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Yabinaute© a écrit:
Et un beau jour, brusquement, une passerelle fut jetée sur l'abîme ; bien sûr, le gouffre existait toujours, mais il cessa d'être aussi large. Ils avaient mangé des cerises, de grosses cerises noires et luisantes, au jus couleur de vin sombre. Et, plus tard, tandis qu'elle lui lisait un passage de La Princesse, il remarqua que les cerises avaient taché ses lèvres. A l'instant même, son essence divine disparut. Elle était faite d'argile, après tout - comme lui, comme tout le monde ! Ses lèvres étaient d'une chair pareille à la sienne, puisque le jus des cerises le tachait aussi. Elle était femme - femme tout entière, comme toutes les femmes ! Cette révélation l'abasourdit. Il lui sembla que le soleil mourait au ciel.
Ensuite il comprit ce que cela signifiait - et son cœur se mit à danser et il pensa à faire la cour à cette femme, puisqu'elle était non pas un pur esprit, mais une simple femme, dont les lèvres pouvaient être tachées par des cerises. L'audace de cette pensée le fit trembler, mais son âme chantait joyeusement et le bon sens, triomphalement, lui clamait qu'il avait raison. Ruth dut sentir un peu de ce changement qui s'opérait en lui, car elle interrompit sa lecture, le regarda et sourit. Les yeux de Martin glissèrent de ses yeux bleus à ses lèvres et la vue de cette tache l’affola. Il fallait ouvrir ses bras et les refermer sur elle, comme il le faisait autrefois, du temps de sa vie insouciante. Elle se penchait vers lui et semblait attendre... Il se contint de toute sa volonté.
Martin Eden, Jack London
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Hellaaa a écrit:
Salam,
Merci pour ces recueils, c′est beau, sa a apporté un peu de joie à mon cœur. J′ai pris plaisir à les lire même si j′ai un peu de mal à saisir tout le sens. Le français est un peu compliquée parfois.
Puis- je connaître le nom du recueil ou livre stp ? Mais si sa vient de toi, c′est magnifique et je serai ravis de pouvoir en relire d′autres ou la suite. Merci beaucoup et excellente soirée.
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Yabinaute© a écrit:Parce qu’on a porté du pain, du linge blanc,
À quelque humble logis sous les combles tremblant
Comme le nid parmi les feuilles inquiètes ;
Parce qu’on a jeté ses restes et ses miettes
Au petit enfant maigre, au vieillard pâlissant,
Au pauvre qui contient l’éternel tout-puissant ;
Parce qu’on a laissé Dieu manger sous sa table,
On se croit vertueux, on se croit charitable !
On dit : Je suis parfait ! louez-moi ; me voilà !
Et, tout en blâmant Dieu de ceci, de cela,
De ce qu’il pleut, du mal dont on le dit la cause,
Du chaud, du froid, on fait sa propre apothéose.
Le riche qui, gorgé, repu, fier, paresseux,
Laisse un peu d’or rouler de son palais sur ceux
Que le noir janvier glace et que la faim harcèle,
Ce riche-là, qui brille et donne une parcelle
De ce qu’il a de trop à qui n’a pas assez,
Et qui, pour quelques sous du pauvre ramassés,
S’admire et ferme l’œil sur sa propre misère,
S’il a le superflu, n’a pas le nécessaire :
La justice ; et le loup rit dans l’ombre en marchant
De voir qu’il se croit bon pour n’être pas méchant.
Nous bons ! nous fraternels ! ô fange et pourriture !
Mais tournez donc vos yeux vers la mère nature !
Que sommes-nous, cœurs froids où l’égoïsme bout,
Auprès de la bonté suprême éparse en tout ?
Toutes nos actions ne valent pas la rose.
Dès que nous avons fait par hasard quelque chose,
Nous nous vantons, hélas ! vains souffles qui fuyons !
Dieu donne l’aube au ciel sans compter les rayons,
Et la rosée aux fleurs sans mesurer les gouttes ;
Nous sommes le néant ; nos vertus tiendraient toutes
Dans le creux de la pierre où vient boire l’oiseau.
L’homme est l’orgueil du cèdre emplissant le roseau.
Le meilleur n’est pas bon vraiment, tant l’homme est frêle,
Et tant notre fumée à nos vertus se mêle !
Le bienfait par nos mains pompeusement jeté
S’évapore aussitôt dans notre vanité ;
Même en le prodiguant aux pauvres d’un air tendre,
Nous avons tant d’orgueil que notre or devient cendre ;
Le bien que nous faisons est spectre comme nous.
L’Incréé, seul vivant, seul terrible et seul doux,
Qui juge, aime, pardonne, engendre, construit, fonde,
Voit nos hauteurs avec une pitié profonde.
Ah ! rapides passants ! ne comptons pas sur nous,
Comptons sur lui. Pensons et vivons à genoux ;
Tâchons d’être sagesse, humilité, lumière ;
Ne faisons point un pas qui n’aille à la prière ;
Car nos perfections rayonneront bien peu
Après la mort, devant l’étoile et le ciel bleu.
Dieu seul peut nous sauver. C’est un rêve de croire
Que nos lueurs d’en bas sont là-haut de la gloire ;
Si lumineux qu’il ait paru dans notre horreur,
Si doux qu’il ait été pour nos cœurs pleins d’erreur,
Quoi qu’il ait fait, celui que sur la terre on nomme
Juste, excellent, pur, sage et grand, là-haut est l’homme,
C’est-à-dire la nuit en présence du jour ;
Son amour semble haine auprès du grand amour ;
Et toutes ses splendeurs, poussant des cris funèbres,
Disent en voyant Dieu : Nous sommes les ténèbres !
Dieu, c’est le seul azur dont le monde ait besoin.
L’abîme en en parlant prend l’atome à témoin.
Dieu seul est grand ! c’est là le psaume du brin d’herbe ;
Dieu seul est vrai ! c’est là l’hymne du flot superbe ;
Dieu seul est bon ! c’est là le murmure des vents ;
Ah ! ne vous faites pas d’illusions, vivants !
Et d’où sortez-vous donc, pour croire que vous êtes
Meilleurs que Dieu, qui met les astres sur vos têtes,
Et qui vous éblouit, à l’heure du réveil,
De ce prodigieux sourire, le soleil !
Les Contemplations - Croire, mais pas en nous - Victor Hugo
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***************** a écrit:
Waouh c'est puissant...
Et flippant en même temps... De quoi nous remettre à notre place de petit humain misérable...
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Yabinaute© a écrit:
Totalement d’accord avec toi, quand j’ai découvert ce poème, j’étais sans voix… quelle puissance comme tu dis. Je crois que c’est vraiment un de mes poèmes préféré. Magnifique en tout point.
J’en profite pour te remercier pour ta contribution, tu ne le sais probablement pas mais j’aime beaucoup l’apnée depuis tout petit, je n’aurais pas mieux décrit les sensations que j’éprouve sous l’eau… ce silence, ce calme, ce sentiment d’être en vie et à la foi d’être si petit… comme il est dit: un sentiment d’infini.
Je compte bientôt passer un brevet de plongée, inshAllah ?
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***************** a écrit:
Ça doit être incroyable à vivre...
Tu as sûrement compris le parallèle entre ce témoignage et le cheminement spirituel ?
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Yabinaute© a écrit:
Oui, j’y ai pensé… c’était un peu le propos de mon post il y a quelques années: Bienvenue dans les abysses [www.yabiladi.com]