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La musique urbaine marocaine en plein essor

La musique urbaine prend de l'ampleur et réalise un succès de plus en plus croissant. Faisant salle comble, une vingtaine de groupes entre RAP, RNB, Hip hop prennent d'assaut la scène artistique.

Pour cause, leur impact sur le paysage artistique est tellement tangible. En effet, leur style a complètement chamboulé l'échiquier artistique au profit d'une jeunesse qui trouve dans cette nouvelle vague musicale une bouffée de liberté et un moyen d'expression plus fiable à la place d'une culture officielle paralysée et d'un style traditionnel totalement désuet.

D'aucuns la surnomment aussi musique alternative ou actuelle. En dehors des appellations, personne ne peut nier aujourd'hui le succès de ce nouveau style artistique. D'une part, il y a les concerts qui se multiplient et attirent un immense public. D'autre part, il y a les spots publicitaires qui se servent de ces jeunes groupes pour cibler la jeunesse. Et enfin, les acteurs politiques, qui cherchant à séduire cette catégorie de la population, font appel à ces formations musicales pour animer des soirées.

Ce succès n'est pas le fruit du hasard. « C'est le résultat de l'enchevêtrement de plusieurs facteurs », nous explique Mohamed Mghari alias Momo, l'un des fondateurs du Boulevard des jeunes musiciens, 100% consacré à la musique urbaine et qui a, sans conteste, participé à l'émergence de cette alternative musicale.

Et lui d'argumenter « Elle a réussi à faire d'une pierre deux coups en conjuguant à merveille les styles universels et la musique du terroir qui, malheureusement, a été folklorisée et ringardisée par la culture officielle ». Cet avis est partagé par Hicham Abkari, membre du jury du concours Motorola Music Awards. Ce dernier souligne que : «ce nouveau style musical ne s'inscrit pas dans une tradition restée coincée et figée. Elle émane, plutôt, d'une conception subversive qui ne s'embarrasse pas des normes et des règles. C'est un style en perpétuel changement et découlant des recherches musicales. Ce qui rejoint et colle parfaitement avec la personnalité des jeunes qui sont eux aussi constamment en recherche de soi ».

L'usage de la Darija, en tant que langage de la rue accessible à tout le monde, a contribué à la réussite de cette nouvelle vague musicale, confirme Momo. La jeunesse marocaine s'y retrouve grâce à l'usage des termes et d'un langage qu'elle comprend et qu'elle utilise au quotidien, un langage cru, ôté de tout ornement et reproduisant l'anxiété d'une jeunesse souffrant du mal-être.

Ce mariage entre la darija et ce nouveau style musical justifie, entre autres, le triomphe de la musique urbaine. Toutefois, explique H. Abkari, « il faut souligner que c'est une erreur de prétendre que la musique alternative est la première à se servir de la darija. La musique traditionnelle l'utilisait bien avant. Sauf que l'ancienne musique s'exprimait en darija poétique c'est-à-dire le zajal, alors que la seconde utilise le langage de tous les jours et dans lequel les jeunes s'y identifient pleinement».

Par ailleurs, le choix des thèmes et des questions abordés par cette tendance musicale la rend populaire et la propulse au devant de la scène artistique. C'est une musique qui lutte à contre courant. « Elle est plus proche des préoccupations quotidiennes des jeunes, cette catégorie de population qui ne trouve plus sa place dans le paysage musical officiel» déclare Momo. Ces sujets sont puisés dans la vie quotidienne des jeunes. C'est une musique qui leur donne la parole pour s'exprimer et donner leur avis sur toutes les questions qui les taraudent notamment la vie politique, l'immigration, le terrorisme. Hicham Abkari estime qu': « il est fini le temps où en parlait de la bien aimée. Aujourd'hui, ce sont les problèmes qui angoissent et préoccupent la jeunesse marocaine qui surgissent ».

Toutefois, l'avenir de cette musique se pose avec acuité. S'agit-il d'un phénomène éphémère ? Aura-t-elle un avenir ? Où est ce uniquement une vague qui échouera face à d'autres qui naîtront plus tard ? Les réponses sont unanimes : « Cette musique a de l'avenir car elle colle à la réalité et au quotidien. C'est aussi une musique qui évolue. Si elle a survécu ailleurs, pourquoi elle ne survivra pas au Maroc ? » rétorque Momio. Abkari ne le contredit pas. «En terme de musique, il y a toujours un avenir. La preuve est que même les autres styles comme Rock'n roll, le blues ont perduré. Certains restent, d'autres disparaissent. L'essentielle, c'est que cette musique n'est pas figée et qu'elle apporte constamment du nouveau. »

Une chose est sure, cette nouvelle vague musicale a chamboulé la scène artistique marocaine remettant, à tout jamais, en question certaines évidences. Cette musique, affirme Abkari, « a permis aux spectateurs de repenser la musique, d'amorcer des réflexions et de revoir la démagogie prédominante qui considère que l'identité marocaine est toujours liée à l'identité arabe. Cette musique est conçue comme une ouverture vers d'autres cultures. Cela a ébranlé certains privilégiés d'une catégorie artistique qui monopolisait la scène et tenait « L'ascenseur bloqué ».

Soumia Yahia
Source: Al Bayane

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