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Sahara: Khalli Hanna fait sauter des verrous

L’émission «Hiwar» de mardi dernier a été un évènement. Elle marque un tournant dans la rhétorique sur le dossier du Sahara. A y penser, c’est une nouvelle approche qui prend forme. L’invité Khalli Hanna Ould Er-Rachid, président du Conseil royal consultatif des Affaires sahariennes (Corcas), y a tenu un nouveau langage qui peut surprendre à première vue. Ce sera le cas tout au long de l’émission. Ce qui conforte l’idée d’une nouvelle approche du dossier.

Lorsqu’il parle du Polisario, Khalli Hanna précise qu’il est composé de «nos frères» et non de mercenaires comme par le passé. Pendant longtemps, le Maroc s’est focalisé sur l’intégrité territoriale au détriment des populations, dira-t-il.

Il est incontestable que beaucoup de téléspectateurs s’étaient demandé s’ils étaient bien sur une télé publique marocaine tellement les invités parlaient librement de sujets jusqu’ici tabous. Ces tabous ont effectivement sauté. C’est la première fois qu’on parle de «la République sahraouie démocratique», ou encore du Polisario de manière ouverte sur l’antenne d’une télévision publique. Et ces propos n’étaient pas dans la bouche d’un néophyte. Khalli Hanna Ould Er-Rachid vient d’être nommé par le Souverain, président du Corcas, il y a moins d’un mois. L’homme est maire de Laâyoune et président de région. Il a été secrétaire d’Etat aux Affaires sahariennes dans les années 80. Il a été membre du RNI avant de le quitter pour le PND.
Donc, il a le sens politique des choses. Au cours de cette émission, il a parfaitement joué son rôle de fédérateur des différentes sensibilités sahraouies. Pour lui, il y a «un avant et un après-25 mars» (date de sa nomination). «Avant cette date, la page est tournée.

On en ouvre une nouvelle dans l’approche du dossier Sahara», martèle-t-il. D’ailleurs, au cours de l’émission, les journalistes ont tenté, en vain, de le pousser vers la confrontation avec l’Algérie. Sur ce chapitre, Khalli Hanna a pris de la hauteur et du relief politique. «L’Algérie est un pays frère. Nos voisins ont répété à maintes reprises que le conflit du Sahara oppose le Maroc et le Polisario», avait-il déclaré en substance. Celui-ci a connu Abdelaziz Bouteflika, l’actuel président algérien alors qu’il était un «brillant ministre des Affaires étrangères en Afrique et dans le monde arabe».
D’ailleurs, il caresse le projet de se rendre en Algérie pour une audience avec le président. Mais le chef du Corcas demandera le «feu vert du Souverain» avant de mettre en œuvre cette idée.

Quel langage tenir aux Algériens? Il veut les remercier d’avoir soutenu ses frères sahraouis durant toutes ces années. Aujourd’hui, il s’agit «de nous laisser discuter et dialoguer avec nos frères. Car ce pourquoi ils ont combattu existe maintenant dans la solution politique», dit-il. Ainsi, l’autonomie au Sahara est une issue qui sauve la face à tout le monde (Polisario, Maroc et Algérie). En effet, ces populations vont pouvoir gérer leurs affaires dans le cadre de la large autonomie que l’Etat marocain leur propose. Des consultations ont été menées avec les partis politiques. Il reste celles des populations sahraouies qui sont en cours. Au terme de ce processus, on pourra dévoiler la nature de l’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine.

Khalli Hanna Ould Er-Rachid pousse la logique plus loin au point d’inviter Abdelaziz Marrakchi à rentrer pour présider, s’il le souhaite, le gouvernement du Sahara dans le cadre de l’autonomie. Avec une telle stratégie, le président du Corcas ne croise le fer avec personne. Au contraire, il risque d’embarrasser Alger qui a toujours logé et financé le Polisario. Nos voisins ont même prêté leur logistique et instruments de propagande. Pourquoi se lancer dans des offensives verbales alors qu’il cherche à ouvrir le dialogue? Avec cette tactique, il applique le célèbre adage populaire qui interdit d’«insulter l’avenir».

Pendant l’émission, l’invité a dévoilé d’autres éléments de son programme d’action. Il a ainsi saisi toutes les associations à travers le monde qui accordent des aides humanitaires au Polisario, pour le soutenir dans son entreprise de réconciliation avec ses frères. Khalli Hanna Ould Er-Rachid a marqué un autre point en faisant preuve d’intelligence politique. Il a joué sur le registre psychologique en interpellant les dirigeants du Polisario, avec les surnoms et prénoms des membres de leurs familles restés au Maroc. A l’écouter, son discours fait tilt. Il touchera à coup sûr les milliers de Sahraouis qui ont suivi l’émission de l’autre côté de la frontière.

Mohamed CHAOUI
Source : L'Economiste

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