La sécurité se détériore au Soudan, souligne un haut responsable de l'ONU
(Toutes les parties au conflit ont une part de responsabilité, fait remarquer le représentant permanent des Etats-Unis à l'ONU.) (1040) Par Judy Aïta Correspondante du "Washington File" à l'ONU
New York (Nations unies) - Selon le secrétaire général adjoint aux affaires politiques de l'ONU, M. Kieran Prendergast, la violence s'est accrue tout au long du mois de novembre au Soudan, et la situation s'est nettement détériorée au Darfour.
"Il faut que la communauté internationale dise clairement à toutes les parties impliquées au Soudan que la violence et les actions militaires hostiles, en particulier après la signature à Abuja de protocoles, ne sont pas des moyens acceptables pour obtenir des gains politiques. Il faut exercer des pressions identiques sur tous les camps pour qu'ils respectent leurs engagements", a-t-il dit le 7 décembre, lors d'une réunion du Conseil de sécurité. Depuis la signature, le 9 novembre, d'un accord visant à instaurer une paix générale, a-t-il ajouté, aussi bien le Mouvement de libération du Soudan que les forces gouvernementales sont à l'origine d'affrontements et de violations du cessez-le-feu.
D'après M. Prendergast, un observateur militaire de l'Union africaine a été blessé, et le banditisme et les pillages se sont accrus dans le nord du Darfour, de même que les tensions dans les points chauds de la région. Parallèlement, certaines opérations humanitaires ont été suspendues en raison de l'insécurité qui règne dans le nord du Darfour et d'informations faisant état de nouvelles incursions transfrontalières par des éléments de l'armée tchadienne en appui à un nouveau mouvement rebelle.
"Toutes les parties au conflit - les rebelles, le gouvernement et les milices - sont complices lorsqu'il s'agit de ce désastre. Ils ont signé des accords qui, apparemment, ne veulent rien dire pour eux. La situation est toujours très grave", a dit aux journalistes le représentant permanent des Etats-Unis à l'ONU, M. John Danforth, à l'issue de la réunion du Conseil de sécurité.
"En ce qui concerne le Darfour, personne n'est innocent. Chacun a une part de responsabilité, et quiconque est responsable d'attaques contre les civils devra répondre de ses actes", a-t-il déclaré, en soulignant l'impasse dans laquelle la situation se trouvait à l'heure actuelle.
A son avis, il faudrait envoyer davantage d'observateurs internationaux au Darfour. L'Union africaine s'est bien engagée à déployer 3.300 soldats pour maintenir la paix au Soudan, mais seulement 800 soldats et 100 observateurs militaires ayant un rôle de médiateurs se trouvent sur le terrain. Le Soudan a laissé entendre qu'il serait disposé à accepter un plus grand nombre de soldats de l'Union africaine, et les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Australie, le Canada et d'autres pays ont débloqué les fonds nécessaires. Toutefois, le déploiement de soldats pour maintenir la paix au Soudan se fait très lentement.
"Le représentant spécial du secrétaire général pour le Soudan a demandé 50 observateurs des droits de l'homme supplémentaires. Certains pays souhaiteraient une présence policière dans les camps de personnes déplacées. Ceci est une idée excellente qui mérite qu'on s'y intéresse de près", a dit M. Danforth.
Par ailleurs, il convient, selon lui, de faire pression sur les deux camps participant aux pourparlers de paix entre le Nord et le Sud pour qu'ils respectent leur "engagement solennel de conclure un accord de paix définitif d'ici à la fin de l'année".
Tous les camps, a-t-il dit, doivent savoir que la commision d'enquête nommée par le secrétaire général de l'ONU examine non seulement les atteintes aux droits de l'homme et la possibilité que le gouvernement soudanais ainsi que des particuliers et des groupes non associés au gouvernement, y compris des groupes rebelles, auraient commis un génocide au Darfour
"Franchement, je ne comprends pas où veulent en venir les groupes rebelles au Darfour (...) Ils ont rompu le cessez-le-feu ; ils sont impliqués dans la catastrophe humanitaire, mais il faut qu'ils sachent que, tout comme le gouvernement, ils devront répondre de leurs actes", a déclaré M. Danforth.
Selon lui, le Conseil de sécurité n'a laissé aucun doute sur le fait que la communauté internationale était prête à apporter son aide au Soudan dans la mesure où la paix régnerait dans ce pays, mais pas tant que la situation ne se serait pas éclaircie au Darfour.
Dans le rapport qu'il a soumis au Conseil de sécurité, M. Prendergast indique que le gouvernement soudanais continue les bombardements aériens en riposte aux attaques de l'Armée de libération du Soudan (ALS), bien qu'il le nie.
"Des informations font état d'une recrudescence des activités des djandjawids et d'autres milices pro-gouvernementales qui ont pour conséquences des accrochages avec l'ALS", dit-il, ajoutant que les récents affrontements, qui menacent de plonger le Darfour dans le chaos, suscitent une vive inquiétude.
L'ALS, à son avis, semble délibérément vouloir pousser le gouvernement à riposter depuis la signature, au début du mois de novembre, du protocole sur la sécurité. Et, comme ils ne sont pas signataires de l'accord de cessez-le-feu, les miliciens déstabilisent également la situation.
Le gouvernement soudanais n'a pas non plus fait de progrès lorsqu'il s'agit de désarmer les djandjawids, de traduire en justice l'un ou l'autre de leurs chefs pour les crimes commis ou d'intervenir pour faire cesser les attaques qui ont lieu depuis quelque temps. "En vérité, des informations non confirmées indiquant que les milices armées continuent de recevoir des armes de certains à Khartoum circulent toujours", précise M. Prendergast.
Dans l'ensemble du pays, la situation humanitaire est terrrible. Selon les statistiques, le nombre de personnes touchées par les combats était passé, au 1er novembre, à près de 2,3 millions. L'ONU et les organismes caritatifs estiment que 1,5 milliard de dollars seront nécessaires pour le Soudan en 2005, dont 620 millions de dollars pour le Darfour.
Le 9 novembre, à Nairobi, le Conseil de sécurité a été témoin de la signature par le gouvernement soudanais et le Mouvement pour la libération du peuple du Soudan (MLPS) d'un mémorandum engageant les parties à conclure un accord définitif de paix d'ici la fin de l'année. Des négociations techniques ont repris le 26 novembre, et des pourparlers - que l'on espère être les derniers - ont repris le 6 décembre à Naïvasha entre le vice-président soudanais, M. Ali Othman Taha, et le président du MLPS, M. John Garang.
Article retransmis par :acharif moulay abdellah bouskraoui