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Chroniques mondaines
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2 décembre 2010 21:22
"Je m’aperçus rapidement qu’elle était de ceux dont le physique ne rendait certainement pas justice au personnage. Bien pire, son apparence semblait donner une image insultante de sa personne. Je me dis que s’il fallait juger de la qualité des êtres humains par leur seul aspect physique, cette pauvre fille aurait été condamnée sans autre forme de procès. Cette enveloppe, comme la coquille d’huître renfermait parfois une perle, couvait peut-être une personnalité intéressante à plus d’un égard. Mais qui s’en souciait ? On juge les gens selon leur apparence comme on préjuge de la qualité d’un joli fruit. Il aurait pourtant fallu peu de choses, quelque chose quand même, pour la rendre moins laide. Un peu de fard, un effort sur la tenue vestimentaire, une coiffure un peu plus arrangée que la choucroute qu’elle portait sur la tête et qui ajoutait sûrement à sa taille mais retranchait certainement à sa beauté. En l’observant, je me dis qu’elle n’était pas fondamentalement laide et que son cas n’était pas, comme il l’est chez certaines filles, désespéré.

Certes, elle ne faisait pas partie des ornements de ce monde et l’éclat de son visage n’était pas de nature à éclipser celui de la lune. Mais elle avait quelques traits de charme. Un peu comme toutes les filles en ont d’ailleurs, en plus ou moins grande quantité. A bien chercher, on pourrait même lui trouver une certaine forme de beauté. Bien dissimulée, certes, mais pas totalement absente. Mais par je ne sais quel enchantement, par quelle magie, cette femme semblait dégager quelque chose qui ne pouvait laisser indifférent. Était-ce l'aura du pouvoir? Sa facilité d'expression?

A en juger son air décontracté et son aisance, elle semblait faire peu de cas de ce que les autres pouvaient penser de son physique. Il y a des gens comme ça, totalement détachés des apparences. Mais c’est un état d’esprit si rare chez les femmes qu’il ne manquera jamais de surprendre. Les femmes ont toujours été maîtres dans l’art de l’artifice et de la coquetterie. Etait-ce parce qu’elle travaillait au quotidien au contact d’hommes, de vrais, qu’elle avait adopté jusqu’à leur tenue et leurs manières ? Un petit coup de coude qui me piqua les côtes me tira brusquement de ma méditation existentielle. Mon premier regard fut pour cette fille. Mes yeux croisèrent les siens et mon air gêné la fit sourire sans que je ne sache si son rire réprimé traduisait une moquerie ou un amusement. Elle venait visiblement de s’adresser à moi ou plutôt, à mon corps car mon esprit était ailleurs. Tout le monde me regardait, suspendu à mes lèvres et moi, penaud comme celui que l’on vient de réveiller en pleine nuit, je restais aussi accroché à leurs lèvres, dans l’espoir que l’un d’eux me renseigne sur la situation ou me répète la question qui m’avait échappée. Mais tous semblaient prendre un malin plaisir à contempler mon air ahuri et à faire durer autant que possible cet état d’inconfort. Je me tournais vers l’un, puis vers l’autre, les suppliant presque du regard, mais je ne rencontrais chez eux que silence amusé, regard malicieux, rictus qui disaient « te voilà bien stupide ». Il n’y a pas pire situation d’inconfort que celle ou l’on se sent ridicule et si le ridicule terrassait, je ne serais sans doute pas là pour vous expliquer à quel point j’étais gêné.

Je balbutiais quelques mots et retrouvais rapidement mes esprits. Ce premier contact commençait mal et il me fallait rebondir. Je souris à mon tour, bêtement, après que mes joues empourprées ont repris leur teint naturel, et lançais :

-Excusez-moi, j’étais ailleurs. Pourriez-vous répéter votre question ?

Elle baissa les yeux et sourit. Autour de moi, quelques ricanement se firent entendre. Je crus reconnaître le rire grinçant d’un collègue, ce rire reconnaissable d’entre mille. Je lui décochais un regard furtif mais assez explicite pour l’aviser d’une vengeance prochaine à laquelle il n’échapperait pas.

Elle fixait maintenant mes chaussures et tous en firent de même. Je les imitais immédiatement puis jetais un regard interrogateur autour de moi.

-Vous savez que vous êtes dans une usine et que les chaussures de sécurité sont obligatoires.

-Oui, je le sais, mais j’ai oublié de les mettre car…

-Décidément, vous êtes bien tête en l’air. Vous rêvassez quand je parle, vous oubliez vos chaussures de sécurité…Vous auriez tout autant mieux fait d’oublier de venir.

Un silence pesant s’installa, interrompu rapidement par un bruit d’origine inconnue qui fit tourner quelques têtes. J’aurais voulu que le toit ce fut effondré, qu’un attentat eut lieu ou que quelqu’un s’écroula devant nous, victime d’une attaque cardiaque. Mais rien de tout cela n'arriva.

La fille me parut tout d’un coup beaucoup plus laide qu’elle ne l’était. Je n’avais pas l’habitude de subir pareille attaque en public et j’en fus fort gêné. Cela se vit sans doute sur mon visage et elle tenta de me rassurer en me souriant. Mon cœur battait, comme souvent quand j’étais gêné. J’aurais voulu être ailleurs, loin, ou peut être même m’enfuir en courant. Ce n’est pas tant le fait d’avoir été malmené par une femme que la joie secrète et les rires sous cape de mes collègues qui me mirent dans cet état. Après tout, l’humiliation, si elle se fait en privé, est parfois supportable. Mais l’affront public est toujours avilissant."
C
8 décembre 2010 19:26
Brave femme!
☠ chti'sem ☠
 
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