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Peut-on justifier un vote musulman sur le plan religieux ?
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20 avril 2007 18:17
Peut-on justifier un vote musulman sur le plan religieux ?

Par Omero Marongiu
vendredi 20 avril 2007



« Alors, droite ou gauche ? Ou… centre, peut-être ? Non, les extrêmes… hors de question. Mais quand même, Bové n’est pas trop mauvais et… Besancenot, il est charmant. Ben, moi, je préfère une femme, mais quand même, en islam une femme n’a pas le droit de diriger un Etat ! » Dis donc, chez les musulmans, ça discute en ce moment et, je dirai même plus, ça discutaille bien.

La question fatidique n’est jamais autant revenue dans la bouche de nos coreligionnaires de France et de Navarre : pour qui va-t-on voter ? Oh… soyons francs, dans la bouche de nombreux musulmans, la question posée est même plutôt celle du « pour qui DOIT-ON voter » ? Comme s’il existait une approche uniforme du vote en islam. Et les réponses apportées, quant à elles, sont souvent plus farfelues les unes que les autres, faisant appel à des argumentations théologico-juridiques qui font fi de toute l’histoire musulmane en matière de gouvernance et de gestion de l’Etat.

Pourtant, après quinze siècles, on ne peut pas nier la richesse des expériences politiques en terre d’islam, corollaires de la complexification grandissante des sociétés à l’échelle mondiale. Et bien apparemment, tirer des enseignements de l’histoire ne semble pas être l’apanage de beaucoup de diffuseurs de discours musulmans.

Ainsi, combien sont-ils justifiant un vote plutôt à gauche, ou à droite, ou encore au centre, en faisant appel à des exégèses d’attitudes du Prophète ou des premiers Califes dans le domaine de la gestion de la cité musulmane, comme si les problèmes et les défis de la société contemporaine pouvaient être résolus par une lecture figée et essentialisée du Coran et de l’histoire prophétique. Au-delà de la pauvreté intellectuelle du débat intra-communautaire relatif à la prochaine échéance électorale, la justification « islamique » du vote musulman pose au moins quatre questions.

La première réside dans l’argumentation puisée dans une lecture a-historique des sources scripturaires de l’islam. Une lecture a-historique, pour faire court, consiste à utiliser des versets coraniques ou des hadiths prophétiques sans les restituer dans le contexte de leur production, tout en leur donnant une portée normative absolue et non discutable, du style « Dieu di ceci dans le Coran – ou bien le Prophète dit cela dans un hadith, donc on doit l’interpréter de telle façon sans chercher plus loin ».

Cette attitude a été récurrente dans le domaine du culte au cours des dernières décennies, et elle contamine aujourd’hui l’espace musulman francophone dans le domaine de la citoyenneté politique et des rapports sociaux, sur fond d’expérience politique nouvelle chez les muslims branchés, pas forcément tous très pratiquants d’ailleurs.

Au final, on « choisit » un texte et on lui donne une portée normative complètement exacerbée et détournée de son objet initial qui relève, la plupart du temps, du domaine éthique. C’est pour cela que l’on entend ici et là des discours affirmant que les musulmans ne peuvent pas être extrémistes tout simplement parce que l’islam interdit l’extrémisme, ou bien que l’islam, religion du juste milieu, serait plus proche des idées centristes, et j’en passe. C’est simple, concis, et cruellement simpliste.

Bien des diffuseurs du discours islamique peinent à comprendre que le texte religieux offre avant tout une option pour l’au-delà à travers une conception du divin et de la relation que l’homme doit entretenir avec Lui. Cette relation possède un cadre normatif, suffisamment restreint et souple, pour permettre au musulman de développer une éthique de vie se traduisant par une liberté de choix quant à l’organisation de la vie sociale.

D’ailleurs, à ce propos, une lecture détaillée des débats consécutifs au développement des territoires musulmans à l’époque des premiers califes indique bien que les choix des responsables politiques, je pense notamment à Umar ibn al Khattab, ont donné lieu à de nombreuses divergences d’interprétation non pas tant au sujet de leur caractère « islamique » que de leur impact sur les conditions de vie des gens.

La préoccupation était ici avant tout sociale et relative à l’intérêt général, découlant d’une idée de responsabilité du croyant devant Dieu, pour tous les hommes et non pas uniquement pour sa petite chapelle.

La seconde question, dérivant directement de la précédente, est autrement plus problématique car elle concerne le fait d’inclure les choix politiques dans l’identité religieuse. Et oui, si l’on en croit certains prédicateurs et autres leaders associatifs musulmans, un bon musulman ne peut être que de gauche, euh… excusez-moi, de droite républicaine ou, … je ne sais plus, ça ne serait pas plutôt du centre ? Et voilà encore une fois les luttes intestines qui pointent, sur fond de « halalisation » du vote.


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