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Les miracles de l'arganier

Un fruit donnant une huile exceptionnelle, des coopératives offrant de nombreux emplois...

« Avant, je ne possédais pas un sou. Je devais demander de l'argent à mon mari ou à mes enfants qui de toute façon me disaient toujours qu'ils n'en avaient pas », explique Fadma. « Je peux maintenant aller chez le médecin quand j'en ai besoin et acheter ce qu'il me faut avec mon argent », enchaîne Fatima. À l'instar d'une cinquantaine d'autres femmes, Fadma et Fatima ont acquis une relative indépendance financière depuis qu'elles travaillent à la coopérative Ajddigue (« fleur », en amazigh). Créée en 1997 au milieu de l'arganerie de Tidzi, un faubourg qui a poussé il y a une quinzaine d'années à 23 km d'Essaouira en direction d'Agadir, cette coopérative n'emploie que des femmes. « À l'exception du gardien », précise Samra, l'une des deux gérantes.

La plupart habitent les douars voisins, mais certaines doivent marcher pendant quarante-cinq minutes avant d'arriver sur le lieu de travail. Payées au kilo d'amandes obtenu après concassage du fruit de l'arganier, elles touchent un revenu mensuel oscillant entre 1 000 et 1 200 dirhams (entre 100 et 120 euros), sans compter un intéressement aux bénéfices de la coopérative qui produit environ 200 litres d'huile par an. La moitié est destinée à la consommation alimentaire, l'autre à des usages cosmétiques.

Trois fois par semaine, les employées de la coopérative, berbérophones pour la plupart, suivent des cours d'alphabétisation. Elles apprennent à déchiffrer l'alphabet arabe et à compter. Et, pour permettre aux mamans de venir travailler, une crèche est en cours de construction au sein de la coopérative.

Ajddigue n'est que l'une des structures du groupe Targarine, projet mis en place par Zoubida Charrouf, une chimiste d'une cinquantaine d'années qui a transformé sa passion pour l'arganier, auquel elle a consacré une thèse soutenue en 1991, en une formidable aventure humaine et sociale. Comment est né son intérêt pour cet arbre ? « L'arganier ne pousse qu'au Maroc, explique cette enseignante à la faculté des sciences de Rabat. Il constitue par ailleurs le dernier rideau vert contre la désertification. En outre, il joue un rôle économique et social important. Près d'un million de personnes vivent grâce à lui. »

Le problème est que l'on a assisté à une régression des superficies où pousse cet arbre, parce que les habitants des régions arganières, « parmi les plus pauvres du Maroc », préféraient cultiver des tomates ou de la banane, qui s'avèrent plus rentables.

Pour permettre la préservation de cette espèce en voie de disparition, Zoubida Charrouf a eu une riche idée : créer un système de coopératives grâce au soutien d'un ensemble de partenaires nationaux et internationaux. La première, Amal, a vu le jour en 1996 à Tamanar, dans la région d'Essaouira. Elle emploie 250 femmes et a réalisé 2,2 millions de dirhams (environ 200 000 euros) de chiffre d'affaires en 2004. Le groupement d'intérêt économique Targanine, qui compte 1 300 employées, cinq coopératives de production d'huile et soixante autres spécialisées dans le concassage du fruit, a, lui, enregistré un chiffre d'affaires de 6 millions de dirhams.

Targanine écoule ses produits sur le marché national mais aussi à l'étranger. La maison de l'argan à Bordeaux, Nutrition Act au Japon ou encore Antanais Corp. en Suisse figurent parmi ses clients. Pour autant, Zoubida Charrouf ne se repose pas sur ses lauriers. Elle parcourt la planète pour faire connaître l'arganier. Au sein d'Origin, organisation regroupant plus de cent producteurs du monde et dont Targanine est membre depuis cette année, elle milite pour réorganiser la filière de manière à obtenir un label AOC (appellation d'origine contrôlée). L'objectif ? Donner à cette huile une plus grande valeur, et un emploi à près d'un million de personnes.

FADWA MIADI
Source : Jeune Afrique

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