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FIFM 2019 : «Last visit», un film saoudien 100% masculin

En clôture samedi soir, le Festival international du film de Marrakech (FIFM) a été marqué par la distinction d’opus qui ont conquis le public et le jury à la fois. Contre toutes les attentes, le prix du jury est revenu à «Last Visit» du Saoudien Abdulmohsen Aldhabaan, ex æquo avec «Mosaic Portrait», du chinois Zhai Yixiang. Un film saoudien résolument masculin, où les femmes ont été totalement absentes de l’écran.

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Une partie de l'équipe du film saoudien Last visit, prix du jury au 18e FIFM / DR.
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Un film sans femmes. C’est ce qui peut résumer en une phrase «Last visit» (Dernière visite), premier long-métrage du réalisateur saoudien Abdulmohsen Aldhabaan. Si une catégorie du «film qui exclut les femmes le plus» était admise en festival, il en aurait décroché le Graal. En effet, cet opus s’est brillamment distingué par son scénario exclusivement masculin et sa direction d’acteurs peu réussie, ou en tout cas assez absente pour laisser apparaître une forme de surjeu.

La non-communication au sein de la famille, les réunions familiales révélant les tensions intergénérationnelles, le déchirement et les péripéties d’un clan qui perd son pilier (le père de Nasser), tout a pu être imaginé sans aucune intervention de femme, même non-apparente. C’est ce qui fait une particularité assez problématique de ce long-métrage, qui a reçu le prix du jury au FIFM, au même moment où cette 18e édition clôturée le 7 décembre a été marquée par la présentation d’une étude associative pour un cinéma plus égalitaire et plus ouvert sur les questions de genre.

Un choix entre politique et programmation filmique

Une déception pour les uns, une source de consternation pour les autres, un film à encourager d’après la décision du jury, «Last visit» ne peut laisser indifférent, de part ses mises en scènes parfois forcées. Un film qui a grandement choqué des critiques de cinéma, qui ont fait part de leur incompréhension sur le choix cinématographique de l’inclure non seulement à la programmation du festival, mais même à la compétition officielle.

«C’est la chose qui m’a choquée le plus dans ce festival», déclare à Yabiladi Ahmed Boughaba, critique de cinéma qui a assisté à différentes projections de films dans le cadre de ce FIFM. «Dans un festival international, ce sont les considérations cinématographiques qui doivent primer lorsqu’on sélectionne des long-métrages. On ne peut pas choisir un film juste pour faire plaisir à un pays et intégrer en premier lieu des considérations qui ne relèvent pas du champs artistique», explique-t-il.

«Certains se targuent à présenter l’Arabie saoudite d’aujourd’hui comme étant en plein changement, mais ce dernier est bien loin de se traduire dans sa production cinématographique, qui est même aux antipodes de cette image véhiculée politiquement à travers ce film.»

Ahmed Boughaba, critique de cinéma

En effet, «Last visit» est présenté comme s’inscrivant dans une forme de nouvelle vague de cinéma dans la région du Golfe. En revanche, il ne donne pas l’exemple, contrairement à des films précédents où réalisateurs et scénaristes se sont distingués à l’internationale avec leur audace en intégrant des actrices et en révélant de jeunes talents saoudiens.

Voulu comme un film sur le fossé entre les générations, l’opus d’Abdulmohsen Aldhabaan ne s’y inscrit malheureusement pas, malgré les arguments des défenseurs de ce long-métrage qui y verraient presque «un choix délibéré de ne pas montrer de femmes pour mieux illustrer un milieu fermé».

«C’est dire comment la simple absence de femmes (il n’y en a pas une à l’écran) en dit long sur la difficulté de communication entre les hommes dans les cultures patriarcales profondes. Toutes ces situations seraient-elles adoucies par des mères ou des sœurs jouant le rôle de médiateurs ?», a précédemment écrit Cine Europa à propos du film. Ce dernier a-t-il ainsi sa place en sélection internationale de festivals ?

Pour Ahmed Boughaba, ce ne serait pas véritablement le cas au vu de platitude du scénario et de son détachement de certaines évolutions cinématographiques. Il a pu décrocher certaines mentions dans le cadre de précédentes rencontres du septième art, mais le public cinéphile marrakchi ne l’a pas pour autant apprécié.