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Diaspo #197 : Djamila Ouaki, une brigadier-cheffe qui se distingue à Marseille

Djamila Ouaki gravit les échelons de la police française, depuis 2001. Femme, musulmane et d’origine maghrébine, elle a intégré cette institution au moment où peu de personnes issues de l’immigration, encore moins des femmes, accèdent à cette institution.

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Djamila Ouaki décorée par Gérald Darmanin / DR.
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En mai dernier, la brigadier-cheffe Djamila Ouaki a été décorée chevalier de l’Ordre national du mérite, pour ses efforts et son travail dans la gestion du commissariat du 13ème arrondissement de Marseille, qui couvre une population de 92 000 personnes. Elle a reçu cette médaille de la part du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans les locaux du commissariat. Les policiers de son grade n’ont jamais accès à ce genre de récompenses, ce qui lui fait doublement honneur. Elle nous confie que désormais, cette distinction constitue pour elle le plus beau souvenir de sa vie.

C’est pour elle «une fierté» aussi en tant que femme française d’origine maghrébine, qui a tracé son chemin dans une institution sécuritaire et qui renvoie une image déconstruisant les idées reçues sur les Français issus de l’immigration et sur la police à la fois. «C’est d’autant plus une fierté, qui nous rappelle que quand on veut, on peut. J’ai intégré la police au moment où il y avait moins de femmes qu’aujourd’hui», a-t-elle déclaré à Yabiladi.

Aujourd’hui, elle estime en effet qu’il y a plus de diversité dans les différents services de police, mais aussi plus de femmes, qui font preuve d’une grande efficacité. En témoigne sa distinction nationale en reconnaissance à son travail à la tête du commissariat de «l’arrondissement le plus grand de Marseille».

Une redynamisation dans le plus grand arrondissement de Marseille

Grâce à Djamila Ouaki, le commissariat a été redynamisé et une nouvelle organisation s’est mise en place, au niveau sécuritaire du 13ème arrondissement de la ville. En plus de constituer des moments forts de sa vie, la police en tant que métier a toujours été le rêve de Djamila. «Depuis toute petite, j’ai rêvé d’intégrer soit l’armée soit la police, ma mère était fière de moi et m’encourageait beaucoup», nous raconte-t-elle.

Née à Toulon d’une mère marocaine et d’un père d’origine algérienne, Djamila Ouaki a réalisé un premier pas vers son rêve, lorsqu’elle a intégré l’école de police après son baccalauréat. Un an plus tard, elle devient gardienne de la paix. Chaque examen pour gravir les échelons au sein de la police a nécessité une grande préparation. Elle se rappelle qu’en 2001, elle a fait partie de la brigade des mineurs en Seine-Saint-Denis. Elle a rejoint un nouveau service à Marseille, puis elle a travaillé à Mayotte avant de revenir à Marseille.

«A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de policiers d’origine maghrébine, mais le fait d’y avoir accédé était une façon de montrer que l’émigration a du bon. On représente dignement la France, le Maroc et le Maghreb. Nous sommes respectueux de la nation et c’est une fierté de dire que nous sommes d’origine marocaine.»

Djamila Ouaki

En arrivant à Marseille, l’avantage de Djamila Ouaki a été sa capacité à pouvoir interagir aisément avec les jeunes marocains et algériens, arrivés dans la cité phocéenne en parlant l’arabe uniquement. Ce sont ses deux années passées au Maroc, durant son enfance, qui lui ont permis de maîtriser la langue. Pour des raisons familiales, Djamila et ses quatre frères et sœurs ont dû suivre leur mère à Casablanca, sa ville d’origine où elle a fait l’école française, avant de repartir une nouvelle fois pour Toulon.

Sa capacité à être proche des différentes composantes de la société plurielle du 13ème arrondissement de Marseille est puisée aussi dans les valeurs transmises par sa mère. «Feu ma mère travaillait beaucoup dans l’humanitaire auprès du consulat du Maroc à Marseille. J’ai eu la chance de la voir fournir des efforts colossaux pour acheminer du matériel et des produits médicaux vers le Maroc, des chaises roulantes et des béquilles. Le personnel du service consulaire me témoigne souvent des actions de ma mère», se souvient-elle fièrement.

Dans un arrondissement fait de cités, de quartiers résidentiels et de 11 comités d’intérêt de quartiers qui interagissent avec les différentes autorités locales, les valeurs familiales de Djamila lui ont donné une importante capacité d’adaptation, bien qu’elle ait une lourde responsabilité. «Je gère le commissariat, donc nous commençons tôt le matin et nous terminons tard le soir. Je suis aussi mariée et mère de deux enfants de 8 et 12 ans, mais nous arrivons à concilier les choses», assure-t-elle.

Un travail en interaction avec le tissu local

Pendant le confinement, la tâche principale de la police au niveau local a été de surveiller l’application des mesures sanitaires préconisées par le gouvernement. «En plus de protéger les gens contre les infractions en temps normal, nous devions les protéger contre le virus», se souvient-elle. Au niveau sanitaire comme sécuritaire, social et local lié à la vie quotidienne, Djamila travaille aussi avec la maire des 13ème et 14ème arrondissement de la ville, la députée et les élus «grâce à qui ce travail peut se faire».

Les défis restent tout aussi quotidiens, à commencer par celui de la lutte contre la drogue et les stupéfiants à Marseille. Djamila est consciente que le travail de la police est un métier à risque, surtout, dit-elle, «lorsqu’on est face à des personnes armées, qui peuvent tuer ou qui mettent à mal la religion musulmane pour tuer des policiers, comme dernièrement».

«La religion de ces personnes n’est pas la nôtre et c’est à nous, policiers français de confession musulmane, de montrer que ce sont ces gens-là qui sont dans l’erreur et qui font honte à leurs origines.»

Djamila Ouaki

Ayant gardé un lien fort avec ses origines marocaines justement, Djamila Ouaki a eu l’habitude de venir au Maroc plusieurs fois par an, avant que la crise sanitaire ne change la donne. «Cela fait longtemps que je ne suis pas revenue à Casablanca. J’attends impatiemment de récupérer quelques papiers et de pouvoir y revenir bientôt, pour me rendre aussi à la tombe de ma mère qui est enterrée à Rbiaat (Tlat Sidi Bennour)», nous confie-t-elle. Souhaitant exhausser une dernière volonté de sa maman, la policière nous confie aussi avoir comme projet de construire un puit dans la région.