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Discours de Macron : Les organisations islamistes marocaines jouent-elles la prudence ?

La vague des réactions au discours du président français du 2 octobre, consacré au «séparatisme islamiste», ne semble guère atteindre les côtes marocaines.

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Photo d'illustration / DR.
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Le discours du président français sur le «séparatisme islamiste» n’a pas laissé de marbre des organisations musulmanes ayant pignon sur rue. L’Union internationale des oulémas musulmans est la première à réagir à la sortie d’Emmanuel Macron du 2 octobre, la qualifiant de nouvelle «attaque injustifiée» contre l’islam «sous couvert de la liberté».

L’Union que préside le Marocain Ahmed Raïssouni exprime, dans un communiqué, sa préoccupation quant à «l’avenir de la liberté au pays des Lumières, si la laïcité est imposée aux musulmans». L’approche du chef de l’Etat ne favorise pas la «coexistence pacifique».

«La coexistence ne se décrète pas par la coercition, la marginalisation et la restriction des libertés et des droits d’autrui, elle se réalise par la justice, des libertés responsables et l’égalité pour tous sans aucune discrimination fondée sur la race ou la religion.»

Union internationale des oulémas musulmans

De son côté, le Centre islamique de recherches d’Al-Azhar n’a pas fait dans la dentelle pour exprimer son opposition au discours de Macron. «De telles déclarations racistes sont de nature à enflammer les sentiments de 2 milliards» de musulmans. Aussi, l’institution basée au Caire recommande de «cesser les attaques contre les religions» pour ne pas donner des arguments aux promoteurs du «discours de la haine».

Au Maroc, des réactions et des réserves

Au Maroc, les déclarations d’Emmanuel Macron n’ont pas encore suscité de réactions officielles de la part des organisations islamistes pourtant réactives d'habitude. Au sein du Mouvement unicité et réforme (MUR), l’heure est encore au silence. «Le bureau exécutif ne s’est pas encore réuni pour examiner cette question», confie à Yabiladi son président Abderrahim Chikhi.

«Nous allons prendre notre temps pour commenter le discours du président français. Il ne faut pas répondre à un discours politique par un autre du même registre. Cesujet sera probablement inscrit sur l’agenda de notre réunion du mardi, qui décidera en premier lieu sur l’opportunité de commenter ou non un tel discours.»

Abderrahim Chikhi

Cette précaution prise par le MUR tranche avec son empressement à manifester sa «solidarité» avec les islamistes en Mauritanie lorsque les autorités locales avaient fermé, en septembre 2018, le «Centre de formation des oulémas», dirigé par le théologien Mohamed Elhacen Ould Deddew. Dans un communiqué, le bureau exécutif avait qualifié la démarche de «restriction contre les oulémas et la science».

Libéré de toutes contraintes politiques, Mohamed El Fizazi ne partage pas la mesure de Chikhi. «C’est une allocution raciste et insolente, qui malheureusement fait le lit du Rassemblement national», précise-t-il dans des déclarations à Yabiladi. «Par cette sortie qui est loin d’être intelligente, le président Macron risque de se mettre à dos environ 6 millions de musulmans de France, alors qu’il se prépare à se présenter aux élections présidentielles de 2022 pour briguer un second mandat», estime-t-il.

A l’instar du MUR, la matrice idéologique du PJD, Al Adl wal Ihsane n’a pas encore officiellement exprimé sa position sur le sujet. Néanmoins, son responsable des relations internationales, Mohamed El Hamdaoui, souligne auprès de Yabiladi que «les accusations du président français portées contre environ 2 milliards de musulmans sont erronées, alors que l’islam du juste milieu se renforce de jour en jour et fait de nouveaux adeptes dans les rangs des musulmans».

«La crise réelle que connaît le monde musulman réside dans les régimes despotiques, soutenus par certaines puissances occidentales contre les principes de la démocratie et des droits humains et contre les intérêts des peuples musulmans.»

Mohamed El Hamdaoui

«Malheureusement, ce genre de déclarations bénéficie à toutes les formes de l’extrémisme : le laïc, le raciste et le religieux», a conclu El Hamdaoui. Hassan Bennajah, également membre d’AWI, a indiqué à Yabiladi que son organisation partage la position de l’Union internationale des oulémas musulmans présidé par Ahmed Raïssouni sur ce sujet.

article_updated 05/10/2020 a las 22h56