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Rachida Belliard: Pertinence d'une femme marocaine en France

Pertinence: un mot important pour Rachida Belliard, RME vivant en Ile de France. Après un parcours des plus atypique elle se retrouve à la tête de sa propore entreprise spécialisée en Conseil et Formation des Ressources Humaines: PERTINENCE.

Elle vient de recevoir une distinction au Trophée France-Maghreb lors de la deuxième Convention France-Maghreb à Paris le lundi 13 Janvier 2003.
De Meknès à Paris que de chemin parcouru.
Pour le plaisir de nos lecteurs, elle a bien voulu répondre à nos questions...avec pertinence.


M.E : Bonjour, pourriez-vous brièvement vous présenter (nom, prénom, âge, profession...) ?

Rachida BELLIARD
Née EL KHOULTI-ABOUKHADIJA à Méknès
45 ans
Fondatrice et directrice du développement de la société PERTINENCE


M.E : Quel est votre parcours ? Vous avez grandit au Maroc ?

Oui, j'ai grandi au Maroc et j'en suis partie à l'âge de 23 ans.
J'ai obtenu mon Bac à Méknès et j'ai entamé une licence de littérature Française à Fès.
En 1978, l'Institut National des Sports Moulay Rachid a ouvert son concours aux femmes et en tant que sportive née, je l'attendais avec impatience.
J'ai fait partie de la première promotion féminine, nous étions 3.
J'ai quitté l'Institut National des Sports Moulay Rachid pour rejoindre l'UREPS Paris Lacretelle, où j'ai obtenu mon Professorat de sport.
J'ai exercé le sport pendant 2 ans en tant qu'animatrice sportive dans la ville de Bagnolet et j'ai décidé en parallèle de valider mes UV en psychologie et en communication, ce qui m'a permis d'obtenir une Licence en Psychologie et un DESS en Communication.

En 1983, j'ai intégré le Groupe Bernard JULHIET en tant que superviseur.
(Groupe leader à l'époque dans le domaine du conseil, de la communication, formation et télémarketing).
J'ai quitté ce groupe au bout de 3 ans pour rejoindre le Groupe Actiphone en tant que Responsable de la Production. (Groupe leader dans le domaine du marketing relationnel).
Actiphone avait implanté à Paris en 1986 le premier centre d'appels avec bien évidemment la technologie de l'époque. Le balbutiement de la téléphonie reliée à l'informatique. C'était une très belle réussite qui a engagé les autres entreprises du même domaine d'activité à évoluer.

En 1990, je rejoins le Groupe OBEA pour créer et diriger sa filiale de conseil en stratégie de marketing relationnel et formation «TELQUEL».
En 1993, je rejoins l'agence OCELOT, spécialisée en communication directe, en qualité de directrice de clientèle.

Et en Février 1995, je décide de satisfaire mon ambition et je fonde la société PERTINENCE. (Conseil en Gestion des Ressources Humaines et Formation)


Comment avez-vous ressentie votre émigration et votre arrivée en France ?

J'ai très bien vécu mon arrivée en France car je l'avais choisi.
De plus elle a été facilitée par, le fait que j'avais déjà deux frères établis à Paris. Ils m'ont bien évidemment accueilli et soutenu.


Vous avez rebondi en changeant totalement de secteur d'activité. Pourquoi ce revirement "brutal" ?

Il n'est pas aussi brutal que vous l'imaginez. C'est plutôt une sage adaptation au contexte.
J'ai rebondi parce qu'étant de nationalité Marocaine à l'époque, je ne pouvais pas exercer le sport au sein de l'Education Nationale, il fallait être de nationalité Française.

La formation au Professorat de sport est complète et intéressante, car elle offre plusieurs débouchés. Professeur de sport, médecin du sport, psychologue dans le domaine du sport, entraîneur, nutritionniste, etc...
De plus l'obtention de mes diplômes en psychologie et en communication, m'a permis de me réorienter sereinement. J'étais convaincu que ma volonté de réussir, mon état d'esprit sportif et mon goût du défi, me permettraient de mener à bien tout projet.


Les centres d'appels ont le vent en poupe au Maroc. Quelle est votre vision sur ce secteur et quels sont les atouts du Maroc ?

Ce secteur est très porteur et son évolution est constante.
Le Maroc offre tous les avantages, économiques, humains et technologiques nécessaires au développement des Centres de Relation Client. Il a tout à gagner en favorisant le développement de ce secteur d'activité.

1- Les potentialités de la jeunesse Marocaine en terme d'aptitudes,
« ouverture d'esprit, maîtrise des langues étrangères, curieuse de tout et assoiffée d'apprentissage et de savoir, aimant et favorisant le goût de la relation », quant à la qualification, elle s'acquiert, grâce aux actions de formation spécifiques offertes par l'entreprise et à l'expérience des salariés dans ce domaine.

2- Sa majesté Mohammed VI que dieu l'assiste a inscrit les métiers de
nouvelles technologies de l'information et de la communication parmi les axes de développement de notre pays et le Maroc mène aujourd'hui une stratégie, active et dynamique, pour promouvoir ce secteur d'activité.

3- Les coûts faibles (je parle bien évidemment du change de devises en plus des salaires) par rapport aux pays européens.
Nous avons là, autant d'atouts incontestables pour conduire notre pays dans son chemin de progrès.

Je suis ravie et fière que les investisseurs étrangers choisissent mon pays d'origine pour leur implantation ou délocalisation.
Pour ma part, en tant experte dans le domaine de la relation client en face à face et au téléphone, je le leur conseille, à chaque fois que j'en ai l'occasion.

La preuve en est qu'en l'an 2000, j'ai participé à la mise en place du premier Centre de Relation Client (gérant des appels pour des pays étrangers) à Rabat et qu'aujourd'hui, il en existe plus d'une trentaine au Maroc, en l'espace de deux ans.
Nous avons là un excellent ratio.

Sans comptabiliser les entreprises Marocaines, (puisque nous parlons
d'investisseurs étrangers), qui ont compris l'importance stratégique d'un tel service au sein de leur entreprise.
Je prends pour exemple ma collaboration avec la société Credor en 1996 déjà, pour la création de son CRC. Cette entreprise a été pionnière dans ce domaine.

De plus, notre pays pourra capitaliser ces expériences pour améliorer la qualité de notre service en interne et en externe à travers nos entreprises marocaines et nos administrations. Nous avons effectivement un défi stimulant à relever.

Au début de ma carrière professionnelle et encore aujourd'hui d'ailleurs, j'étais stupéfaite de constater le pourcentage (60 à 70%) que représentait la population maghrébine dans ce métier. Les raisons sont celles que je viens de citer.

Le Maroc est à 2 heures 30 par avion de Paris, l'occasion est là, saisissons là.
Les entreprises Européennes sont à la recherche de partenaires professionnels, dynamiques et proactifs et notre pays doit être ce partenaire incontournable.

Dans les pays européens et notamment en France nous assistons à une pénurie des salariés, qualifiés pour ce domaine d'activité.

Ceci étant les entreprises ont leur part de responsabilité. Elles ont manifesté, un engouement pour l'investissement technologique et elles ont totalement oublié que le capital humain conditionne le succès de cette activité autant, si ce n'est plus, que le reste.
La formation et la motivation des salariés dans ce domaine ont été laissées pour compte.

La technologie doit se mettre au service de l'homme et non l'inverse.
Plus la technique domine, plus la relation humaine doit être présente. C'est la qualité relationnelle qui permet de donner un sens à cet univers technique, médiatique et automatique qui gagne.

Heureusement, les dernières études, nous annoncent, que pour 2003, les entreprises vont réinvestir en formation. Il était grand temps.

Sur cette question, je m'étais longuement exprimée car j'ai été interrogée par le journal Marocain « l'économiste » en Avril 2001 et j'invite bien évidemment vos lecteurs à lire cet article. http://www.leconomiste.com/ (Edition du mardi 3 avril 2001. Articles de la rubrique Dossier Télécoms. Les centres d'appels ne sont pas de
simples plateaux téléphoniques Rachida Belliard, consultante en management de relations client)


Vous êtes d'origine marocaine, une femme, et vous entrez dans le monde des affaires. Vous devez aimer les challenges car vous avez dû subir bon nombre de préjugés ?

Oui, c'est certainement mon état d'esprit sportif qui l'emporte, les challenges m'amènent à me surpasser et j'en ai besoin au quotidien. Quant aux préjugés, je les analyse, j'essaye de comprendre ce qui les a incités et je les dépasse. C'est ainsi que je peux avancer sur mon chemin de progrès.

Ce projet mûrissait depuis 1990. A cette époque, je me suis rendu compte que grâce à mon expérience, à mon implication, les clients que j'accompagnais m'étaient fidèles et me faisaient confiance, j'avais envie capitaliser mes expertises et mes compétences pour devenir autonome.

Ma vie est faite de rencontres d'individus qui m'ont fait confiance et je les en remercie. Ils ont certainement compris que ma richesse résidait dans ma double culture, marocaine et française.

Il est d'ailleurs, grand temps que nos managers, économiques et ou politiques intègrent ce constat, car la richesse de la France d'aujourd'hui réside dans sa diversité culturelle.

Tout le long de ma carrière professionnelle, il a fallu que je prouve un peu plus que mes collaborateurs français, que j'avais autant de compétences et que je pouvais être digne de leur confiance pour évoluer.

A mon sens, la confiance et le professionnalisme sont la base de toute relation, qu'elle soit personnelle ou professionnelle et c'est la confiance qui nous amène à nous surpasser pour offrir le meilleur de nous-même et par la même, de réussir.


Récemment c'était la consécration puisque vous avez reçu un trophée de l'entrepreneur lors de la 2ème Convention France Maghreb à Paris ?

Oui et je tiens à remercier vivement les personnes qui m'ont honorée.
Je suis certaine qu'il y'a de nombreuses autres femmes Maghrébines vivant à en France qui le mérite autant que moi et qui attendent cette chance.
Je suis convaincue que c'est un début.


Quelle relation entretenez-vous avec votre pays natal ? "El ghorba", ce n'est pas trop dur ?

Excellentes relations, de l'avis de mon entourage personnel et professionnel, j'y suis tout le temps, donc « El ghorba », je ne la ressens pas vraiment.

Il est vrai que je m'investis personnellement et professionnellement dans tout ce qui peut valoriser son image de marque et favoriser son développement.
En tant que formatrice, je contribue à l'épanouissement du capital humain Marocain par la transmission de mon savoir à chaque fois que je suis sollicitée.
C'est une grande satisfaction et j'en suis ravie.


Vous travaillez beaucoup avec le Maroc. Comptez vous rentrer un jour définitivement?

Effectivement, je travaille avec quelques entreprises Marocaines, pas
suffisamment à mon sens. Grâce à ma double culture et mon expertise, je suis certaine que je peux leur offrir plus.
Quant à mon retour définitif, c'est une question que je ne me pose pas aujourd'hui, elle ne fait pas partie de mes challenges.
Ma conviction est et, reste que je peux favoriser le développement du Maroc et valoriser son image de marque, (avec toute modestie) de n'importe quel coin de la terre. C'est exactement ce que je me suis dit, le jour ou j'ai décidé de partir.
Et je le fais à chaque fois que l'occasion m'est offerte.


Quelle est votre vision de la communauté marocaine en France ?

La communauté Marocaine en France pourrait vivre mieux le jour où, elle s'identifiera en tant que telle. Il faut assumer notre Marocanité, s'en prévaloir et la valoriser. Il ne faut pas en avoir honte.
De plus, il y'a un manque réel d'espaces et d'occasions de rencontres pour que cette communauté se rencontre et se renforce.

Nous sommes riches humainement et culturellement et peu de Marocains vivant en France, s'en enorgueillent. Ils n'en ont pas conscience.

Je n'aime pas utiliser le terme, intégration qui a été galvaudé à mon sens par les politiciens. Je pense sincèrement et (cela reste mon avis), qu'un pays n'intègre pas ses habitants. C'est la population qui doit intégrer, la culture, les valeurs, les lois du pays… où elle réside.
Si en plus, cette population est fière de son identité, maîtrise son histoire, sa langue, sa culture, et possède ses valeurs…, elle offre une grande richesse au pays qui l'accueille et valorise l'image de marque de son pays d'origine. En tous les cas, ceci est ma philosophie.

Cependant, nous assistons aujourd'hui en France à l'émergence d'une nouvelle génération, riche d'acteurs et de vecteurs plus sains, plus dynamiques, et de plus ils s'impliquent politiquement. Ils œuvrent activement pour le renforcement d'un partenariat efficace entre le Maroc et la France.


Que pensez-vous de Nezha Chekrouni, Ministre délégué auprès de la
communauté marocaine à l'étranger ? Et quels sont selon vous les chantiers les plus importants qu'elle doit mettre en œuvre ?


En tant que personne, j'en suis très fière. Nezha Chekrouni est une femme qui a beaucoup de mérite. Elle peut être fière, de sa grande réussite sur un terrain très difficile, je veux parler du terrain politique.
Nous avons été étudiantes à la même époque à Fès et nous avons partagé des moments très agréables en tant que sportives universitaires.

Elle doit relever un nouveau et noble défi aujourd'hui, car les MRE attendent beaucoup d'elle.
J'ai lu un de ses entretiens, publié sur votre portail et je constate que nous sommes animées par la même vision et la même analyse des priorités.
La question de la femme Marocaine et la question de l'enseignement.

Deux sujets qui me tiennent à cœur et je suis prête à m'engager auprès d'elle sur ces actions. Car aujourd'hui, nous devons agir ensemble, pour favoriser les conditions d'un développement durable qui doit prendre en compte la dynamique culturelle afin de construire l'identité et veiller à sa cohésion.

Nous devons mettre en place une stratégie globale, qui doit prendre en compte, les dimensions sociale, économique et culturelle, pour transformer nos volontés en actions et en exploits.


Un dernier mot.

Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer et d'avoir manifesté votre intérêt a cette manifestation qui m'a honoré.

Mohamed - Yabiladi.com

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Fiche Technique

Les domaines de compétences de la société PERTINENCE:
- Le conseil, le recrutement et la formation des salariés de Call-center.
- La formation à la relation-client à travers le média téléphone et en face à face.
- Le management.
- Le développement commercial.

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