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Islam en Europe: Dialoguer! Mais quel dialogue?

Deux extrémistes ne dialoguent pas; ils font la guerre. Un extrémiste et un sage vivent dans les conflits et deux sages ont des chances d'établir un dialogue

Une culture comporte deux extrémités et un milieu. Les adeptes des extrémités sont noyés, d'une part, dans le repli identitaire et, d'autre part, dans l'ignorance; le milieu représente la lucidité et la sagesse.

Deux extrémistes ne dialoguent pas; ils font la guerre. Un extrémiste et un sage vivent dans les conflits et deux sages ont des chances d'établir un dialogue.

Déjà à l'aube de l'humanité, l'effusion de sang d'un des fils d'Adam montre la propension de l'homme à la férocité et, depuis, l'histoire de l'humanité est entachée de massacres, de crimes, de guerres... de hontes.

Aujourd'hui, dans un monde complexe, loin d'être une oasis de justice, de bonté et de fraternité, il est difficile d'établir un dialogue serein autant avec les ennemis et les adversaires qu'avec les «siens».

D'abord, les systèmes de jeux et de règles internationaux étant peu cohérents, un sage se sent envahi d'émotions et de colère devant l'absence de logique dans la résolution des problèmes. Les puissants préfèrent l'égoïsme et les armes. Même les savants et les intellectuels, considérés comme la mémoire des peuples, opèrent des analyses aberrantes, simplificatrices et dangereuses, et présentent les autres cultures comme des modèles alternatifs au modèle dominant. Ils parlent de choc de civilisation, de suprématie d'une culture, de religion diabolique... et certains désignent l'islam, et au second plan une partie de l'Asie, comme successeur au bloc soviétique comme si le destin de la planète ne pouvait pas s'en passer. Cette approche cultive sinon la haine du moins la méfiance et renvoie au communautarisme. Peu de voix s'élèvent dans le sens de la complémentarité et de l'amitié entre les peuples.

Quant au tiers-monde, n'ayant pas pris le train du développement à temps, il en est réduit à un marché ou des zones de conflits sans être un véritable interlocuteur.

Ensuite, la politique des pays développés est réellement basée sur les intérêts économiques au lieu d'être centrée sur des principes humains, trahissant ainsi l'esprit des chartres internationales.

En Belgique, les gouvernements successifs se ressemblent au point de se confondre. Les tentatives d'intégration demeurent vaines et ce, malgré une volonté apparente d'impliquer des élus issus de la communauté «allochtone» à la gestion de l'Etat. Ces «représentants», dont les effectifs inquiètent d'ailleurs certains citoyens, montrent peu d'enthousiasme pour établir des ponts entre la base et les sphères de décision et se contentent des seconds rôles. La plupart d'entre eux sont considérés par certains analystes politiques comme des «attrapes voix» lors des élections.

Par ailleurs, le tissu social est tellement diversifé qu'il est difficile de trouver un interlocuteur représentatif chez les uns et les autres. Quelle est la matière du dialogue? Ici, en Europe, la religion est plutôt écartée du pouvoir.

Les principes fondateurs des Etats modernes sont imprégnés de démocratie et de laïcité, mais leur application est relativement rigide voire discriminatoire en matière du respect des droits de l'homme. On impose des modes de vie au nom de la liberté et on pratique une ouverture plutôt fermée voire verrouillée qui ne cesse de bafouer l'essentiel... la dignité humaine.

Le premier «étranger» de Belgique ne fut certainement pas un intellectuel mais bien un manoeuvre docile, à la merci de la bonne volonté du patron. Les générations suivantes, fruits incontestables des établissements nationaux, devaient être des citoyens sans problème. Or, il n'en est rien. Les jeunes posent problème. Leur éducation, leur scolarité et leur emploi constituent des défis majeurs insolubles avec les équations socio-politiques de droite comme de gauche.

La paix sociale a un prix. Le concept de diversité culturelle doit tenir compte des différences de références et de projets de chacun. Beaucoup d'efforts sont déployés sur le thème du multiculturalisme: la société civile foisonne de projets mais le résultat n'est pas convaincant après plus de quarante ans d'immigration.

Le débat doit donc être lancé sur des bases méthodologiques saines et claires. Exit la conception nourrie et forgée par de vieilles images ancrées dans les mémoires et les scénarios cauchemardesques.

Notre société doit refuser les injustices, à l'échelle nationale et internationale, laisser les problèmes délicats aux spécialistes, et lutter contre les exploitations génératrices de misères. Il faut aussi cesser de croire que l'autre est réfractaire à la modernité, à la démocratie, à la spiritualité et à la liberté et que sa culture est marquée négativement par la violence, l'archaïsme, l'altération ou l'erreur.

Et, enfin, il faut accepter l'accès à la modernité sans renier les fondements des cultures. Bref, donner une bouffée d'oxygène à l'avenir de notre pays: l'enfance innocente.

Par NAJIB EL MESSBAHI, Docteur en sciences, Enseignant

Source: La libre Belgique

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