Menu

angle_2

France : Des contenus pédagogiques jugés islamophobes distribués à des élèves de CE1

Adressé à des élèves de CE1, un document pédagogique sur les libertés en France fait notamment référence aux «terroristes islamistes» et aux femmes qui «ne sont pas obligées de couvrir leurs cheveux». Certains y voient une islamophobie décomplexée, tandis que l’établissement nie toute mauvaise intention.

Publié
DR
Temps de lecture: 3'

Un document pédagogique étudié dans une classe de Villiers-le-Bel, commune d’Ile-de-France, a suscité un tollé auprès de plusieurs personnes. Des élèves de CE1 de l’établissement privé catholique Saint-Didier, qui regroupe l’école et le collège, se sont vu dispenser un cours sur les libertés en France. Il y est notamment question de la liberté d’expression, des femmes, de la presse et de culte. Problème, selon des parents choqués : il stigmatise une communauté et une religion, en l’occurrence les musulmans et l’islam.

Dans un court paragraphe consacré au droit de «Choisir», le document indique que «les Français ont le droit de posséder de ce qu’ils veulent. Ils choisissent leurs loisirs, vont voir des concerts du genre de musique qu’ils aiment, pratiquent le sport de leur choix… Ce sont des libertés que les terroristes islamistes veulent supprimer».

Plus bas, dans un autre paragraphe consacré aux femmes, le document souligne qu’ «en France, les femmes ne sont pas obligées de couvrir leurs cheveux. Elles peuvent aller seules où elles veulent, s’habiller comme elles veulent, bronzer sans soutien-gorge… Ça non plus, ce n’est pas possible partout. En Arabie saoudite, par exemple, un pays où un islam très strict est appliqué, les femmes n’ont pas le droit de sortir sans porter un voile et une longue robe noire qui couvre tout leur corps».

Un contenu «sorti de son contexte»

Contacté par notre rédaction, Mathieu Bidal, chef d’établissement du collège Saint-Didier, précise que ce document «n’a ni été créé par l’enseignante en question, ni élaboré par notre établissement». Il explique que le document figure dans un livret intitulé «Les fiches du Petit Quotidien», du nom du «Petit Quotidien», une revue qui s’adresse aux 6-10 ans et est éditée par la société Play Bac Press. Ces «fiches» ont été publiées dans le numéro 62 datant de septembre 2018, consacré à l’éducation civique. Mathieu Bidal se dit surpris par la publication de ce document sur les réseaux sociaux et le mécontentement qu’il a provoqué, «parce que cette leçon a eu lieu il y a près de deux mois».

«Dans l’établissement, nous avons une grande majorité de familles musulmanes qui nous font totalement confiance. Aucune famille ne s’est plainte de ce document, or depuis quelques jours, il est complètement sorti de son contexte: d’abord attribué à cette enseignante, puis à l’établissement qui l’aurait diffusé un peu partout. On se retrouve accusés d’islamophobie, ce qui nous fait un peu sourire et en même temps nous heurte car ce n’est pas du tout l’état d’esprit dans lequel travaille notre école.»

Mathieu Bidal

S’il reconnaît «à juste titre» que «certaines références et comparaisons» de ce contenu pédagogique «aient pu heurter», il insiste sur le fait que ce document «a été sorti de son contexte par des personnes qui ne connaissent pas du tout notre établissement». Mathieu Bidal estime que le «recul nécessaire» pour ne pas faire l’amalgame entre islam et terrorisme et oppression des femmes «relève de la responsabilité de cette enseignante en qui j’ai toute confiance. Il n’y a aucune mauvaise intention derrière ni aucune interprétation quelle qu’elle soit».

Une approche qui «sape» le travail des élus sur le terrain

De son côté, Ilham Moustachir, adjointe au maire de Gonesse et conseillère déléguée à la formation, à l’emploi et à l’insertion professionnelle au sein de la communauté d’agglomérations Roissy-Pays-de-France, qui regroupe 42 villes dont Villiers-le-Bel, estime que ce contenu «stigmatise l’islam». «Ça ne me dérange pas qu’on parle de laïcité ; on est dans une république laïque, mais qu’on parle toujours de l’islam, l’islam, l’islam… Ça suffit. Il y a une islamophobie qui se généralise, les langues se délient», regrette cette élue.

«Ça vient complètement saper tout ce qu’on met en place sur le terrain pour l’égalité hommes-femmes, la laïcité et l’égalité dans la pratique religieuse.»

Ilham Moustachir

Jointes par notre rédaction, les éditions Play Bac Press n’ont pour l’heure pas donné suite à notre requête. De son côté, la mairie de Villiers-le-Bel affirme avoir découvert ce document sur les réseaux sociaux et précise n’avoir aucun lien avec sa diffusion auprès des élèves de l’établissement Saint-Didier.