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Quand l'éléphant était tout petit

Une équipe de chercheurs franco-marocains vient de décrire (1) des restes d'animaux, tout petits, mais qui pourraient pourtant compter parmi les ancêtres de l'éléphant (proboscidiens).

Les fossiles ont été nommés Phosphatherium escuilliei. Référence aux mines de phosphates des Ouled Abdoun dans lesquelles ils ont été mis au jour au centre du Maroc. Ils appartenaient à un petit mammifère qui est l'un des plus anciens ongulés jamais révélés en Afrique et qui vivait il y a 55 millions d'années, c'est-à-dire à l'éocène inférieur. Grâce aux éléments de squelette bien conservés (crânes et mâchoires), les scientifiques ont pu reconstituer la tête de l'animal, qui tient dans la main. Et ont vu que sa taille corporelle ne devait pas dépasser celle d'un renard.

«Cela signifie que même les éléphants ont commencé petits», relève Pascal Tassy, professeur au Muséum (MNHN) et coauteur de l'étude. «Leur présence dans ces gisements de phosphates reste pourtant inespérée», précise Emmanuel Geeherbrant, chercheur au CNRS-Muséum, premier auteur de l'étude et «inventeur» de Phosphatherium. En effet les phosphates sont des dépôts d'une mer peu profonde qui était riche en vertébrés marins. Ils avaient jusqu'à présent livré une grande variété de requins, de raies, de reptiles et de crocodiles fossiles. Les restes d'éléphants ont vraisemblablement flotté jusque-là, mais ces animaux vivaient un peu plus loin dans l'arrière-pays, dans un milieu forestier tropical.

La reconstitution de l'animal est très importante pour l'étude de l'origine et des parentés des éléphants (proboscidiens) et des ongulés dont les relations sont actuellement controversées. Elle appuie l'hypothèse de l'existence d'un grand groupe d'ongulés africains qui rassemble les actuels damans, proboscidiens (éléphants) et siréniens (lamantins, dugongs). Et indique probablement que ces groupes convergent avec l'ordre des périssodactyles (chevaux, tapirs, rhinocéros) qui vivaient au nord de la mer de Thétys, dans des terres qui sont aujourd'hui l'Asie, l'Europe et l'Amérique du Nord.

Grâce aux ossements mis au jour, les scientifiques ont pu voir les caractères archaïques de ces premiers éléphants. Ils ne possédaient ni trompe ni défenses. Pourtant quelques-uns des traits de leur face et de leur crâne sont déjà éléphantins. Notamment le développement important du maxillaire qui forme une partie de l'arcade zygomatique et le bord inférieur de l'orbite. Et la morphologie d'un os de l'oreille moyenne (le pétreux). En outre, l'incisive centrale inférieure qui est agrandie, indique peut-être un premier stade d'individualisation de défenses. A l'inverse, la morphologie des molaires coupantes dites lophodontes évoque plutôt celle des tapirs et montre que les premiers proboscidiens mangeaient sans doute des feuilles (follivore). Par la suite, des formes plus évoluées d'éléphants montreront des molaires broyeuses, dites bunolophodontes.

Une convention de recherche multidisciplinaire sur la paléontologie des vertébrés des phosphates marocains devrait être signée mercredi prochain à Paris entre le Muséum, plusieurs universités marocaines et l'Office chérifien des phosphates. Cette convention annonce la création d'un musée à Khouribga, dans le centre du Maroc, à environ une centaine de kilomètres de Casablanca.

(1) Revue Geodiversitas, juin 2005.

Source: Le Figaro

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