Menu

Maroc: la parole des femmes libérée par le nouveau code de la famille

Depuis l'adoption il y a un an d'un code de la famille progressiste, un nombre croissant de Marocaines maltraitées osent se présenter au centre d'écoute de l'Union de l'Action féminine (UAF).

Battues, expulsées du domicile conjugal, harcelées: dans la salle d'attente de l'UAF, des femmes, pour la plupart voilées et vêtues d'une djellaba, la tenue traditionnelle marocaine, prennent la parole pour raconter leur souffrance.

Certaines d'entre elles sont en pleurs, d'autres ont des hématomes sur le visage. Elles viennent au centre dans l'espoir d'être écoutées par des psychologues et assistantes sociales ainsi que pour y trouver l'aide d'un avocat.

Depuis l'entrée en vigueur du nouveau code de la famille le 9 février 2004, "les femmes se sentent mieux protégées et veulent témoigner. C'est la fin du silence", se réjouit Mme Maghraoui, la responsable du centre d'écoute Ennajda (le secours) de l'UAF.

Le nouveau code de la famille porte notamment à 18 ans au lieu de 15 ans l'âge légal du mariage des femmes et pose de sévères conditions à la répudiation comme à la polygamie. Il permet également à la femme de 18 ans de se marier sans l'autorisation d'un tuteur.

L'UAF, ainsi que d'autres associations, se bat depuis 20 ans pour donner la parole aux femmes. En 1983, pour la première fois, les femmes ont pu raconter leur souffrance dans le journal "8 Mars". La rubrique "Et si on nous donnait la parole" a alors connu un grand succès. En 1996, les premiers centres d'écoute ouvraient à Casablanca et Rabat: les femmes avaient enfin des interlocuteurs.

Cette association a également mené plusieurs campagnes et organisé des manifestations, notamment pour la réforme de l'ancien code du statut personnel, jugé discriminatoire pour les femmes. En décembre 2003, l'UAF a collecté 10.000 cartes destinées à la Commission consultative chargée de la réforme de la Moudawana. Elle a ainsi fait pression pour que le nouveau code soit le plus progressiste possible.

Mais aujourd'hui, Mme Moghraoui déplore que "l'application du code rencontre de nombreuses difficultés". Les juges, conservateurs, ne prennent pas le nouveau texte en compte, se plaint-elle, ajoutant que les maris ne respectent pas toujours les verdicts, se débrouillant par exemple pour ne pas payer de pension alimentaire.

"Les mentalités n'ont pas changé", déplore Mme Outaleb, la responsable du Centre d'hébergement de l'UAF, ajoutant que "des hommes continuent de battre des femmes et de les expulser de leur domicile".

Le foyer vient d'accueillir une nouvelle pensionnaire, Hafida, accompagnée de son fils de trois ans. Mariée depuis 14 ans, son mari l'a expulsée de leur domicile quelques jours auparavant. Elle raconte son histoire: femme au foyer, analphabète, battue, et son mari qui ramène des prostituées dans leur domicile.

Hafida va pouvoir passer trois mois dans le centre d'hébergement, de réhabilitation et d'insertion de l'UAF, situé dans une jolie villa en périphérie de Rabat. Une dizaine d'autres femmes, de 25 ans en moyenne, y sont installées avec leurs enfants. Toutes ont connu des épreuves.

"Il va falloir beaucoup de temps pour les mentalités changent réellement, pour que les hommes se comportent différemment", estime Mme Otaleb. Cependant, "l'ambiance au centre a changé depuis l'entrée en vigueur du nouveau code", se réjouit-elle. "Les femmes s'intéressent plus à leur droit, sont moins isolées, plus libres", assure-t-elle.

Dans le centre d'hébergement, les femmes préparent ensemble le repas, pendant que leurs jeunes enfants jouent entre eux. Elles sont souriantes, paraissent soulagées d'être là.

Source : AFP

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com