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Liberté de la presse : Les médias en ligne au Maroc entre «répression» et «nouvelles formes de censure»

Ce mardi, l’Institut international pour l’action non-violente (Novact) a présenté dans les locaux de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) son étude, «Les médias en ligne au Maroc et le journalisme citoyen : Analyse des principales limites à un environnement favorable». L’occasion de dresser un bilan, sombre, de la situation des médias en ligne à la lumière du nouveau Code de la presse.

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Photo d'illustration. / DR
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Au Maroc, «si la liberté de la presse n’existe pas pour la presse écrite (…), elle est très restreinte pour les médias en ligne». C’est ce qui ressort des conclusions de l’étude réalisée par l’Institut international pour l’action non-violente (Novact), présentée aujourd’hui dans les locaux de l’Association marocaine des droits humains (AMDH). Le projet entre dans le cadre «Octets sans frontière : pour la défense, la protection et la promotion de l’espace numérique», réalisé par l’AMDH et financé par le Fonds des Nations unies pour la démocratie (FNUD).

Une liberté «soumise à la volonté du système du pouvoir»

L’étude se penche sur les médias en ligne au Maroc, des dernières années du règne de feu le roi Hassan II au mouvement du 20 février, en passant par les premières années du règne du roi Mohammed VI et les attentats de Casablanca en 2003. Ses auteurs, Jesús García Luengos et Laurence Thieux analysent les principales limites d’un environnement favorable aux médias en ligne et au journalisme citoyen. L’étude pointe du doigt une «liberté de la presse soumise à la volonté du système du pouvoir» et des pressions «internes comme externes» exercées sur les médias en ligne.

«Malgré les promesses successives et les discours prononcés en faveur de ces libertés, le fait est qu’aujourd’hui la liberté de la presse n’existe pas pour la presse écrite. Elle est très restreinte pour les médias en ligne dans un espace délimité par les classiques lignes rouges auxquelles de nouvelle nuances et variantes se sont greffées. En même temps, l’autocensure est la norme et la pleine liberté de critère est une exception.»

L’étude détaille ensuite les lacunes enregistrées dans plusieurs domaines liés à la presse en ligne. Ses rédacteurs insistent d’abord sur la notion de journalisme citoyen ; une nouvelle forme d’expression qui fleurit à l’ère des réseaux sociaux et des blogs, bien qu’absente du Code de la presse et de l’édition. Ce journalisme «tente de se frayer un chemin dans ce milieu hostile», observent Jesús García Luengos et Laurence Thieux. Un environnement «où se multiplient de nouvelle formes de répression et de menaces (…) et où abondent la pollution informative, la diffamation continue, l’espionnage et les cyber attaques».

Ahmed El Hayej, président de l'AMDH en compagnie de Laurence Thieux, mardi 12 septembre 2017 à Rabat. / Ph. DRAhmed El Hayej, président de l'AMDH en compagnie de Laurence Thieux, mardi 12 septembre 2017 à Rabat. / Ph. DR

Insuffisances du Code de la presse et nouvelles formes de censure 

D’ailleurs, le document évoque longuement le Code de la presse et de l’édition. Si l’étude se félicite que «la liberté de la presse sous format électronique [soit] recueillie pour la première fois» dans ce code, la «déclaration préalable du site d’information» auprès du procureur du roi est critiquée. Citant les experts et les organisations de la société civile, le rapport estime que «cette condition ne devrait pas être exigée». L’obligation pour les médias en ligne de s’enregistrer sous le domaine «.ma» pour bénéficier des cartes de presse et des subventions publiques est aussi pointée du doigt, tout comme les terminologies floues employées dans le texte. 

«La normative adopte une approche vague et superficielle s’agissant de la question des droits des journalistes et les conditions de l’exercice de la liberté de la presse, et des droits d’expression et d’édition (…) La question la plus critiquée est le maintien de la possibilité de peines de prison pour un journaliste pour une action commise dans le cadre de l’exercice de sa profession.»

Et ce n’est pas tout : l’étude critique également les «sanctions économiques très élevées» mais surtout le libre arbitre de la justice de faire appel au Code pénal au lieu du Code de la presse et de l’édition. Sur ce point, l’étude reconnaît, citant le recensement des violations de la liberté de la presse, que «de nombreux journalistes et activistes ont été poursuivis pour des délits de droit commun».

Autre réalité dont souffrent les médias en ligne au royaume : «Les nouvelles formes de répression et de censure exercées par l’Etat.» L’étude souligne la création, par les agents de l’Etat, de sites d’information «dont la mission est de diffamer et de contrecarrer l’information critique vis-à-vis du régime». 

«Recours fréquents à la diffamation, incrimination pour des délits de droits communs, surveillance des personnes, menaces, espionnage informatique, répression des initiatives de formation des journalistes citoyens… Des mesures qui servent toutes le même objectif : l’éradication du journalisme indépendant ou le renforcement de l’autocensure», conclut l’étude.