Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Tanger : La renaissance
a
5 octobre 2006 12:20
Métamorphose


MAROC - 23 juillet 2006 - par FOUAD LAROUI


Tanger est un malentendu. On pense y croiser à chaque coin de rue des poètes maudits, des haschischins venus d’Occident, des littérateurs en pleine hallucination : il n’y en a pas. On veut communier dans l’amour de cette ville avec leur figure tutélaire, Paul Bowles : or il ne l’aimait pas vraiment, il préférait le Sri Lanka. On prétend au moins aller à la rencontre de Tangérois authentiques : mais ils sont partis, il n’y a plus dans cette ville que des montagnards, des Jbalas et des Rifains. Voilà du moins ce que Tanger vous jette au visage quand vous l’entreprenez sans précaution. Mais, vous récriez-vous, ce passé de ville internationale, de repaire d’espions, de rendez-vous des décavés d’Europe et d’Amérique ? Je ne suis plus cela, vous glisse-t-elle, le Rimmel coulant, lasse, à demi effondrée. Il n’y a plus que des ruines qui font semblant d’être après avoir été. Voyez le théâtre Cervantès, il n’attend que le coup de grâce d’une pelleteuse. Le café Hafa ? Un sans-logis de Calcutta n’en voudrait pas. Le stade de Merchane ? Les chèvres y broutent une herbe rare et peut-être imaginaire.

Tanger est une ruse. Pendant qu’on écrit son obituaire, qu’on déplore ce qui fut et qui n’est plus, voilà que poussent dans d’autres quartiers des immeubles qui évoquent Dubaï ou la Chine, des casinos qui feraient belle figure à Monte-Carlo, des villas où s’installent médecins, ingénieurs et hommes d’affaires. Dans des endroits où Bowles n’a jamais mis le pied, des cités universitaires, des stades, des départs d’autoroutes surgissent dans de grands mouvements d’engins de terrassement et de camions grands comme des bateaux. Un port ultramoderne se matérialise à l’est de la ville, juste en face de l’Europe. Les zones franches se multiplient. Les canalisations creusent la roche et s’infiltrent sous une ville, qui croît sans cesse. Il paraît que le problème de l’eau est résolu pour au moins vingt ans.


Tanger est un cas. Ce serait un bel objet d’étude sur le thème, rebattu mais toujours actuel, du couple problématique « tradition et modernité ». La modernité, elle crève les yeux sous l’espèce du progrès technique et de l’édification des bâtisses et des fabriques. Mais la tradition ? Elle se cache, elle prend le voile, il faut pour l’approcher pousser quelques portes connues des seuls initiés, il faut montrer patte blanche chez les vrais Tangérois. Oui, ceux qui font semblant de n’être plus là, pour ne pas avoir à répondre de ce qui se passe dans leur ville et qu’on pourrait résumer en un seul mot, pour le meilleur ou pour le pire : métamorphose.


JeuneAfrique.com
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook