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Qu’en est-il du «retour tonitruant» du Maroc sur le dossier libyen ?

Une fois de plus le Maroc n’a pas été convié à une réunion tenue en marge de la conférence de Munich sur la sécurité consacrée à la question libyenne. La Tunisie y était cette fois alors qu’à Rabat s'est contenté d'annoncer un «retour tonitruant du Maroc» sur le dossier libyen. 

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Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères du Maroc / Ph. MAP
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Le 14 février, le site officiel du ministère des Affaires étrangères publiait un article intitulé initialement : «Dossier libyen: Après la perfidie du conciliabule de Berlin, le Maroc signe un retour tonitruant à Brazzaville et à Addis-Abeba». Un ton peu diplomatique à l'égard de l'Allemagne qui accueillait le «conciliabule de Berlin» et les pays participants. Une sortie de route corrigée le jour même par les services de Nasser Bourita en supprimant le terme désobligeant. 

Mais le terme «conciliabule» amenuisant la place de la diplomatie allemande a été maintenu, alors même que la conférence du 19 janvier est loin d'être une assemblée de prélats sans autorité. Elle a connu la présence de grandes puissances mondiales et de surcroît à un niveau supérieur. Valdimir Poutine, Emanuel Macron et Mike Pompeo ont répondu présent, pour ne citer que ses noms.

La publication de l'article en question a coïncidé avec le début de la Conférence de Munich sur la Sécurité, organisé du 14 au 16 février. Un événement d’envergure internationale. L’édition de cette année a été marquée par une réunion au niveau des ministres des Affaires étrangères du comité de suivi des résolutions de la conférence de Berlin sur la Libye. Une fois de plus Mme Angela Merkel n’a pas convié le Maroc, alors que la Tunisie était cette fois présente. Pour rappel Tunis et Rabat n’avaient pas pris part à la rencontre du 19 janvier dans la capitale allemande.

Le Maroc insiste sur son «retour tonitruant»

La mise à l’écart du royaume se confirme ainsi, apportant un sérieux démenti aux nouvelles publiées par certains médias, annonçant une éventuelle «révision» de la position de la chancelière pour l'invitation du Maroc aux prochains conclaves de paix sur la Libye. Ainsi, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, s’était rendu le 23 janvier en Tunisie et en Algérie mais sans effectuer une escale au Maroc. Dans la capitale tunisienne, il a exprimé au président Kais Saïed ses regrets quant à l’invitation tardive de la Tunisie à la conférence de Berlin alors qu’à Alger il a pris part à une réunion des voisins de la Libye, tenue à nouveau sans la participation de la diplomatie marocaine.

Les divergences entre Berlin et Rabat sur le dossier libyen semblent irréconciliables. Le ton de la diplomatie marocaine en témoigne avec des mots de plus en plus durs à l'endroit de l'Allemagne. Le 18 janvier un communiqué du ministère des Affaires étrangères soulignait que «le pays hôte de cette conférence (Berlin), qui est loin de la région et des complexités de la crise libyenne, ne saurait la transformer en instrument de promotion de ses intérêts nationaux». Le ministre des Affaires étrangères marocain a fait montre de son exaspération dans l'article du 14 février en usant des termes «perfidie» et «conciliabule» pour qualifier la réunion de Berlin.

Preuve que le Maroc ne compte pas se laisser écarter du dossier libyen, un enjeu stratégique pour beaucoup de pays. Contrairement à l’Algérie, Rabat bénéficie du respect du gouvernement Haftar, sachant qu’il n’a pas des intérêts directs en Libye. En témoigne l’accueil froid réservé, le 5 février, à Sabri Boukadoum par l’homme fort de l’Est libyen. 

Toutefois, l’ouverture sur le maréchal reste timorée. Juste après l’annonce de la rencontre entre Nasser Bourita et Abdehadi Lahouij, du 29 janvier à Brazzaville, le chef de la diplomatie s’est empressé de téléphoner au ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Tripoli pour lui assurer le «soutien total» du royaume au gouvernement d’union nationale dirigé par Fayez Al-Sarraj. Au cours de la conversation, le ministre marocain a expliqué que le Maroc «ne reconnait que le gouvernement légitime de la Libye, conformément à l'accord de Skhirate et aux décisions du Conseil de sécurité». La même scène s’est produite le 7 février : Après ses entretiens à Rabat avec Lahouij, Bourita a pris langue avec Khalid Mechri, président du Haut Conseil d’Etat à Tripoli.

Pour rappel, les islamistes qui contrôlent actuellement Tripoli avaient uniquement dénoncé les absences de la Tunisie et du Qatar à la conférence de Berlin du 19 janvier, sans un mot de soutien pour le Maroc.