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Opinions & Débâts : Jeunes Marocains et migrations en Italie

Le Cerfe est un institut de recherche et de formation qui, entre autres, travaille de façon approfondie sur le thème des migrations internationales.

Son programme qui date de près de 20 années, a comme objectif prioritaire de produire de nouvelles connaissances sur les phénomènes migratoires à partir de l'analyse des différentes composantes du flux migratoire, des orientations et du comportement des différents acteurs (gouvernements, bénévolat, associations de migrants, centres de formation, etc) impliqués dans la mise en œuvre des politiques publiques dans ce secteur. Ce programme du CERFE sur les migrations internationales s'est traduit par plus de 20 projets, dont 3 spécifiques sur les étudiants dans les universités italiennes ressortissant des pays en développement et une étude spécifique sur les facteurs liés aux processus migratoires dans le bassin de la Méditerranée.

Dans les sociétés qui construisent leur développement de plus en plus sur les connaissances, la récupération des “intelligences” devient donc un des thèmes récurrents dans le contexte des politiques de migration, qui concernent, pour des raisons diverses, autant les pays d'origine des immigrants comme ceux d'accueil.

En parlant spécifiquement des principales caractéristiques des jeunes migrants marocains présents en Italie, je vais me référer à une étude réalisée en 1994 sur les facteurs sociologiques liés aux processus migratoires dans le bassin de la Méditerranée (concernant, notamment, les flux migratoires, entre Maroc et Italie, et, plus spécifiquement entre les provinces de Casablanca, de Settat, de Khouribga, et de Beni-Mellal et des régions italiennes comme Latium). Ainsi qu'à une étude effectuée en 1998 et 1999 dans les régions Latium, Ombrie, Toscane et Sardaigne dans le cadre d'un vaste programme de promotion de projets pilotes d'intégration des immigrés dans le conteste socio-économique italien. Et, enfin, à une étude effectuée en 2002 dans la région Toscane sur les immigrées qualifiées et leur intégration professionnelle.

Les Marocains en Italie se situent dans une fourchette qui va de180.000 à 240.000. C'est le groupe national le plus important parmi les immigrés ressortissants de Pays extra-européens résidents en Italie. Entre 70% et 75% des migrants marocains ont de sexe masculin. Les jeunes (c'est-à-dire des Marocains ayant moins de 30 ans) sont près de la moitié. Près de 70,000 migrants marocains fréquentent en Italie l'école (47,000) ou des niveaux supérieurs, dont l'université (plus de 20,000). Parmi les étudiants, c'est le deuxième groupe national le plus important après celui des Albanais.
En venant maintenant aux résultats de nos études, il faut mettre en relief, en premier lieu, qu'une partie considérable des jeunes migrants marocains présents en Italie fréquente l'école et/ou dispose déjà d'un diplôme de fin d'études secondaires ou d'un diplôme universitaire ou post-universitaire. On ne dispose pas de données précises, mais, sur la base de nos différentes enquêtes, on peut estimer que les qualifiés sont au moins le 45 %, 50 % des jeunes migrants marocains avant entre 18 et 30 ans. A peu près, deux tiers de ces migrants ont obtenu leur diplôme au Maroc. Quand il s'agit d'un diplôme universitaire, il a été obtenu, surtout, dans une discipline “forte” (sciences naturelles, sciences agraires, médecine, ingénierie, etc). Ceci dit, près de la moitié des migrants marocains présents dans les régions qui ont été ciblés par différentes études fréquente en Italie un cours de formation professionnelle de mise à jour ou d'autres initiatives d'orientation professionnelle.

La présence de jeunes marocains en Italie est un phénomène de longue date. Déjà en 1972, dans la seule région Latium, il y avait déjà 100 jeunes marocains qui étudiaient en Italie dont la majorité sont de sexe masculin (65 %) Ce pourcentage, toutefois, étant diminué au cours des 20 dernières années (85% en 1983).

Au-delà du titre d'étude, la plupart des migrants marocains (dont les jeunes) présents en Italie semblent être porteurs d'un patrimoine intellectuel, culturel et technique propre considérable et d'une forte capacité à faire partie intégrante de la soi-disant knowledge society. Par ailleurs, près de la moitié d'entre eux aurait, sur la base de nos études, une excellente connaissance de la langue italienne écrite (et plus de deux tiers ont une très bonne connaissance de la langue italienne parlée et lue).

Contrairement à ce qui semble se passer pour le reste des migrants présents en Italie, une partie importante parmi ceux qui proviennent de l'Afrique du Nord (essentiellement Maroc et Tunisie) appartiennent à une classe pauvre ; la plupart d'entre eux proviennent d'une grande ville (mais pas de la capitale). Les motifs qui sont à la base des migrations en Italie, selon les études que le CERFE a effectué en Toscane, Latium, Ombrie, Campanie et Sardaigne sont nombreux: la recherche d'un bon travail sur le plan économique, la recherche d'un travail adéquat aux propres compétences professionnelles, la volonté de poursuivre ses études.

A souligner qu'une partie considérable des migrants marocains (dont beaucoup de jeunes) :
- Fréquentent, tout au moins occasionnellement, des personnalités de la vie publique (soit italiennes, soit marocaines) ;
- Sont en contact avec des leaders et des intellectuels marocains ;
- Sont en contact avec des leaders des communautés d'immigrants présentes en Italie ;
- Entretiennent des rapports d'amitié et de confiance avec les habitants de leur propre zone de résidence ;
- Entretiennent de bonnes relations avec leurs collègues de travail.

Les migrants marocains présents en Italie (y compris les jeunes) apparaissent, souvent, sur la base des résultats de nos études, doués d'un niveau très élevé de responsabilité sociale qui se concrétise, essentiellement, dans la participation active aux associations de migrants (43%) dans une assistance “à distance” au Maroc (33 %) et dans la présence dans des associations et groupes italiens ou mixtes. Près de 2 migrants sur 5 collaborent avec les administrations publiques italiennes dans des activités d'aide et assistance aux communautés immigrées et près d'un migrant sur 6 participe ou a participé à des comités consultatifs de migrants institués auprès des administrations publiques italiennes.

G. Quinti - Membre du CERFE (Institut de recherche sur les migrations internationales – Italie)

Source : Le Matin

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