Al-Qaïda rallume la guerre du pétrole. Vingt-deux personnes ont été tuées et 25 autres, blessées, pendant le week-end en Arabie Saoudite, dans des attentats et une prise d'otages portant la marque d'Al-Qaïda, auxquels les forces de l'ordre ont mis fin dimanche (30 mai). Tout a commencé la veille vers 07h00 (04h00 GMT). Quatre assaillants ont attaqué un bâtiment d'une compagnie pétrolière d'Al-Khobar, ville qui fait face à l'archipel de Bahreïn. Bilan: au moins dix personnes tuées, dont un enfant égyptien de 10 ans. Ils ont ensuite semé la terreur en attaquant un bus transportant des Occidentaux, puis un "centre pétrolier", avant de prendre une cinquantaine de personnes en otages dans la résidence "Oasis".
Les forces saoudiennes ont très vite investi les lieux et encerclé les assaillants au sixième étage de l'immeuble. Toute la nuit, elles ont vainement tenté de neutraliser les preneurs d'otages. Peu après le lever du jour, trois hélicoptères ont déposé des troupes d'élite sur le toit du bâtiment (Image AFP, ci-dessous). Des tirs sporadiques sont entendus. L'assaut durera six heures. Parmi les victimes étrangères figurent un Américain, un Britannique, un Italien, un Suédois et huit Indiens. Certaines ont été égorgées par leurs ravisseurs.
L'un des preneurs d'otages a été blessé et capturé par les forces de sécurité saoudiennes. Il s'agirait du chef, une "cible importante" des autorités, selon un communiqué du ministère saoudien de l'Intérieur. Les forces de l'ordre saoudiennes poursuivaient lundi la traque des trois autres auteurs de l'attaque. Le prince héritier d'Arabie, Abdallah, qui est de facto le véritable dirigeant du pays, s'est engagé à éliminer par la force ces islamistes, qu'il accuse de vouloir "nuire à l'économie" du royaume.
Nombre d’ambassades ont invité leurs ressortissants à ne pas se rendre en Arabie Saoudite. C’est le cas de l’Australie, des Etats-Unis, mais aussi de la France. Le Foreign Office a indiqué craindre de nouveaux attentats dans le pays, mais n'a pas demandé aux Britanniques de le quitter. Cette attaque est la deuxième du genre en moins d'un mois. Le 1er mai, une attaque similaire avait pris pour cible Yanbu, sur la mer Rouge, dans l'ouest du royaume, un autre grand site de l'industrie pétrolière.
Revendication
Plusieurs heures après le dénouement de la prise d’otages, un site Internet islamiste a publié dimanche un message attribué à Al-Qaïda. "Nous renouvelons notre détermination à repousser les forces croisées et de l'arrogance, à libérer la terre des musulmans, à appliquer la charia et à nettoyer la péninsule arabique des mécréants", lit-on dans le message signé "Le réseau Al-Qaïda dans la péninsule arabique". Ce groupe, que dirigerait le Saoudien Abdel Aziz al-Mouqrin, dit lutter contre les compagnie pétrolières américaines qui "pillent les richesses des musulmans". L'authenticité de cette bande de huit minutes, accompagnée d'un texte, n'a pu être confirmée.
L'un des auteurs de l'opération figure parmi les dix-huit islamistes les plus recherchés par les autorités saoudiennes, ajoute le texte. Un autre site Internet islamiste a publié de son côté un enregistrement audio attribué à Abdel Aziz al-Mouqrin et annonçant qu'un Japonais figurait parmi les otages égorgés. Une information démentie par Tokyo, qui soutient qu'aucun de ses ressortissants n'a trouvé la mort dans les violences d’Al Khobar.
Cette attaque visait en fait trois cibles : d'abord, la monarchie séoudienne, dont les fondements se fragilisent un peu plus à chaque coup de butoir terroriste d'Al-Qaïda sur son territoire. Puis, bien sûr, les Occidentaux, qualifiés d'"impies" dans les prêches enflammés d'Oussama Ben Laden. Des Occidentaux dont le chef de la mouvance terroriste réclame le départ d'Arabie Saoudite, terre sainte de l'Islam. D'ailleurs, de nombreux attentats ont déjà visé les expatriés présents dans ce pays ces derniers mois, dont une triple attaque kamikaze qui avait fait 35 morts contre des complexes résidentiels de Ryad, en mai 2003.
Cette fois, Al-Qaïda va encore plus loin, et frappe une autre cible en parallèle des deux précédentes: le pétrole. Arme stratégique de la plus haute importance pour le monde occidental, mais aussi pour l'Arabie Saoudite, qui détient les plus grandes réserves d'or noir au monde. Al-Khobar, lieu de l'attaque de ce week-end, c'est la ville où furent découverts les premiers gisements du pays dans les années 30, tout un symbole. une attaque qui risque de rendre encore un peu plus nerveux les marchés de brut à leur ouverture. Et pour Al-Qaïda, une envolée des cours du pétrole constituerait évidemment un indéniable succès dans sa lutte contre les fondements du monde occidental.
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