Auteur: Enea Silvio Piccolomini Pape Pie II

1453 : Constantinople tombe aux mains des Turcs. 1461 : Mahomet II occupe Sinope et Trébisonde. Rien ne semble devoir arrêter la progression de l’Empire Ottoman. Face à cet adversaire redoutable, et à l’univers religieux dans lequel il puise sa force, faut-il à nouveau prêcher la guerre sainte, ou faut-il composer ? Enea Silvio Piccolomini, devenu depuis 1458 le Pape Pie II, choisit d’écrire. Dans une lettre adressée au Sultan, il lui propose un marché : la légitimation de son autorité sur l’empire qu’il s’est conquis, contre sa conversion à la vraie religion. Le ciel - peut-être !- contre la terre qu’il a déjà… Car pour offrir le ciel, encore faut-il l’avoir, et prouver que l’Islam n’y conduit pas ses fidèles ; que le sultan, pour cela, a besoin des Évangiles. Piccolomini, grande figure de la Renaissance italienne, est un brillant homme de plume, un intellectuel qui n’est entré dans les ordres qu’à près de quarante ans ; toute son érudition latine l’aidera-t-elle à combattre un Coran qu’il ne connaît, comme tout le monde romain, que par des versions tronquées et partisanes ? Cette confrontation âpre, impérieuse, à la croyance de l’autre est pourtant la seule solution qui reste avant l’appel à la croisade ici, au djihad là-bas. Elle est aussi un enjeu considérable dans l’évolution de la pensée religieuse en Europe, qui ne saurait se comprendre en dehors de ses rapports avec l’Islam. La Lettre au sultan Mahomet II n’est donc pas seulement le lieu d’un rendez-vous manqué, d’un duel imaginaire entre le Prince de l’Église et le chef de l’Empire Ottoman ; c’est également l’un des grands textes de la pensée religieuse du Quattrocento.