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L’autre récit de Mahjoub Salek #8 : «Le Maroc doit convaincre 45 000 Sahraouis de la marocanité du Sahara»

Dans cet entretien en épisodes, Yabiladi part à la rencontre de Mahjoub Salek, l’un des fondateurs du Polisario, qui évoque la création du Front, sa fuite des camps de Tindouf, puis la génèse de «Khat Achahid» en 2004.

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Mahjoub Salek, membre-fondateur du Polisario puis fondateur de Khat Achahid / Ph. Mehdi Moussahim (Yabiladi)
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Après avoir évoqué l’action de «Khat Achahid» à Tindouf et ses raisons de ne pas rentrer définitivement au Maroc, Mahjoub Salek revient enfin sur l’avenir du mouvement qu’il a initié. Dans ce dernier épisode de notre entretien avec l’ex-membre fondateur du Polisario, celui-ci nous fait part également de son regard sur la situation actuelle des provinces du Sahara.

A son départ de Tindouf durant les années 1970, Mahjoub Salek nous raconte ainsi avoir laissé «des terres arides et des campements de fortune». Mais à son retour à Dakhla et à Laâyoune, «ces villes sont devenus méconnaissables, mais cette évolution est naturelle». Ceci dit, un élément a attiré son attention plus que tout. «Le Maroc n’a jamais permis aux Sahraouis de gérer leurs affaires politiques eux-mêmes».

Trouver une autre manière de fédérer

Selon notre interlocuteur, «nombre d’instances civiles et militaires dans le Sahara sont guidées par des responsables marocains du Nord. Jusqu’à aujourd’hui, il n’existe pas une seule université dans le Sahara, alors que c’est dans l’enceinte académique que s’exprime l’évolution et la révolution culturelle».

Par ailleurs, Mahjoub Salek relève le rôle du Maroc dans la formation et l’éducation des jeunes, notamment dans les provinces du Sahara. Il nous l’explique ainsi : «Je me suis réuni avec des dizaines de lauréats des universités dans le Sud et je leur ai affirmé que lorsqu’on essaye de coloniser les gens, on les laisse d’abord dans leur ignorance car non ne peut pas avoir la mainmise sur un esprit formé.»

Cependant, l’ex-membre fondateur du Polisario insiste sur «l’importance pour le Maroc de réviser avec courage sa vision sur la politique, afin de permettre aux Sahraouis de défendre réellement leur cause». Et d’ajouter :

«Personnellement, je suis gêné lorsque le Maroc évoque la question de l’unité territoriale. Si vous vous en préoccupez tout en excluant les citoyens, cela signifie que vous voulez les richesses et le phosphate de la région. Ce n’est pas de l’unité territoriale si cela n’implique pas une certaine éthique.»

Intégrer les Sahraouis dans la prise de décisions politiques

Pour toutes ces raisons, Mahjoub Salek considère que «le Maroc doit absolument chercher une autre manière de fédérer les Sahraouis». Il souligne alors qu’«en tant que Sahraouis, Marocains et Algériens, nous devons être conscients que malgré toutes nos différences, nous sommes condamnés à vivre ensemble ou à nous anéantir ensemble, qu’on le veuille ou non. Notre destin est ainsi et nous devons être conscients de cette vérité».

Quant au retour du Maroc au sein de l’Organisation de l’union africaine (OUA), Mahjoub Salek considère qu’«il s’agit d’un coup de maître», car cet espace a longuement été laissé à l’Algérie et au Polisario uniquement.

«Aujourd’hui, les choses ont changé, constate notre interlocuteur. Ça a eu un grand impact sur les décisions prises par l’organisation et même sur la terminologie qui y est employée. Par exemple, on n’utilise plus des termes du registre d’ ‘occupation’, ‘zones occupées’…»

Mahjoub Salek

En revanche, le militant estime que le Polisario a pu faire une récupération des récentes décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant les accords de pêche et d’agriculture car «le Maroc a fait l’erreur de ne pas laisser les Sahraouis se charger du dossier». Ainsi, «plutôt que de prouver au monde que le Sahara est marocain, le pays gagnerait à convaincre les 45 000 Sahraouis vivant dans ces provinces et inscrits sur la liste électorale de la MINURSO, qui ressence plus de 80 000 Sahraouis.»

L’avenir de «Khat Achahid»

Concernant le regard de Mahjoub Salek sur le futur du mouvement qu’il a initié, «Khat Achahid», il nous indique que l’esprit et l’idée avec lesquels l’association est née resteront vivants à jamais. «En tant que mouvement construit à partir du Polisario et porteur des valeurs de dialogue pour consacrer la démocratie, ‘Khat Achahid’ a pu convaincre les Sahraouis de ces idéaux», affirme-t-il.

Par ailleurs, notre interlocuteur rappelle que depuis sa création en 2004, le mouvement ne vit encore que des propres moyens de ceux qui le portent. Il conclut ainsi :

«Nombre d’organisations et d’Etats nous ont contactés. Si nous réussissons à trouver des financements de la part de pays frères, nous pèserons véritablement face au Polisario qui sera gêné par cette présence. Dans le cas contraire, ‘Khat Achahid’ restera en tout cas l’idée de cet idéal démocratique, car les idées ne meurent jamais.»