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Enquête interactive : Le retour au Maroc, entre rêve et réalité

Le retour au pays, voilà un sujet passionnant qui anime la majorité des débats entre marocains de l’étranger. Pendant que les marocains de l’intérieur ne pensent qu’à déserter par mer, terre et air ce même Maroc. D’où vient ce paradoxe ? De la nostalgie pour les uns, l’eldorado pour les autres ? Du « chacun voit midi à sa porte » ? Pas si simple ! Si le départ de nombreux marocains vers l’étranger passionne toute la société, leur retour au pays laisse perplexe et bouscule les schémas établis, y compris chez les marocains de l’extérieur eux même. La crise post 11 septembre, le racisme décomplexé dans une Europe de plus en plus conservatrice, une pseudo-éclaircie politique et sociale d’un Maroc à la croisée des chemins sont des facteurs nouveaux qui ravivent la question du retour. Nous avons voulu en savoir plus en interrogeant les internautes qui pour la plupart ont vécu le mythe du retour des premières générations, plus de 4100 ont répondu à notre enquête. Analyse.

Le retour définitif au Maroc s’invite de plus en plus dans les débats chez les marocains de l’extérieur, à la question « que représente le retour définitif pour vous », ils sont 43% à considérer cela comme une « éventualité crédible ». Pour Brunette les dés sont jetés « je veux revenir vivre au Maroc au milieu de tout ce que j'aime et tous ceux que j'aime, pas besoin d'y réfléchir encore ». En effet, pour les marocains ayant grandi au Maroc les liens affectifs et familiaux pèsent dans la balance « avantages/inconvénients » du retour. Voir sa progéniture grandir et s’épanouir dans son pays d’origine est aussi un facteur important, pour Mustapha c’est « Oui a 100%, j'y pense de plus en plus. Nous allons avoir notre premier bébé, et on espère lui construire un avenir au Maroc. Si tout va bien le retour se fera dans 2 ou 3 ans, le temps de mettre en place un projet et surtout avant que notre futur enfant ne s’attache à la vie en France ». Cette passion pour le Maroc n’empêche pas le réalisme « mon rêve c'est de pouvoir réussir au Maroc bien sûr pour ma famille et surtout j'aimerai être utile à mon pays. Je sais que ce n’est pas facile (corruption, lenteur administrative etc.) mais je suis confiant ». Dounia pointe l’attentisme d’une partie qui hésite à franchir le pas « beaucoup attendent que le Maroc se développe tout seul pour se décider à revenir ».

Au delà des questions économiques, les questions identitaires et culturelles constituent un facteur essentiel dans la réflexion du retour. Les séquelles du débat permanent sur l’immigration sont profondes. Les questionnements autour du « qui sommes nous » n’ont fait que s’amplifier après le 11 septembre et l’exacerbation des peurs. Nadia, ne passe pas par quatre chemins pour crier son désarroi « Nous sommes français de papier mais nous ne sommes pas français de corps même si on est nés en France » et clame son attachement pour le pays qui lui ressemble « Alors je le dis haut et fort, Maroc je t’aime car tu me ressemble et je te ressemble ».

Le désir de renouer avec les racines et de sauvegarder l’identité marocaine participe de cette volonté « si on reste ici, nos enfants resteront ici, et les enfants de nos enfants. Pour certains les racines seront coupées » résume Mustapha. Le devoir envers la terre des ancêtres revient dans plusieurs témoignages « Si on reste ici, c’est comme si on ferme les yeux, c’est comme " une non assistance à pays en danger" le notre, le Maroc, le pays de nos parents, grand parent et arrière grand parents » tempête un internaute. Le désir de participer au développement du Maroc anime beaucoup de jeunes issus de l’émigration, l’effervescence qui agite la société civile marocaine ne laisse pas les jeunes de l’autre rive indifférents. Mustapha prend acte et appelle à l’action « On regarde notre pays avec des jumelles et on se plaint de ce qu’on voit, mais on a tous, si on se donne la peine la possibilité d’apporter notre contribution avec les nombreux marocains qui se battent au quotidien sur place pour offrir un avenir meilleur à notre jeunesse. Il y a des gens formidables au Maroc qui s’occupent des enfants des rues, des femmes isolées.... on peut si on se donne les moyens apporter notre pierre à l’édifice pour réduire certains fléaux. La corruption et autres maux de la société peuvent être réduits si tous les marocains du royaume ou d’ailleurs sont convaincus qu’il faut agir ».

Pour 27%, il s’agit plus d’un rêve voir d’une utopie. Le désir ne manque pas mais la concrétisation paraît lointaine. La peur de l’échec est alimentée par les mauvaises expériences relatées dans tous les débats sur le retour. Hicham concède que « C'est une décision qui nécessite beaucoup de courage. On a tous entendu parler de ceux qui sont rentrés et ont été très déçus et pensent à plier bagage ou l'ont déjà fait » mais reconnaît « On entend aussi parler de ceux qui sont rentrés et ont très bien réussi leur retour ».

La situation économique semble être le frein essentiel au passage à l’acte, les enfants de l’immigration n’ont pas oublié les raisons qui ont poussés leurs parents au déracinement. Dans les pays d’accueil, l’immigration s’est enracinée et produit ses classes moyennes, malgré les discours médiatiques sombres. Il devient donc plus difficile d’abondonner cette « zone de confort social » ou perçue comme telle, et de rebâtir dans un pays peu connu pour la plupart des enfants nés hors du Maroc.

Le système « marocain », son administration, sa justice en décourage plus d’un. La conscience collective de l’immigration est façonnée par l’image du « douanier » posté à l’entrée du Maroc. Cette image a hanté l’esprit des jeunes et des moins jeunes et ce malgré les récentes améliorations considérables.

15 % des sondés ne se sentent pas concernés par la question du retour. Leur diagnostic est très sévère sur le Maroc. Adil pense que « le retour des nouvelles générations est aussi fantasmagorique que l'était celui de nos parents. Car le Maroc d'aujourd’hui nous l’imaginons plus que nous ne le connaissons » avant d’ajouter que « le climat planétaire envers les musulmans est peut être un facteur à nourrir ce rêve de retour au pays. Sauf que la politique économique et sociale du Maroc est dictée par le FMI (la banque mondiale) ou les intérêts de notre pays ne sont même pas traités en arrière plan et tant qu'il en sera ainsi, notre pays ira de mal en pis et nos frères ainsi que nous mêmes chercherons à quitter le Maroc plutôt qu'à y revenir! » Mais Adil ne se fait pas d’illusions sur l’évolution des démocraties européennes « l'hostilité ambiante envers l'arabe, le musulman, n'est autre que la prise de conscience par les pouvoirs en place que le pouvoir dans ces pays devra forcement être partagé ». L’injustice sociale, la corruption, la loi du plus fort sont des facteurs repoussoirs à en croire les différents témoignages.

6 % ont déjà franchi le pas du retour, parmi eux Leila qui rétorque avec rage et parfois avec excès « Mais ouvrez un peu les yeux, le Maroc est certes un pays en voie de développement, mais il est aujourd'hui en pleine croissance, il a de l'ambition, il s'ouvre au monde... et la France quant à elle est en pleine décadence, elle sombre économiquement, creuse sa dette et se renferme sur elle-même » avant de relater son expérience personnelle « Gamine j'ai imprimé à l'encre indélébile les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité comme bon nombre de mes compatriotes issus de l'immigration, j'ai collectionné les diplômes dans la plus grande insouciance et la tête pleine de projet d'avenir en France... Aujourd'hui quand j'allume ma télé, j'entends les politiques me dire à demi-mot: "ah tu sais au fait Leila, Liberté, Egalité, Fraternité, c'était juste pour rire nous on est beaucoup trop attaché au principe d'exclusion. ... Le Maroc avance lentement mais sûrement et moi je m'envole bientôt pour contribuer à son essor, y a plein de choses motivantes à faire au Maroc... Pourquoi rester ici sous perfusions sociales en attendant patiemment que Sarko nous fasse « gazer » en 2007...Réveillez-vous c'est maintenant où jamais qu'il faut se casser!!! »

Enfin, Maya qui vit au Maroc résume le sentiment des 9% (des sondés) qui ont toujours vécu au Maroc « moi je vis au Maroc et je sens que je peux pas m’en passer, je ne peux pas vivre dans un autre pays que le Maroc parce que ici je me sens chez moi ».

Rachid - Yabiladi.com

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