Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Des citoyens contournent la censure
w
11 mai 2010 12:54
Salam

Interdit de spectacle vendredi passé par le Bourgmestre Gaëtan Van Goidsenhoven (MR), l’humoriste Dieudonné a pu compter sur l’aide improvisée d’un réseau de citoyens. En quelques heures, ceux-ci lui ont trouvé une salle de rechange : la boîte de nuit du Bazaar. Près de 400 personnes y ont acclamé l’artiste engagé qui a livré deux représentations de son spectacle « Sandrine ». Au final : une performance magistrale, une absence classique de troubles à l’ordre public et une liberté d’expression restaurée.

Fantasme idéologique ; "De qui parlez-vous, monsieur l'agent ?", Raison populaire.

Dans la matinée du 30 avril, les censeurs bruxellois remportent une nouvelle victoire. Le Bourgmestre (maire) d’Anderlecht, Gaëtan Van Goidsenhoven (MR), vient d’obtenir le renoncement du propriétaire de la salle Akdeniz-Chambord.
A quoi l’homme renonce-t-il ? A maintenir le spectacle de l’humoriste Dieudonné prévu depuis deux mois dans sa salle de fêtes. La veille, ce gérant avait déjà reçu des appels de la police communale « l’invitant » à annuler le spectacle. Devant ses refus répétés : il est convoqué au bureau du Bourgmestre ! Au sortir de l’entrevue, le propriétaire confirme
l’annulation.

Servilement rapportés par la presse, les « motifs » de l’interdiction sont aussi classiques qu’infondés : la salle ne répond pas aux normes de sécurité, selon le maïeur et sa police. Pourtant, depuis six ans, ce lieu accueille mariages et concerts (selon une fréquence hebdomadaire pour les premiers et trimestrielle pour les seconds) dont l’affluence oscille entre 500 et 1000 personnes par soirée. Comment expliquer qu’en six ans cette salle « non-conforme » n’aie pas enregistré le moindre incident de sécurité ?
Comment expliquer que les autorités d’Anderlecht n’aient pas interdit préalablement un seul de ces événements depuis six ans (1) ?

Plus étonnant : le propriétaire de la salle Akdeniz-Chambord avait déjà accueilli Dieudonné à se produire chez lui le 24 septembre 2009. Dans un silence politico-médiatique remarquable. Résultat : plus d’un millier de spectateurs venus de Bruxelles et de Wallonie, aucun trouble à l’ordre public et - là encore - aucune interdiction préalable du Bourgmestre d’Anderlecht.

Fantasme idéologique

On l’a compris : les véritables ressorts de cette soudaine interdiction sont ailleurs. Comme d’autres propriétaires de salles bruxelloises qui ont invité Dieudonné en 2009, le gérant d’origine turque s’est vu menacé par son Bourgmestre Van Goidsenhoven. En clair : soit il annulait le spectacle soit il se voyait facturer un dispositif de 50 policiers ajouté aux éventuels dégâts commis lors de la soirée. Coût minimal annoncé : près de 20.000 € …

Du point de vue de la jurisprudence comme des oppositions en présence, l’éventualité de troubles à l’ordre public relève pourtant du pur fantasme idéologique. De 2004 à 2010, chacune des représentations de l’artiste controversé en Communauté française (Woluwé-Saint-Pierre, Seraing, La Louvière, Arlon, Ixelles, Saint-Josse, Bruxelles-ville et Anderlecht) se sont soldées par un calme plat. Pas le moindre incident, le moindre blessé ou la moindre déprédation.

Quant aux militants ultra-sionistes susceptibles de faire « le coup de poing » avec le public de Dieudonné, c’est simple : ils n’existent pas ! En six ans, sur une quinzaine de dates dans une dizaine de villes et communes, seule une trentaine de manifestants anti-Dieudonné - menés par les islamophobes et sionistes Alain Desthexe (MR) et Yves De Jonghe d’Ardoy (MR) - ont exprimé leur désapprobation à Saint-Josse. Dans le calme et sans autre violence que verbale …

Mais ce type de réalité factuelle n’intéresse pas Gaëtan Van Goidsenhoven ni les médias aux ordres. Sans le moindre esprit critique, ces derniers ont relayé la censure maïorale. Pas son contournement par un réseau de citoyens libres et courageux. Confirmant, sur le sujet, leur pratique habituelle du « journalisme par omission » (2). Ni les télés RTBF (3) et RTL-TVI (4) , ni les quotidiens Le Soir (5) , La Libre Belgique (6) , La Capitale (7) et La Dernière Heure (8) ne couvriront ou diffuseront cette information nouvelle : Dieudonné s’est finalement produit à Bruxelles.
Incompétence, soumission envers l’autoritarisme politique ou partialité anti-journalistique ? Un peu des trois ? A vous de choisir …

« De qui parlez-vous, monsieur l’agent ? »

Dans les heures qui suivent l’interdiction, coups de téléphones, sms et e-mails s’échangent tous azimuts. Il apparaît vite que plusieurs citoyens anonymes refusent la censure et tentent de trouver une salle de secours. Une première adresse circule, puis est abandonnée. Une seconde connaît le même sort. Vers 17h00, la propriétaire du night-club Le Bazaar nous confirme sa volonté d’accueillir Dieudonné. L’info circule déjà et se répand comme une traînée de poudre.

19h00. Devant les portes closes de la salle Akdeniz-Chambord, quelques spectateurs dépités discutent. Trois voitures banalisées les surveillent. Un jeune homme se dirige vers l’une d’elles et demande au conducteur : « C’est bien ici que le spectacle de Dieudonné doit avoir lieu ? ». « Non, il a été annulé », répond le policier, « mais le spectacle aura quand même lieu au Bazaar ». Et l’agent de lui fournir les coordonnées précises de l’établissement comme s’il cherchait à écourter son « importante »
surveillance …

19h30. Plusieurs groupes se dirigent vers l’entrée du Bazaar dont une vingtaine de Français venus de Lille. 20h00. Plus de 200 personnes, serrées sur le trottoir, forment une queue impressionnante qui encercle la moitié du pâté de maisons. Les futurs spectateurs sont calmes. L’air est néanmoins électrique.

Soudain, la tension monte. Les combis de la police quadrillent les alentours.
Une voiture des forces de l’ordre bloque l’entrée de la rue après qu’un fourgon s’y soit engagé. Le véhicule s’arrête net devant l’établissement. Un policier en sort rapidement. Il apostrophe sans ménagement un badaud : « Il est déjà dedans ?! ». « De qui parlez-vous, monsieur l’agent ? », répond ironiquement le citoyen. « Est-il déjà à l’intérieur, oui ou non ?! », hurle le policier. « Ecoutez, je ne vois pas de qui vous parlez, nous sommes venus assister à une soirée dansante », sourit le jeune homme. Furieux, le policier tourne les talons et décoche à son interlocuteur : « On s’est très bien compris ! ».

Pendant que les spectateurs entrent par grappe, plusieurs policiers cherchent fébrilement la gérante du Bazaar. Lorsqu’ils la trouvent, ils tentent de lui faire annuler l’évènement. Arguant notamment qu’elle n’a pas demandé « une autorisation pour organiser une manifestation ». Celle-ci rétorque qu’il ne s’agit pas d’une « manifestation » et qu’elle n’a enfreint aucune loi en programmant un spectacle dans son établissement. Devant l’évidence et l’énervement qu’ils commencent à produire, les policiers rebroussent chemin. Non sans relever la carte d’identité de la propriétaire du Bazaar …

Raison populaire

21h30. Le night-club est quasiment plein. Les nombreux spectateurs restés sur le carreau ont été conviés à une seconde représentation. Se frayant un passage à travers la foule, majoritairement debout, Dieudonné entre enfin sur « scène ».

D’entrée de jeu, l’humoriste improvise autour des raisons hallucinantes qui lui font rencontrer son public dans… une boîte de nuit. Pendant cinq minutes, l’artiste censuré fera hurler de rire la salle en décrivant la manière dont le gérant d’Anderlecht s’est couché devant la pression politique.

Apparemment imperméable aux conditions liberticides comme aux divers cafouillages techniques, le comédien va prouver qu’il reste le meilleur des humoristes francophones actuels. Donné pour « mort » chaque année par les médias français, ce maître du rire alternera autodérision, improvisations chirurgicales, satires multidirectionnelles et dénonciations pertinentes durant près de trois heures. Une performance magistrale que peu de ses collègues pourraient égaler, nous confie Dieudonné Kabongo, comédien et humoriste belgo-congolais.

Dès que lui est parvenu la nouvelle, Kabongo s’est rendu au Bazaar. Si son célèbre homonyme lui a fait connaître moult confusions agaçantes, il ne l’avait jamais vu jouer « Sandrine ». A la sortie, Dieudonné Kabongo a ces mots : « Il possède une répartie énorme et une faculté d’adaptation au lieu comme au public proprement impressionnante. Pour jouer dans de telles conditions, il faut vraiment être costaud à l’intérieur. C’est une rare conjugaison d’intelligence, de comédie et d’humour. La plupart des humoristes français ont raison lorsqu’ils disent que c’est le meilleur ».
Vers une heure du matin, les deux collègues échangeront leurs vécus, entrecoupés de grands éclats de rire. Une belle rencontre que devrait immortaliser une prochaine édition du magazine culturel Kiosque …

Au final, que retenir de cette soirée « interdite » mise sur pied en quelques heures par des citoyens ordinaires ? Sans toujours le savoir, ces anonymes ont appliqué et défendu les articles 19 (9) , 23§5 (10), 26 (11) et
27(12) de la Constitution belge. Et ont rappelé, sans violence ni débordement, que la raison vient toujours du peuple lorsque le pouvoir politique, conforté par une majorité de médias, s’abîme dans la censure et l’autoritarisme.

Quant à l’auteur de ces lignes, l’un des deux journalistes présents ce soir-là, il invoque l’article 25 (13) de cette même Constitution. Tout en invitant les véritables démocrates à agir enfin contre ceux qui s’attaquent aux libertés en principe garanties dans notre « démocratie » ...

Olivier Mukuna

Source: ==> Des citoyens contournent la censure.
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook