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Ukraine : Les étudiants marocains entre le dilemme du rapatriement et la continuité de leur cursus

Depuis le regain de tensions entre la Russie et l’Ukraine, les étudiants marocains établis dans le pays bénéficient de la possibilité d’un rapatriement, grâce aux vols organisés à cet effet par la Royal air Maroc et Air Arabia. Mais les universités peuvent poser certaines conditions.

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Opération de rapatriement des étudiants et résidents marocains en Ukraine / Ph. Ambassade du Maroc à Kiev
Temps de lecture: 4'

En Ukraine, nombre d’étudiants marocains ont pu bénéficier de vols de rapatriements pour regagner leur pays d’origine, dans un contexte de regain de tension entre Kiev et Moscou. Le week-end dernier, l’ambassade du Maroc en Ukraine a recommandé à ses ressortissants de quitter le pays, par mesure de précaution. Mardi, Air Arabia a indiqué qu’un deuxième vol pour les Marocains résidents en Ukraine sera opéré entre Kiev et Tanger, le 16 février à 03h45. Un troisième est prévu le 17 février, à 05h25.

Ce mardi matin, un avion de la compagnie aérienne a déjà atterri à l’aéroport Ibn Battuta de Tanger, avec 99 étudiants marocains à bord. Les passagers ont été soumis au dépistage de la Covid-19 à leur arrivée, conformément au protocole sanitaire préventif. En Ukraine, le personnel de l’ambassade du royaume s’est rendu à l’aéroport international de Borispol, pour faciliter les démarches de retour au pays, dans le cadre d’une mobilisation en faveur des ressortissants.

La majorité des rapatriés est constituée pour le moment d’étudiants, mais tous n’ont pas encore entrepris leur départ. Certains restent indécis en raison du manque de visibilité sur la suite de leur cursus, ou pour éviter un décrochage en restant malgré les risques et surtout les inquiétudes des familles.

Des étudiants rassurés de leur retour

Etudiante en quatrième année de pharmacie l’Université de médecine d’Etat à Dnipro (sud-est de l’Ukraine), Douha a déclaré à Yabiladi ce mardi que «les cours se sont déroulés normalement aujourd’hui», mais qu’elle se prépare à quitter le pays dans le cadre des prochains vols de rapatriement. L’étudiante estime que malgré les tensions avec la Russie, «la situation actuelle en Ukraine est normale pour le moment, y compris dans l’enceinte des universités». En revanche, les étudiants étrangers, du fait de l’éloignement, vivent les événements difficilement, tout comme leurs proches. «Les parents sont effrayés par les nouvelles diffusées sur les réseaux sociaux», a confié Douha, selon qui «l’Université à Dnipro a compris la situation et a tenu une réunion» avec les concernés.

«Les responsables de l’université ont communiqué avec nous. Ils ont répondu à toutes nos questions et nous ont laissé quitter l’Ukraine pour notre santé mentale et celle nos parents. Mais l’un des problèmes est aussi que d’autres établissements n’ont pas permis cela à leurs étudiants, car ils estiment que la situation ne nécessite pas de panique.»

Douha, étudiante

L’étudiante a souligné que parmi ces établissements, «certains ont dit aux concernés que s’ils quittaient le pays, ils seraient expulsés  car les études se poursuivent ; ne pas y assister sera considéré comme une absence». Pour que cette catégorie d’étudiants puisse regagner le Maroc sans craindre pour l'année universitaire, «les doyens des universités doivent donner leur accord, mais sur la base d’un courrier de l’ambassade marocaine», qui n’aurait pour le moment pas encore écrit aux établissements, selon Douha.

Cela dit, cette dernière reste rassurée au niveau de son établissement. «Nous n’avons plus peur tant qu’il y a une solution. S’il y a un danger pour nous, nos universités ne nous abandonneront pas, comme cela s’est produit en 2014», a-t-elle estimé. «Je voudrais surtout dire aux parents que vos enfants sont en paix et qu’ils ne risquent pas de s’inquiéter si les Ukrainiens eux-mêmes ne paniquent pas», considère encore l’étudiante.

Des indécisions sur la suite du cursus des étudiants étrangers

Etudiant en quatrième année de médecine dentaire à l’Université de Zaporizhzhia, au sud-est de l’Ukraine également, Walid n’a pas encore de visibilité sur son départ du pays. Au sein de son établissement, les étudiants comme lui ont été autorisés à regagner le Maroc, mais à condition de revenir dans deux à trois semaines si les cours s’organisent toujours de manière régulière, afin de garantir leur place. En attendant que son établissement tranche définitivement, il ne sait pas encore s’il opte pour un retour au Maroc.

«L’Université a pris acte de nos inquiétudes et de celles de nos parents. Il a été convenu que des cours à distance peuvent être suivis, le temps de notre retour au Maroc, mais notre retour est requis, si les tensions avec la Russie n’évoluent pas vers une situation nécessitant une interruption de l’enseignement dans les écoles et les facultés.»

Walid, étudiant

«Nos camarades ukrainiens ne semblent pas aussi inquiets et préoccupés, mais il faut dire que lorsqu’on est étudiant étranger, qu’il y a un éloignement familial important et qu’on ne parle que de tensions entre l’Ukraine et la Russie dans les médias internationaux, la situation est forcément vécue de manière différente», nous a-t-il confié. «Cela dit, nous ne voyons pas réellement les prémices d’une guerre annoncée, du moins à Zaporizhzhia», a nuancé l’étudiant.

«Aujourd’hui encore, nous ne voyons pas un déploiement exceptionnel des forces de l’ordre ukrainiennes dans les rues, que ce soit la police ou l’armée», a affirmé Walid. «Il est vrai que les inquiétudes se sont ressenties, lorsque l’armée russe a été mobilisée au niveau de la frontière, mais Moscou a annoncé ce mardi que ses soldats se retiraient de la zone ; si nous étions à deux doigts d’un conflit armé entre les deux pays, je pense que les choses se seraient passées autrement», a-t-il indiqué, restant dans l’expectative.

Dans ce contexte, les étudiants ne sont pas les seuls à rester dans l’attente, puisque le pays compte aussi de nombreux nationaux installés depuis plusieurs années. De leur côté, les Etats-Unis ont décidé de fermer temporairement leur ambassade dans la capitale ukrainienne pour délocaliser leurs opérations à Lviv, à 70 kilomètres de la frontière avec la Pologne, le temps de connaître l’évolution des tensions dans les jours à venir.