Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Gajmoula ex haute responsable chez le Polisario raconte
n
16 octobre 2006 12:36
Un peu de vérité:

Gajmoula Ebbi raconte son aventure avec le Polisario, ses rêves, son calvaire et ses attentes (1)
(10/16/2006) I - Quand les Sahraouis n¹avaient qu¹un son de cloche : la propagande anti-marocaine


Quelque part dans le désert algérien, à Tindouf, des milliers de Sahraouis croupissent dans des camps en attendant la fin de leur calvaire. Tout leur manque, sans parler de la démocratie et les libertés. Car au sommet de la pyramide du Polisario, des hommes trop ambitieux ne sont pas prêts à abandonner le rêve qu¹ils entretiennent et le «pouvoir» qu¹ils détiennent. Gajmoula Ebbi connaît ces camps pour y avoir vécu et ce Polisario au sein duquel elle avait de grandes responsabilités.

Originaire de la tribu des Rguibat, Gajmoula, dès l¹âge de 14 ans, a suivi, de bonne foi, le Polisario dans une aventure qui allait durer 15 ans. Elle croyait aux idéaux des séparatistes et à leurs promesses. Elle rêvait comme eux d¹une république sahraouie indépendante. Et elle avait travaillé dur, sacrifié sa jeunesse et milité pour cette cause qui s¹avèrerait irréalisable, parce que fantaisiste et irréaliste, donc utopique.

Gajmoula a été présidente de l¹Union des femmes sahraouies et, en même temps, membre du bureau politique du Polisario. Les voyages, forums et rencontres internationales, elle ne les compte plus. Mais elle a fini par revenir au bercail. Aujourd¹hui, parlementaire et membre du Corcas, elle est au Parti du Progrès et du Socialisme, membre de son Bureau politique. Elle nous raconte en toute objectivité sa vie, son aventure, la transe révolutionnaire du Polisario et nous fait part de ses sentiments et de ses espoirs, sans romance ni fioriture.

Je suis née dans la ville de Smara en 1961, mais j¹ai grandi à Laâyoune. Quand je suis arrivée avec mes parents dans cette ville, j¹avais un an et demi. Je suis entrée dans une école espagnole à l¹âge de six ans, en tant qu¹élève interne et je ne sortais que le samedi et le dimanche. J¹y ai passé huit ans, jusqu¹à 1975. Evidemment, j¹avais dans cette école plusieurs amies. Elles ont grandi, mais nous avons gardé, pour toujours, des liens d¹amitié.

J¹ai donc été à l¹école jusqu¹à l¹âge de quatorze ans. Mes parents habitaient Laâyoune mais continuaient d¹aller dans la campagne. Ils étaient de vrais Sahraouis, de la tribu des R¹guibat, aimaient le bel air et la nature.

Je suis donc des R¹guibat. Mais, en ce qui me concerne, j¹essaie de dépasser cette appartenance. En toute sincérité, je ne crois pas au tribalisme. Certes, je ne nie pas mes origines. Au contraire, j¹en suis fière. Mais appartenir à une tribu ou à une autre reste le dernier de mes soucis. Car j¹ai des relations et des amitiés avec des personnes; des liens qu¹on entretient et qu¹on développe avec le temps et qui dépassent la tribu pour aller s¹étendre et s¹épanouir ailleurs.

On peut connaître des gens qui valent mieux que les cousins et les cousines, mieux que les gens de la tribu, parce qu¹on vit ensemble des expériences. Cela dépasse l¹esprit tribal.

Famille modeste mais digne

La période de mon enfance, passée à Laâyoune, était toute particulière. L¹activité en ville n¹était pas intense. Les bédouins vivaient dans le désert, libres, et ceux des villes étaient sereins et se connaissaient. L¹atmosphère générale était tout ce qu¹il y avait de naturel, sans grands problèmes. Rien de particulier. On vivait sous le régime colonial espagnol. Et là je dois dire une vérité : il y avait une parfaite coexistence entre les Sahraouis et les Espagnols, notamment les Canariens parmi ces derniers. Certains quartiers, comme le «Barrio Cementerio» (Quartier du Cimetière), étaient un exemple de cette coexistence. Les familles espagnoles qui y vivaient étaient celles des militaires, des officiers de l¹armée et des hauts fonctionnaires. Certes, il y avait les différences de classes. On les sentait et subissait. Mais c¹était le colonialisme et le régime franquiste.

Dans ma famille, ma mère est décédée alors que j¹avais seulement un an et demi. J¹étais avec ma s¦ur cadette Safia. Mon père n¹a pas voulu se remarier immédiatement. Il a attendu que nous grandissions un peu. J¹ai aussi mon frère Sid Ahmed, actuellement représentant de l¹autorité à Laâyoune, né d¹une autre femme, ainsi que deux autres s¦urs mortes toutes jeunes. J¹étais absente de la maison toute la semaine, sauf le samedi et le dimanche.

Je reconnais que ma famille était modeste mais elle vivait dignement. Je me souviens toujours de mon père Ebbi Ould Mohamed El Mehdi Ould Elbou. Un homme généreux auquel j¹étais très attachée et avais beaucoup d¹estime. Il me prenait avec lui aux réunions et rencontres des chioukhs et des notables qui discutaient de sujets d¹ordre général et des affaires de la tribu.

Pour ce qui était de la situation politique, en général, le Front Polisario a été constitué en 1973 dans les deux villes de Tan Tan et de Zouérate, loin des provinces sahariennes. Il a commencé alors à créer des sections à Laâyoune, Smara, Dakhla et Boujdour. Ses activités étaient clandestines. Il envoyait ses gens encadrer la population. Durant les années 1973 et 1974, le colonialisme espagnol n¹était au courant de rien. Il ne pouvait soupçonner leur existence. Ce n¹est qu¹à la fin de 1974 qu¹il s¹en est aperçu, mais non sans surprise. En avril 1975, il en a eu la confirmation, à l¹occasion de la visite de la commission onusienne effectuée dans la région.

Forte propagande anti-marocaine

Au début, le Polisario avait le soutien et l¹aide des citoyens. Les femmes ont joué un rôle très important en contribuant par leur argent, leur temps et leur participation aux réunions. Elles allaient se réunir sans le dire à leurs parents, quand elles étaient jeunes, ou à leur époux, quand elles étaient mariées.

Moi, je n¹ai connu le Polisario qu¹à l¹âge de 14 ans, en 1975, au sein d¹une cellule de jeunesse. Je rappelle encore le nom de certaines femmes qui nous encadraient : Mou Mah bent Ahmed Sitti, Souihla bent Eddehlass, Malika Dahi, etc. Pour ce qui était des hommes, dans la section de Laâyoune, il y avait des éléments, qui sont aujourd¹hui dans les camps de Tindouf, comme Mahfoud Abi Beyba (NDLR : il est aujourd¹hui membre du Comité exécutif du Polisario), le frère de Ould Salek, Boursane, Ma Al-Aïnine de la tribu R¹guibat...

Comme tous les jeunes, j¹ai commencé en 1975 à m¹intéresser au polisario. Mais le plus grand événement qui a rassemblé les gens, c¹était l¹arrivée d¹une commission d¹enquête onusienne en avril 1975. La commission était conduite par Siméon Aké (NDLR : représentant de la Côte d¹Ivoire à l¹ONU, qui allait devenir ministre des AE de son pays), et comprenait aussi Mme Marta Jimenez Martinez, du ministère cubain des AE, et Manuchehr Pishva, représentant permanent adjoint de l¹Iran auprès de l¹O.N.U. (NDLR : la commission était envoyée par le «Comité Spécial des 24», accompagnée de neuf fonctionnaires de l¹ONU. Elle a visité, entre le 8 mai et le 2 juin 1975, le Sahara alors sous domination espagnole, le Maroc, l¹Espagne, l¹Algérie et la Mauritanie).

Certes, le dossier saharien était déjà ouvert à l¹ONU depuis 1966, sur demande du Maroc. Et l¹Espagne franquiste réclamait pour sa part l¹organisation d¹un référendum. Mais depuis mai 1975, la quasi-totalité des gens du Sahara, homme, femmes et jeunes, ont adhéré au Polisario. Il y avait aussi le PUNS (Parti de l¹Union Nationale Sahraouie), constitué en 1974, dont le président était Si Khali Henna. Il avait aussi ses adhérents.

A part ces deux organisations politiques, il n¹y avait rien. Les gens ne savaient rien du Maroc. Absolument rien. Je le dis en toute honnêteté, pour l¹histoire. En 1975, il y avait une sorte d¹excitation, de bouillonnement. Les gens sentaient qu¹il allait y avoir un changement au Sahara, mais ne savaient pas quoi, et comment cela allait se faire. Il ne restait plus que quelques mois avant le déclenchement de la Marche Verte. Mais on ignorait ce qui se passait au Maroc. Notamment les jeunes de mon âge. Car il y avait une très forte propagande, faite généralement par les milieux anti-marocains.
On ne savait donc rien du Maroc et les gens avaient peur de lui. On leur disait que les Marocains allaient venir et procéder au pillage, et qu¹il y aurait du vol et des massacres. Evidemment, quand on vit une situation et que celle-ci va changer, on croit tout et on craint l¹imprévu. Ce n¹était pas de la haine, mais la peur.

Vers les camps de Tindouf

La Marche verte a été annoncée le 16 octobre et l¹accord de Madrid a été signé le 14 novembre 1975. Mais dès le début d¹octobre, soit un mois avant, les gens ont commencé à partir. Vers les camps. Le Polisario avait une présence au Sahara, mais il avait une base à Tindouf, quelques camps et un nombre limité de personnes. Il a donc pensé faire venir les gens, d¹abord dans les régions qu¹il considérait comme libérées, puis les transférer à Tindouf. N¹oublions pas qu¹entre 1973 et 1975, le Polisario avait une activité politique, mais aussi militaire. Il a accompli des opérations contre L¹Espagne. Mais ses combattants n¹étaient pas nombreux. Ils ont pris aux Espagnols un poste lors de l¹opération dite d¹El-Khanga (NDLR : Après la prise d¹El Khanga, en 1973, sans un seul coup de feu tiré, toutes les attaques du Polisario contre les autorités coloniales espagnoles n¹ont pas dépassé trois opérations). Ils opéraient dans des régions reculées et vagues, les campagnes, loin des villes.

Le Polisario a donc commencé à installer ses bases. Son travail stratégique était de transporter les gens vers les camps de Tindouf qu¹on connaît aujourd¹hui.
Pour ma famille, la situation était différente. Ma belle-mère et ses enfants en bas âge sont restées, ainsi que ma s¦ur Safia, qui avait dix ans environ. Quant à moi, alors âgée de quatorze ans, je suis partie. J¹étais déjà organisée dans une cellule. Quant à mon père, il a été à Tindouf malgré lui, dans des circonstances indépendantes de sa volonté, puisqu¹il a été enlevé par le Polisario. C¹était en 1975. Il ne comptait pas avec les gens qui soutenaient le Front. Alors qu¹il était chez lui, la nuit, un commando composé de quatre à cinq personnes - ce n¹est que par la suite que j¹ai connu leur nombre - est venu, a pénétré dans la maison et l¹a arrêté. Il a choisi le moment qui lui convenait.

Mon père n¹était pas le seul à avoir subi ce sort. Il y a eu d¹autres cas d¹enlèvement. Je ne parle que des Sahraouis, ceux qui étaient à Laâyoune, Boujdour, Smara et Dakhla. Leur nombre réel ne dépassait pas la quinzaine. Evidemment, il y a ceux qui disent avoir été enlevés. Ce n¹est pas vrai. Il y avait un certain nombre de personnes que le Front Polisario soupçonnait d¹être fidèles au Maroc et de jouer un rôle pour faciliter l¹arrivée des Marocains.En ce qui me concernait, j¹ai reçu l¹ordre de partir, comme les autres jeunes de ma cellule. Ce qui a été fait. Nous sommes partis en voiture, des Land Rover. C¹était une nouvelle étape dans ma vie qui a commencé. Vous comprenez ce que c¹est que quitter sa famille, ses études, la ville qui vous a adopté et l¹appréhension qui se saisit de vous quand vous allez entamer une nouvelle vie, partir dans l¹aventure et vivre dans une autre ambiance dont vous ne connaissez rien. Mais si vous êtes convaincu, vous oublierez le calvaire, les souffrances et l¹épreuve subie, aussi pénible soit-elle. Et tout vous paraîtra alors aisé et dans l¹ordre des choses. Car vous avez, comme on nous disait, une grande mission à accomplir en rapport avec la dignité du citoyen, la défense de l¹indépendance et du petit peuple sahraoui, la patrie visée par les complots du colonialisme espagnol, lequel colonialisme avait signé des accords nous concernant sans demander notre avis, etc.

Propos recueillis par Abdelkader Jamali

(Demain : La grande pagaille aggravée par la faim et les maladies)


[www.albayane.ma]
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook