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Fuir Gaza sous les bombardements d’Israël, le calvaire d’une mère marocaine

Mère de deux filles de moins de 10 ans, la ressortissante maroco-palestinienne Mona* a dû fuir son domicile situé dans la bande Gaza, en espérant que la guerre actuelle ne coûte la vie ni à elle, ni à ses proches. Deux semaines après avoir traversé la frontière égyptienne, la cheffe de famille se confie à Yabiladi sur son calvaire.

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Jusqu’à la veille du 7 octobre 2023, Mona* a vécu avec son mari et ses deux filles dans la ville de Gaza. Pour avoir déjà été témoins de guerres dans la bande, ils savent qu’aucune ne les a jusque-là mis sous la contrainte de quitter leur foyer, leur terre, entreprendre un périple de deux mois et enfin traverser la frontière vers l’Egypte, à l’issue d’une épreuve atroce de lutte pour leur survie, contre vents et marées, mais surtout à rebours des bombardements israéliens continus.

Issue d’une famille originaire du Maroc, Mona est la fière descendante des nationaux qui ont quitté leur pays, il y a plusieurs siècles, pour rallier la Palestine où ils ont participés aux combats contre les croisés, aux côtés du fondateur de la dynastie ayyoubide, Salaheddine al-Ayyubi. Etant aujourd’hui binationale, la mère de famille a pu quitter la bande de Gaza, en passant par le poste frontière de Rafah.

Dans son entretien téléphonique avec Yabiladi, Mona, installée temporairement au Caire, rappelle comment tout a commencé. «Nous vivons dans la ville de Gaza. Lorsque la guerre a commencé, nous avons été sommés par les forces israéliennes d’évacuer la ville et de nous diriger vers le sud», nous dit-elle.

Mona, son mari et leurs deux filles ont été l’une des premières familles déplacées de Gaza, peu après le début de la guerre. «Nous avons tout laissé derrière nous. Nous n’avons pris qu’un peu d’argent, nos passeports et un vêtement de rechange pour chacune de mes filles», confie la mère de famille.

Même en quittant son domicile, la ressortissante ne s’attendait pas à ce que la situation prenne une tournure aussi tragique. Alors que certains membres de sa famille ont été tués dans les bombardements israéliens qui ont visé Gaza, Mona et sa famille ont pu rallier le sud. Mais même en tentant d’échapper à une mort certaine dans la ville, elle a fini par se rendre compte que ce voyage périlleux était également loin d’être sans danger.

Un déplacement long, dangereux et épuisant

Le périple vers Rafah a été long, dangereux et épuisant, dans les conditions les plus inhumaines. «Nous avons d’abord fui vers al-Wusta [un gouvernorat de la bande de Gaza, ndlr]. Nous avons essayé de trouver refuge auprès de quelques membres de notre famille, le tout sous les bombardements israéliens», raconte Mona, qui a dû survivre avec ses proches dans les rudes conditions de l’accès limité à l’eau, à l’électricité, à Internet et au réseau téléphonique.

«Nous devions payer l’eau potable pour pouvoir survivre, cela coûtait très cher (…). Pendant toute cette période, je ne pouvais pas joindre les autres membres de ma famille, qui étaient encore à Gaza. Par moments, les messages que j’envoyais ne leur parvenaient que deux jours plus tard.»

Mona

C’est dans ces conditions éprouvantes que la petite famille a dû continuer son chemin, de moins en moins sûr, vers le sud. «Quand on nous a dit d’aller vers cette zone-là, nous avons pensé que nous serions plus en sécurité. Mais en réalité, nous avons fui sous les bombardements israéliens et nous avons été encerclés par les raids», explique Mona.

Avec ses deux filles âgées de 8 et de 5 ans, elle a dû finalement quitter al-Wusta pour Khan Yunis. Dans les mêmes conditions, la Gazaouie a dû se contenter de ce qu’elle a pu avoir pour  maintenir en vie. «Il y a eu des moments où nous nous sommes retrouvés entassés à 200 personnes dans la même maison ou refuge, sans eau courante, sans électricité et surtout sans sentiment de sécurité», a-t-elle raconté à Yabiladi.

«Nous avions l’impression d’être dans le couloir de la mort, les prochains sur la liste», a encore déclaré Mona, qui a été inscrite avec plusieurs autres Gazaouis portant la nationalité marocaine pour être rapatriée.

«Lorsque nous avons quitté Gaza pour la première fois, nous ne pensions pas que nous finirions à Rafah. Nous ne nous attendions pas à ce que la guerre soit aussi longue et cruelle. Mais quand nous avons réalisé que les choses ne faisaient qu’empirer, que ma vie et celle de ma famille étaient en danger, nous avons décidé d’y aller pour être rapatriés.»

Mona

Une traversée tant attendue

Après un voyage périlleux jusqu’à Rafah et des semaines d’attente sur la liste des nationaux à rapatrier, Mona et sa famille ont finalement pu traverser de l’autre côté de la frontière.

«Il a fallu attendre encore. Au début, nos noms n’étaient pas sur la liste des Marocains à rapatrier via Rafah. Je vérifiais les nouvelles chaque jour. Nous étions dans l’attente, dans des circonstances terribles. Nous étions inquiets aussi que mon nom soit sur la liste sans que je n’en sois informée, vu qu’il n’y avait ni réseau, ni Internet.»

Mona

Près d’un mois après s’être inscrite au rapatriement parmi les ressortissants marocains à Gaza, la jeune maman a enfin trouvé les noms de ses deux filles sur la liste d’attente. «J’ai eu de la chance, ce jour-là : j’avais Internet, alors j’ai vérifié depuis mon téléphone et j’ai découvert que les noms de mes deux filles figuraient sur la liste. Leur père et moi avons pu traverser la frontière avec elles, en tant que tuteurs légaux», a déclaré Mona, qui est arrivée saine et sauve au Caire, il y a deux semaines.

A Gaza, le domicile familial a en revanche été partiellement détruit. Les voisins qui ont pu retourner dans la ville pendant la trêve du 24 novembre dernier ont indiqué à la mère de famille que son appartement au sixième étage avait été démoli en partie, à la suite d’une frappe israélienne.

Gardant toujours l’espoir de retourner à Gaza, Mona reste cependant inquiète pour les autres membres de sa famille, qui n’ont pas pu faire la traversée. «Nous souhaitons bien sûr voir plus clair, concernant le futur. Mais nous sommes toujours confus et perdus. Nous attendons nos proches qui sont restés dans la bande de Gaza. Ils sont également marocains et ils attendent toujours d’être rapatriés. Certains parmi eux ont même perdu des petits-enfants dans les bombardements», a-t-elle déploré.

Avec tout ce qu’elle a vécu, Mona se dit reconnaissante d’avoir pu rester en vie jusqu’à quitter la bande de Gaza, où elle est née. Elle espère encore y revenir ou voyager au Maroc, où elle garde à aujourd’hui des attaches familiales très fortes.