A Aulnay-sous-Bois, la délinquance fichée en réseau (PAPIER D'ANGLE)
AULNAY-SOUS-BOIS, 12 oct 2006 (AFP) - A la demande de la ville d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), pompiers, gardiens d'immeubles, agents d'espaces verts et policiers alimentent en fiches de renseignements un outil de prévention de la délinquance. Le logiciel de cartographie développé par l'Observatoire de la tranquillité publique d'Aulnay-sous-Bois (80.700 habitants) a été présenté mercredi aux Assises nationales de la sécurité urbaine qui se tenaient à Aulnay, souvent désignée comme un laboratoire des politiques de la ville. En un clic, il permet par exemple de visualiser les 381 rassemblements de halls d'immeubles répertoriés en janvier 2006, et leur concentration. Largement utilisé depuis deux ans dans le cadre du Contrat local de sécurité (CLS), Corto, c'est son nom, recense "les atteintes à la tranquillité publique" les plus diverses, des vols avec violences aux injures. Depuis deux mois, cet outil déclaré à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) connaît un nouvel essor puisqu'il intègre désormais les statistiques de délinquance sur la voie publique transmises chaque semaine par la police nationale. Ces données sont "juxtaposées" (l'agrégation des données est interdite) aux chiffres fournis par la police municipale, les pompiers, les gardiens d'immeubles des bailleurs sociaux (OPHLM et privés remplissent une "main courante", les transporteurs (RATP, TRA, SNCF, CIF), l'Education nationale (chiffres SIGMA) et les agents municipaux (fiches d'incidents). Gérard Segura, conseiller municipal PS et chef de file de l'opposition au maire UMP Gérard Gaudron, est peu inquiet: "ce dispositif est moins efficace et contraignant qu'il voudrait l'être", estime-t-il. L'élu est toutefois persuadé que la municipalité "veut aller vers un fichier nominatif", encouragée par le projet de loi Sarkozy sur la délinquance. Pour Serge Colombié, responsable de l'Observatoire, seul habilité à manier le logiciel, il ne s'agit pas d'encourager la délation. "On ne travaille pas sur des noms mais sur des lieux d'infractions", rappelle-t-il, assurant que la charte de déontologie et le cryptage de certaines informations transmises "a rassuré les partenaires". Les visualisations des infractions ou incivilités, leurs fréquences et horaires permettent "d'adapter plus efficacement les moyens d'action", explique-t-il. L'outil induit aussi des modifications d'urbanisme. Dans le quartier de la Brise, des travaux avaient facilité les livraisons de drogues. L'aménagement a été "corrigé" par le bailleur, le Logement français, très engagé dans ce type de signalements. La ville a l'ambition d'aller plus loin, en demandant aux centres sociaux de participer. Les 12 agents de médiation et de prévention de la ville transmettent déjà des fiches "d'ambiance" où ils donnent régulièrement leur sentiment sur le climat d'un quartier. "Certains travailleurs sociaux nous ont fait savoir déjà qu'ils n'y participeraient pas", indique Gérard Segura, l'élu d'opposition. Un travailleur social souhaitant taire son nom explique que "ces remontées de fiches finiront par se savoir dans les quartiers et risquent d'exposer dangereusement les médiateurs et les éducateurs, déjà suspectés d'être des +balances+". Si on lui demande, il refusera. "Quand un gosse fracasse une vitre d'arrêt de bus, c'est ce qu'on va faire de lui qui m'intéresse. Pas d'amasser des fiches", dit-il. shu/ls/ds