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Faut-il croire à une réforme de la Constitution marocaine

Amender la Constitution. La revendication ne date pas d'aujourd'hui. Mais le sujet est, maintenant et plus que jamais, d'actualité. Cette fois sera-t-elle la bonne ? Tous les indicateurs portent à croire que c'est bien le cas.

De plus en plus nombreux, les partisans de la réforme se font également plus insistants. Certains, l'USFP en premier, la placent à la tête de leurs priorités. Il n'y a pour cela qu'à lire la plateforme adoptée par le Conseil national de la formation d'Abderrahim Bouabid à la veille du 8e congrès, qui a eu lieu le week-end dernier. Tous sont aujourd'hui unanimes quant à l'urgence de sa modification. «Il y va de la capacité du pays à poursuivre le chemin engagé des réformes politiques», nous avait résumé Y ancien Premier secrétaire de l'USFP, Mohamed Elyazghi. Le parti de la Rose, qui appelle ouvertement à une monarchie parlementaire, compte ratisser large en mobilisant le bloc de la Koutla autour de la question. Une première consultation avec le PPS, mais aussi l'Istiqlal, est prévue dans les jours à venir. D'ailleurs, dans les rangs de ce dernier, des voix commencent à s'élever pour appeler à cette réforme. La dernière en date est celle de M'Hamed El Khalifa qui, dans une lettre adressée au secrétaire général de l'Istiqlal, le Premier ministre Abbas El Fassi en l'occurrence, appelle à voix haute à ce que nombre de dirigeants istiqlaliens souhaitent (désormais) tout bas : «des réformes constitutionnelles et politiques dans un délai rapide et à même de répondre aux aspirations de tous les citoyens qui souhaitent un nouveau texte pour une nouvelle ère».

Idem pour les islamistes du P JD. «La situation globale du pays pousse également dans ce sens, puisque le roi lui-même a parlé de la régionalisation dans son dernier, discours, ce qui présuppose une révision de ce texte», précise Abdelilah Benkirane. Le Secrétaire général du parti n'a pas manqué, dès les premières heures de son élection à la tête de la formation islamiste, d'affirmer qu'elle aura lieutôt ou tard. Le roi, lui, «sait qu'elle est nécessaire et même inévitable», dit-il. Même son de cloche du côté des mouvements des droits de l'homme et autres associations amazighes.

Si dans la classe politique qui compte, la question est tranchée, tout n'a pas encore été dit sur ce qu'il faut changer dans ce texte. Sur ce registre, chacun y va de sa note, selon ses propres intérêts. Bien qu'il existe une unanimité quant à la nécessaire modification de l'article 19, qui consacre les pleins pouvoirs au roi. Cette disposition stipule en effet que le roi, amir al mouminine, est le «représentant suprême de la nation, symbole de son unité, garant de la pérennité et de la continuité de l'Etat». Il «veille au respect de l'islam et de la Constitution.. Il est le protecteur des droits et libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités». Tout comme «il garantit l'indépendance de la nation et l'intégrité territoriale du royaume dans ses frontières authentiques». En plus clair, le roi concentre entre ses mains l'essentiel des pouvoirs et aucune vraie séparation des pouvoirs n'est établie. Le pouvoir exécutif, c'est lui. Le gouvernement n'est conçu que pour mettre en application ses directives. La réforme constitutionnelle doit-elle pour autant se limiter à cet article ? «Je ne suis pas partisan de l'idée selon laquelle la monarchie règne sans gouverner. Mais ce n'est pas pour autant que le gouvernement ne doit pas être responsabilisé et que le Parlement ne dispose pas de plus de prérogatives. Cela nous changera de la situation actuelle, voulant que le gouvernement ne se soucie que peu, ou pas, de l'appareil législatif», explique Abdelilah Benkirane. «En somme, il faut assurer les conditions de l'établissement d'une monarchie parlementaire moderne. C'est-à-dire une monarchie dans laquelle le gouvernement, issu de la majorité parlementaire, dégagée elle-même sur la base d'élections transparentes, sera le moteur de la vie publique», martèle, dans nombre de ses écrits, le professeur universitaire et constitutionnaliste Omar Bendourou.

A cela, il faudra ajouter les considérations d'ordre identitaire, à commencer par la reconnaissance
du tamazight comme langue officielle au même titre que l'arabe. Et ce n'est pas tout. Certains, et c'est notamment le cas du Pr. Bendourou, invitent également les pouvoirs publics à concrétiser, entre autres, l'attachement du Maroc aux droits de l'homme, tels qu'ils sont universellement reconnus. Cela passe par la consécration de la primauté du droit international et des droits de l'homme sur le droit interne. Les actions menées par les associations des droits de l'homme comme les recommandations d'instances dont l'IER (Instance Equité et Réconciliation) vont dans le même sens. La question qui s'impose est : que gagnerait la monarchie à une révision de la Constitution? Les intervenants sont unanimes : le passage d'une monarchie absolue vers une monarchie parlementaire et démocratique, c'est-à-dire une monarchie moderne.

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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