France.
L'Ong s'interroge également sur les dangers des « nouvelles lois » (loi
sur la sécurité intérieure de Sarkozy, lois Perben, loi contre le p!
ort du foulard) qui menacent d'entraver les libertés d'une partie de
la population. Et dans la continuité de l'action internationale menée
par l'association depuis début mars, le rapport tente aussi de faire le
point sur la condition des femmes en France dans un chapitre intitulé «
Discrimination et violences contre les femmes : un combat au quotidien
».

C'est ce dernier sujet que choisit d'illustrer le journal de 20h de
France 2 du 26 mai dernier.

« Une pratique qui a la vie dure »

Modèle de concision, David Pujadas annonce la sortie du rapport
d'Amnesty et le résume en un rien de temps. D'abord, il admet que « la France
n'est pas épargnée ». Puis, il précise ce qui, selon lui, est reproché
à notre grand pays : « Il est question de l'évolution du droit d'asile
qui a fait l'objet d'une réforme et, beaucoup plus inattendu [sic], des
violences contre les femmes ». On ne peut rêver plus elliptique...Pas
un mot sur les ventes d'armes, sur les brutalités policières et autres
lois liberticides dont parle Amnesty. Pujadas ne s'embarrasse pas de
détails et poursuit « L'association [Amnesty] évoque l'indifférence des
pouvoirs publics devant les cas de harcèlements, d'agressions et de
contraintes en tous genres, notamment chez les femmes issues de
l'immigration. En voici, un exemple : les mariages forcés, une pratique qui a la
vie dure ». Pendant plus de 3 minutes, un reportage dans un lycée de
Seine St Denis nous entretiendra de cette « pratique qui a la vie dur!
e ». Selon France 2, le mariage forcé concernerait « 70 000
adolescentes », issues de l'immigration, obligées par leur famille de se marier
dans leur pays d'origine avec un homme qu'elles n'ont pas choisi. Il va
de soi que cette terrible coutume mérite d'être combattue. Mais choisir
de filtrer ainsi le rapport d'Amnesty n'a rien d'innocent [3].



« Construction d'une image stéréotypée »

En s'attardant dans un lycée de Bondy où les élèves sont « en majorité
d'origine étrangère », comment ne pas penser que la caméra de France 2
participe à la « construction d'une image stéréotypée des immigrés
(...) parallèle à la diffusion d'un imaginaire sur l'Afrique
essentiellement négatif et misérabiliste » [4] ? Le rapport d'Amnesty International
recèle des dizaines de sujets à traiter : pourquoi choisir
particulièrement de stigmatiser les « coutumes barbares » des immigrés ? Est-ce par
réelle volonté d'informer ou par choix machinal des stéréotypes ? A
toutes ces questions un peu naïves, essayons de répondre par une
argumentation aussi bétonnée qu'une citée du 93... D'abord, le fait de nous
emmener à Bondy n'est pas anodin et représente - consciemment ou non - un
choix idéologique de la part de France 2. Associer la violation des
droits humains à la « banlieue » n'est pas une coïncidence, c'est un vrai
parti pris. On retrouve à Bondy les mêmes personnages (à peu de cho!
se près) que ceux qui nous sont présentés quand on nous parle de
foulard islamique, d'illettrisme, de violences urbaines, de terrorisme, de
tournantes... Ainsi, en prétendant évoquer les dénonciations d'Amnesty,
France 2 les réduit à une nouvelle variation sur le « problème des
banlieues ». Et cette fois, les éléments du sujet se rejoignent pour former
une sinistre équation : violation des droits de l'homme en France =
immigrés des banlieues.

Jugement excessif ? Mais comment ne pas constater à quel point il est
devenu banal de choisir n'importe quel prétexte pour incriminer les
immigrés et toutes leurs « vilaines petites coutumes » ? Quand il ne s'agit
pas d'un problème de foulard [5] , on nous rebat les oreilles avec une
histoire d'imam intégriste [6]. Et quand des paysans - bien français -
violent des filles, on s'étonne que ce genre de pratiques puissent
avoir lieu ailleurs que dans les caves des cités [7]...

Pendant ce temps-là, l'état français poursuit tranquillement ses ventes
d'armes et entretient le silence autour de sa politique d'immigration.
De même, on évite soigneusement d'incriminer qui que ce soit à propos «
des morts durant les gardes à vue, des mauvais traitements dans les
zones d'attente, de la violence à l'encontre des femmes [pas
immigrées...], de l'usage des armes par les forces de l'ordre, des conditions
générales de détention dans les prisons françaises, des cas des prisonniers
malades ou mal traités et des attaques à caractère raciste » [8]. Sur
tout cela, comme vient de le montrer une nouvelle fois France 2, le
service public de télévision est là pour faire diversion.

Yann Voldoire


[1] Sur la télévision, Pierre Bourdieu, éd. Liber Raisons d'Agir, page
18.

[2] [www.amnesty.asso.fr]

[3] Ce choix du « mariage forcé » est d'autant plus étonnant que cette
notion ne fait pas partie des sujets abordés dans le rapport français
d'Amnesty International. Aucun membre d'Amnesty International n'a été
interviewé dans ce reportage. France 2 n'a pas non plus contacté l'ONG et
« a travaillé de son côté » nous dira-t-on auprès du service de presse
d'Amnesty International, contacté par téléphone le 29 mai 2004.

[4] De l'indigène à l'immigré, Pascal Blanchard et Nicolas Bancel,
coll. Découvertes Gallimard, page 90.

[5] Sur la période allant de septembre 2003 à février 2004, les
journalistes-sardons de PLPL ont recensé un total de « 1284 articles,
enquêtes, reportages, brèves, éditoriaux, chroniques, « rebonds », « Horizons
», courrier des lecteurs » consacrés à la question du foulard islamique
dans les trois quotidiens nationaux que sont Libération, Le Monde et Le
Figaro. (PLPL numéro 19, avril 2004).

[6] Ecouter à ce sujet le reportage de Thierry Scharf « Le retour de
l'Imam de Vénissieux », dans l'émission « Là-bas si j'y suis » de Mermet,
diffusée sur France Inter le 24 mai et téléchargeable sur le site (non
officiel) de « Là-bas si j'y suis »ici.

[7] Sur Oulala.net : « C'est ainsi que, dans son journal du 26 avril,
David Pujadas, à propos du viol d'une jeune fille par des habitants d'un
village de 2000 habitants, déclare (je cite de mémoire) : "ce qui
surprend, c'est où çà s'est passé, loin des caves et des immeubles".
Comprenez que quand çà se passe dans des cages d'escaliers, c'est plus
"logique" que dans des fermes ou des églises. »

[8] Sujets abordés dans le rapport d'Amnesty et évoqués par Geneviève
Sevrin, présidente de la section française d'Amnesty International dans
l'introduction du rapport 2004.

---------
Mise en ligne le 7 juin 2004
[www.acrimed.org]
S
14 juillet 2004 19:50
Bonsoir,

Je partage ton inquiétude et tes interogations.
Depuis un certain temps, j'essaye de regarder attentivement les noms dans les génériques des émissions, et là on apprend plein de choses.


Amicalement,

---------------------------------------- Israel doit être jugé pour ses crimes, tôt ou tard.
h
14 juillet 2004 21:38
Pujadas est un journaliste dont la carrière en dit long sur son parti- pris !
a
15 juillet 2004 16:23
Meme avis q salaheddine, les noms lors des generiques en disent tres long.

Le 4eme pouvoir est bouclé, et les conséquences commencent.

Que dieu nous épargne.........
i
15 juillet 2004 17:00
David?

Pujadas?

David le pue judasgrinning smiley

m
15 juillet 2004 18:24



Mon projet a moyen /long terme l'emigration

où ?

en priorité dans un^pays arabe (liban , maroc , tunisie)

ou canada

............................................................................................................. Adel (ou adil a votre convenance) :--bientôt le lien vers mon Ardiview, bientôt ! [IMG]http://img2.gamekult.com/images/forum/icones/icon21.gif[/IMG]
 
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