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Elections régionales: Nagia Safini une Soussia à l'UMP

Dimanche 21 Mars 2004, la France élira ses conseillers régionaux et entammera ainsi une année électorale chargée avec les européennes en Juin.
Cette première échéance cantonale et régionale s'annonce sous le signe de l'abstention. Les franco-maghrébins échaudés par le Parti Socialiste durant les décennies 80 et 90, ont subit une grande désillusion suite à l'éviction de nombreux candidats franco-maghrébins UMP.
Pourtant l'ombre du Front National plane toujours et se fait de plus en plus menaçante. Aujourd'hui plus que jamais, il est difficle d'être d'origine maghrébine et surtout de confession musulmane.

Pour donner l'exemple et conduire aux urnes les franco-marocains nous avons essayé de contacter des candidats d'origine marocaine. Mission difficile pour ne pas dire impossible. Néanmoins une jeune femme, mère de famille, née en France et d'origine du Souss, candidate UMP de la région Ile de France a accepté de répondre à nos questions pour que ces jeunes français trompés par le PS, lachés par la droite, n'oublient pas de voter... même si ce n'est pas pour l'UMP.

YABILADI : Bonjour Nagia, pouvez vous vous présentez pour nos internautes.
Nagia SAFINI :
Je m’appelle Nagia SAFINI, j’ai 34 ans.
Je suis mariée et mère de trois enfants de cinq, dix et douze ans.
Je suis ce que l’on a coutume d’appeler une « beurette » car mes parents sont originaires du Maroc (du Souss) et je suis née en France, dans le 93.

Cela fait maintenant trois ans que je fais de la politique, depuis que j’ai été élue conseillère municipale aux Pavillons sous Bois (93).

Pour ce qui est de mon parcours professionnel, j’ai d’abord fait des petits boulots après avoir échoué à mon bac économie. Ça a été d’abord Mc Do, ensuite un premier enfant puis de l’accueil dans des associations puis une formation de secrétariat médical, mon deuxième enfant. J’ai alors fait le choix de me former pour avoir un vrai métier. J’ai fais une formation d’auxiliaire de puériculture ce qui m’a permis d’être embauché à l’issus du concours au Conseil Général du 93. Après avoir travaillé trois ans et demi et fait mon troisième enfant, j’ai décidé de continuer à me former pour pouvoir accéder à un poste à responsabilité (directrice de crèche). Aussi j’ai décidé de me remettre dans de longues études et j’ai fait l’école d’infirmières. Je suis donc infirmière diplômée depuis décembre dernier et je fait actuellement une spécialisation dans la petite enfance pour être puéricultrice.

YABILADI : Vous êtes mère de 3 enfants, exerçant un métier difficile (Infirmière), quelles sont les raisons de votre engagement en politique?
Les raisons de mon engagement politique sont assez simples en somme. Je pars du principe qu’il y a des gens qui décident de ce qui est bon pour nous. J’ai subi cela depuis que je suis toute petite et on m’a toujours dit que je devais accepter et me taire. En grandissant et en m’investissant dans la vie de ma commune, j’ai compris que n’importe quel citoyen à droit à la parole et peut faire partie de ceux qui décident. Surtout quand ce sont des décisions qui sont prises au niveau local et qui nous touchent donc de près.
Cela dit c’est vrai que cumuler travail, enfants, vie de famille et politique n’est pas simple. Mais si on s’en donne les moyens et que l’on persévère, on peut arriver à gérer, c’est une question d’organisation.

YABILADI : Pourquoi avez-vous choisi l'UMP, alors que traditionnellement, les enfants de l'immigration vont à gauche? la chasse gardée du PS est bel et bien terminée?
Je suis à l’UMP parce que ce parti politique m’a laissé la possibilité de m’exprimer et a entendu mes idées.
Comme tous les enfants d’immigrés, j’ai d’abord été tenté par le parti socialiste mais j’en suis vite revenue. J’ai eu une mauvaise vision de la gauche quand j’habitais dans une ville où était ancré le socialisme. En effet, à chaque fois que j’étais amenée à questionner le maire de cette commune pour des raisons notamment de sécurité à la crèche ou lors de problèmes à l’école de mes enfants, d’une part il m’a prise pour une imbécile en pensant que je ne comprenais pas ce qu’il racontait et d’autre part, pour lui les solutions ne tombe certes pas du ciel mais en tout cas pas de lui. Aussi face à cet immobilisme, j’ai alors pris conscience que nous, fils et filles d’immigrés, nous ne naissons pas avec un chromosome ou un gène socialiste et que nous pouvions nous retrouver aussi dans l’UMP.
Donc oui, c’en est bien fini avec la chasse gardée du PS.

YABILADI : Comment un femme maghrébine comme vous, trouve sa place dans un parti conservateur (UMP) qui est constitué majoritairement d'hommes bien installés dans l'appareil?
Il est vrai que tout n’est pas rose, et que toutes les idées qui circulent au sein de l’UMP ne sont pas les miennes. Mais pour ma part, lorsque Philippe Dallier, Maire des Pavillons sous Bois est venu me trouver pour me demander d’être sur sa liste pour les dernières municipales, ses critères ont été d’abord la compétence, l’efficacité et l’envie de « faire bouger les choses ». Il est vrai qu’il m’avait vu à l’œuvre un an auparavant en tant que présidente des parents d’élèves de l’école de mes enfants. En effet, j’avais organisé le blocage de la route nationale 3 qui borde l’école suite à un accident dont avait été victime un des écoliers.
Ceci dit, cela a été aussi difficile pour mes collègues élues femmes qui ont dû autant que moi se faire une place au sein du conseil municipal.
Mais là encore le fait d’être pleinement soutenue par le maire et ainsi de ne pas avoir à justifier ma place d’élue, fait que les choses se passent petit à petit dans la plus grande sérénité.

Il en est de même pour ma place sur les listes régionales ! Mon parcours professionnel, personnel, le fait que je sois mère de famille, que je travaille, que je sois en formation professionnelle fait que je représente une grande partie de la population francilienne et pas que les beurs. Je n’ai pas besoin de me justifier. Je me considère a égalité avec mes colistiers. La seule chose que je prends en compte est la différence d’expérience en politique.


YABILADI : Vous arrive-t-il d'essuyer quelques remarques? En d'autres termes est-ce-que votre présence dans cette section de l'UMP, amène les militants à changer de regard et parfois de discours?
Je pense que les militants de la section ont changé le regard qu’ils portaient sur les personnes issues de l’immigration. Il est vrai que certaines choses doivent se dire, mais jusqu'alors, on ne m’a jamais manqué de respect et j’ai toujours eu de très bon rapport, et avec les élus, et avec mes colistiers. Cela ne m’empêche pas de dire ce que je pense quand j’en ai envie !
L’attitude des gens qui me côtoient en politique me laisse à penser qu’ils tiennent compte de mes origines (mais pas dans le mauvais sens du terme). Ils en font de même face aux femmes qui sont plus nombreuses maintenant.

YABILADI : Qu'avez vous à dire à une communauté musulmane traumatisée par les débats actuels en France? beaucoup vont bouder les urnes.
Pour ce qui est de la communauté musulmane, je tiens à la féliciter d’abord. En effet, je trouve cette communauté courageuse et je suis fière d’y appartenir. Et elle a d’autant plus de courage qu’elle sait, dans sa plus grande partie, se maîtriser face aux attaques dont elle est victime.
Cela dit, il ne faut pas non plus tout laisser dire ou faire et se taire. Mais nous sommes dans un pays qui compte une communauté musulmane qui dans sa majorité ne se reconnaît pas dans les extrêmes qui aujourd’hui font beaucoup de bruit et ternissent son image. La majorité des Français musulmans sont en phase avec la république, qui n’ont de soucis que de vivre paisiblement dans un pays qui est désormais le leurs. Pays qui a vu naître et grandir leurs enfants, ne l’oublions pas.
Aussi je suis convaincue que la voie électorale, d’une part, grâce à une représentation des français issus de l’immigration, et d’autre part, grâce à une mobilisation de tous (surtout les jeunes) pour aller voter me parait être le meilleur moyen de se faire entendre.
Jusqu’au 21 avril 2002, on pensait que voter était un geste anodin et que les voix se perdaient dans la masse. Mais aujourd’hui il faut que les électeurs aillent voter car chaque voix compte. Quand je tracte sur les marchés on me dit parfois « Non, je voterais pas pour vous ! Je sais pas pour qui je vais voter et si je vais y aller ! » Eh bien je leurs réponds « Allez voter, allez voter. Votez pour qui vous voulez mais il est important de s’exprimer. De faire entendre sa voix ! »
Et n’oubliez pas que quoi que vous votiez, vous en prendrez pour six ans !

Quelque soit le vote de chacun en son âme et conscience, qu’il soit sanction ou soutien, il est important que tous les français issus de l’immigration vote pour montrer leur force, montrer qu’ils existent et qu’ils ont les mêmes droits que tous les autres citoyens. C’est pour cette reconnaissance que je me bats. Le 21 mars cela fera quatre ans que mon père nous a quitté ma mère, mes frères et sœurs et moi. Il disait toujours que nous étions en France comme des invités et qu’il fallait bien se tenir et ne jamais « salir notre place et notre nom ». Aujourd’hui nous ne sommes plus « des invités », nous sommes chez nous. Mais cela ne doit pas nous empêcher de respecter nos compatriotes quels qu’ils soient afin de se montrer digne de l’héritage que nous avons reçu de nos parents.

Rachid - Yabiladi

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