L'accord de paix soudanais pourrait hâter la fin de la crise au Darfour
(Propos de M. Charles Snyder, le spécialiste du Soudan au département d'Etat) (930) Par Susan Ellis Rédactrice du « Washington File »
Washington - L'accord de paix conclu le 9 janvier à Nairobi entre le gouvernement soudanais et le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) pourrait déboucher sur une solution de la crise au Darfour, estime M. Charles Snyder, le principal représentant du département d'Etat chargé du Soudan.
S'adressant, le 12 janvier à Washington, à un groupe de journalistes étrangers, M. Snyder a déclaré que cet accord mettant fin à une guerre qui avait commencé au milieu des années 1980 prévoyait essentiellement le partage du pouvoir dans le cadre d'un système fédéral « où, pour la première fois au Soudan, non seulement le pouvoir, mais les richesses sont délibérément réparties. Ainsi, le Sud recevra 50 % des revenus pétroliers en plus des 50 % des revenus généraux de l'Etat. »
« Cette structure, à savoir une fédération où le pouvoir ainsi que les revenus sont partagés, est le raccourci qui pourrait mener à une solution rapide au Darfour », a poursuivi M. Snyder. « Est-ce une affaire assurée ? Nullement, car les différentes régions ont des besoins différents, mais c'est probablement 90 % de la solution. »
« Cet accord de paix ne concerne pas uniquement le Nord et le Sud, a-t-il ajouté. On y trouve aussi les éléments d'une solution politique (pour le Darfour). » L'accord engage les deux parties à observer un cessez-le-feu permanent, assure une répartition égale des revenus pétroliers entre le Nord et le Sud, et permet aux trois Etats du Sud à décider par voie de référendum s'ils veulent ou non faire sécession. « Ainsi, ils ouvriront le système politique pour la première fois à une compétition réelle, qui donnera aux rebelles du Darfour et à d'autres peuples marginalisés la possibilité d'exercer leur pouvoir politique de manière pratique. Nous espérons que ce processus sera transparent. »
« Les hauts responsables américains à Nairobi - le secrétaire d'Etat Colin Powell, M. Jack Danforth et d'autres - ont veillé à insister auprès des deux camps pour qu'ils ne se reposent pas sur leurs lauriers, mais pour que, après avoir célébré leur accord dimanche, ils s'efforcent de prendre contact avec les rebelles du Darfour pour leur proposer un moyen de progresser ; nous pensons qu'après quelques jours de repos, car ils ont beaucoup travaillé, ils entreprendront cette démarche. »
« Par exemple, le président soudanais Omar al-Béchir a annoncé qu'il avait confié au vice-président Ali Osman Taha le dossier de la paix » au Darfour, a indiqué M. Snyder. « C'est un pas dans la bonne direction. »
En outre, le chef des rebelles, M. John Garang, deviendra vice-président du Soudan. La clé de son entrée dans le gouvernement « sera la ratification des amendements à la Constitution », qui devrait demander de six à huit semaines. « C'est le calendrier convenu entre eux. Il devrait y avoir une période de deux semaines au cours de laquelle les assemblées, celle du Nord et celle du Sud, ratifieront les projets d'amendements. »
C'est alors que John Garang deviendra officiellement membre du gouvernement. Il l'est déjà officieusement, et il est question qu'il se rende à Abuja pour activer les négociations. Mais c'est au moment de son entrée en fonctions que le gouvernement de transition commencera à prendre corps, a dit M. Snyder.
En ce qui concerne l'accord Nord-Sud, l'élément clé consiste à inscrire les dispositions relatives au fédéralisme, au partage du pouvoir et à la distribution des richesses dans la Constitution. M. John Garang et son parti « siégeront à l'assemblée parlementaire centrale où leur formation occupera 30 % des sièges ; ils siégeront également dans le Sud au sein d'un gouvernement relativement autonome qui aura sa propre armée pour le protéger, au moins au début, et où il existera une forte présence de casques bleus. On déterminera au cours des prochaines semaines à New York la taille de cette force, qui devrait se situer entre 8.000 et 10.000 soldats. »
« Nous espérons que lorsque les négociations sur le Darfour reprendront à Abuja à la fin de janvier, les rebelles examineront sérieusement l'offre qui leur sera faite. La combinaison d'un cessez-le-feu du style de celui des monts Nouba (une cessation des hostilités précédemment réalisée dans le nord du Soudan avec l'aide de M. Danforth), de la présence d'un grand nombre d'observateurs de l'Union africaine et du cadre politique qu'assure cet accord Nord-Sud offre la promesse d'une progression rapide de la situation, à condition que les rebelles aient l'assurance que la communauté internationale les soutiendra. Nous appelons de nos vœux un tel dénouement. »
Comme un journaliste lui demandait si les autorités soudanaises avaient la volonté politique de régler la crise au Darfour, M. Snyder a répondu : « Comme toujours, la réponse la plus rapide n'est pas forcément la meilleure. Ma réponse rapide est que oui, certes, je pense qu'elles ont la volonté politique. Mais l'issue demeure très serrée, et je n'ai qu'une confiance toute relative. Cependant, à mon sens, le fait qu'elles soient allées jusqu'au bout de l'accord Nord-Sud et qu'elles aient tenté récemment de faire preuve d'une meilleure maîtrise sur le terrain au Darfour sont de bons indicateurs de leur décision d'aller de l'avant. »
Le long conflit au Soudan a tué plus de deux millions de personnes et en a déplacé quatre millions. Au Darfour, fin 2004, le bilan des morts s'établissait à quelque 300.000 du seul fait de la dégradation des conditions de vie dans cette province, sans tenir compte des victimes d'actes de violence et des personnes tuées au combat. article retransmis après autorisation par :acharif moulay abdellah bouskraoui.