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Retraites: Un nouveau réquisitoire de la Banque mondiale

De toute urgence, une réforme du système de retraite s’impose. Attendre est l’erreur à ne pas commettre si l’on veut maîtriser les déficits et ne pas voir la situation échapper à tout contrôle.

Le chek-up effectué par la Banque mondiale, qui vient de remettre la version définitive de son rapport: «Les retraites au Maroc: Vers une stratégie de réforme intégrée» est plus inquiétant. Il confirme les constats dressés depuis plus de 10 ans et récemment, par le Comité de suivi des études actuarielles. La valeur ajoutée de ce énième rapport est «d’identifier les problèmes qui ont été négligés en termes de diagnostic et de discuter les aspects liés à l’exécution avec plus de détails».

Le système bute sur la faible couverture: 21% de la population active sont couverts par un système obligatoire de retraite. Ce pourcentage est le plus faible de la région Mena. Cette situation s’explique par le fait que 55% de la population active travaille dans le secteur agricole. Solution proposée: inciter les travailleurs indépendants, qui ont la capacité d’épargner à adhérer au système.

Pour l’institution internationale, les régimes obligatoires accumulent des dettes implicites importantes. La Caisse marocaine de retraite (CMR) et la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) vont épuiser leurs réserves dans les 10 à 15 années à venir. Le Régime collectif d’allocation des retraites (RCAR) n’échappe pas à la menace. A long terme, il connaîtra également des difficultés financières. Cette situation est attribuée à la générosité des systèmes. «Les taux de rendement réels implicites sur les cotisations que paient les
régimes, de 5 à 10%, sont au-dessus des niveaux soutenables».

Même dans l’hypothèse d’une absence de vieillissement de la population, le système de retraite ne serait pas sorti. Si le statu quo est maintenu, les générations futures seront pénalisées.
Les experts de la Banque mondiale proposent de réduire les prestations futures ou d’augmenter les taux de cotisation pour garantir le paiement des retraites. Une répartition de l’effort avec les générations actuelles est souhaitable.
Ce scénario est difficile à mettre en place. Face à la charge qu’un accroissement des taux de cotisation pourrait engendrer, les entreprises basculeront vers l’informel.

L’institution internationale revient à la charge sur les formules des prestations et les conditions actuelles d’accès à la retraite. Elles faussent les décisions d’épargne et l’offre de travail, tranche-t-elle. Pire, elle serait nuisible à la croissance. Surtout que les taux de remplacement sont généreux et découragent donc la diversification de l’épargne affectant ainsi le développement des produits d’épargne de long terme, souligne le rapport.

Dans le cas de la CNSS par exemple, le recours à un taux de remplacement maximum «incite à la retraite plutôt qu’au travail». La Banque mondiale estime que les conditions d’accès à la retraite et les formules de prestations peuvent pousser à une manipulation stratégique des salaires et/ou à parier sur le système. Certaines personnes sous-déclarent leurs salaires pendant longtemps avant de gonfler leur déclaration à quelques années de la retraite. D’autres font de l’évasion avant de retourner au système quand ils sont près de la retraite. «Les personnes qui suivent ces stratégies reçoivent les taux de rendement les plus élevés».

Sur la régulation et la structure de gouvernance des caisses de retraite, la Banque mondiale n’y est pas allée par le dos de la cuillère. Elle critique en des termes peu habituels leur politique d’investissement et des placements.

Selon les auteurs du rapport, les réserves des régimes obligatoires, qui correspondent à 14% du PIB, n’obéissent pas à une politique d’investissement alignée sur les pratiques internationales. «Il est donc possible que les fonds ne soient pas gérés au mieux des intérêts des membres du plan».

Les critiques visent surtout l’usage des fonds en tant que source exclusive de financement par le secteur public. En participant directement au marché, les gestionnaires des caisses publiques peuvent décourager les investisseurs privés.

Le management de ces organismes n’est pas à l’abri des pressions politiques. Surtout que le gouvernement nomme les membres des conseils d’administration et y est également représenté. Et «les organes délibérant ne sont pas non plus tenus d’être des experts dans la gestion des caisses». Ils n’ont pas l’expérience nécessaire pour statuer sur certains dossiers.

Côté transparence de l’information, l’Institution internationale recommande l’amélioration des rapports et la publication de l’information, notamment le rapport des auditeurs externes. Elle fait aussi allusion à l’absence d’un cadre formel de réglementation et de supervision des caisses de retraite.

Khadija MASMOUDI
Source : L'Economiste

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