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La présidentielle vue de ma laverie
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26 janvier 2007 19:14
LE MONDE | 26.01.07



Ils sont un peu gênés de se mettre en slip devant tout le monde. Surtout que le dimanche, la laverie automatique de la rue des Petites-Ecuries, dans le 10e arrondissement de Paris, est bondée. La planète entière s'y bouscule. Alors, les yeux baissés, les deux garçons se dépêchent. Toute leur garde-robe tient dans deux machines à laver. De la première, qui vient de s'arrêter, le plus âgé a extirpé des jeans propres, un pour son copain, l'autre pour lui. Les pantalons sont juste essorés, mais ça ne fait rien. Ils les enfilent vite fait et jettent leurs vêtements sales, ceux qu'ils portaient en entrant, dans une deuxième machine. Autour d'eux, chacun fait comme si de rien n'était.



"Ils viennent d'Irak, mais je ne comprends pas bien leur manière de parler l'arabe : ce sont des Kurdes", s'excuse un Algérien qui s'est improvisé traducteur. Les Irakiens ont filé, sans attendre qu'on leur pose de nouvelles questions. Dans une petite heure, le temps que leur machine ait fini, ils reviendront prendre leur linge. "Peut-être qu'ils ont peur, compatit l'Algérien. Les sans-papiers, il y en a beaucoup dans le quartier." Lui-même veut bien discuter un peu, mais préfère qu'on ne cite pas son nom de famille. Une photo ? Pas question. "A quoi ça me servirait ?" Agé de 57 ans, Ahmed travaille "dans le bâtiment" et loge "pas loin, chez des cousins". Tous les dimanches matin, il vient rue des Petites-Ecuries laver son ballot de linge. La politique l'intéresse, oui. Quand il y a des élections en Algérie, il va voter au consulat. Quand il s'agit de la France, il regarde. "Nous, les Algériens, on est plutôt à gauche, ça fait partie de notre histoire : on était pays frères et tout ça ! Forcément, ça reste, estime-t-il. Ceux qui ont les papiers, ils ne vont pas voter à droite." Voire...


Depuis que le candidat-ministre Nicolas Sarkozy a installé son QG de campagne à quelques pas d'ici, rue d'Enghien, la noria des fourgons de police est incessante. Mais ce ne sont pas les fourgons et les embouteillages qui embêtent le maçon. "Sarkozy, je ne l'aime pas. A cause de lui, le regroupement familial est devenu impossible", bougonne le Kabyle, dont la famille est restée "au bled", dans les montagnes du Djurdjura. Une situation "injuste" : "Moi, je ne viens pas en France pour le social, dit-il. Je travaille." Contrairement à d'autres ? Il hausse les épaules. "Les Noirs, souvent, ils viennent en France juste pour ça. Ils savent qu'on va les aider pour l'hébergement, pour la santé aussi avec la CMU (couverture-maladie universelle), et puis pour les enfants puisque l'école c'est obligé."

Le vieil immigré trouve que "ça ne va pas". Ceux qui suent à la tâche ne doivent pas payer pour les autres. "Pendant qu'on aide ceux qui ne font rien, s'indigne-t-il, il y a des Français qui travaillent et n'ont pas de quoi se loger. Ce n'est pas normal."

Drôle de chanson que celle du quartier Saint-Denis-Paradis ! Les immigrés - les autres, les nouveaux arrivés, pas eux, les presque installés - et le problème du logement reviennent comme un refrain lancinant dans la bouche même de ceux que la vie a jetés loin du pays natal. Ils se contentent bien souvent d'un logis misérable et d'un job mal payé, en jonglant si possible avec des bouts d'allocations. Mais tous entonnent la même chanson, une valse à deux temps : on veut de la solidarité, oui, mais il faut de l'ordre aussi. De l'un à l'autre, les coeurs balancent. "La France, c'est pain bénit. La France est accueillante, bravo ! Mais il ne faut pas abuser. La France n'est pas assez regardante sur les gens qui entrent chez elle", résume Kam Menileu, 39 ans, à la double nationalité franco-camerounaise. Cette cliente fidèle de la laverie des Petites-Ecuries se présente comme "artiste musicienne", à l'instar de Klaus, son compagnon, un Allemand guitariste. Tous deux vivent du "RMI-couple", soit un peu plus de 500 euros par mois. Ils dorment dans un deux-pièces de 25 m2. Kam ne se plaint pas. Mais la précarité lui pèse. "Dans notre immeuble, il y a des gens bizarres : des marabouts, des parasites...", dit-elle. Le quartier est "sympa, ça va", mais il s'y passe "trop de trucs illicites".

Enclave populaire au milieu d'un Paris en voie d'embourgeoisement accéléré, ce morceau du 10e arrondissement autrefois surnommé "La petite Turquie" compte 25 % d'étrangers. Soit un échantillon d'une bonne soixantaine de nationalités. Pour se faire une idée du melting-pot, il suffit de traîner près de la station de métro Château-d'Eau, royaume de la coiffure afro, de pousser jusqu'au passage Prado, haut lieu des petits commerçants mauriciens et indonésiens, de se glisser passage Brady, succession ininterrompue de gargotes indiennes, ou d'aller faire un tour rue du Faubourg-Saint-Denis où se côtoient les bouchers turcs, les marchands de primeurs maghrébins, les charcutiers ex-yougoslaves et les fromagers auvergnats...

Sans oublier les Chinois. Trop de monde dans trop peu d'espace. "On est dans les proportions de Tokyo. C'est la grande angoisse des pompiers !", souligne Sylvie Scherer, adjointe au maire (socialiste) du 10e arrondissement. La vétusté du bâti, qui date pour l'essentiel d'avant la guerre de 1914-1918, n'arrange rien à l'affaire. En cinq ans, ajoute l'adjointe au maire, le prix du mètre carré a triplé, pulvérisant ce qui restait de mixité sociale. Tandis que les classes moyennes modestes fuient en banlieue, les plus pauvres s'incrustent et les "bobos" s'installent.


Payer 700 euros de loyer pour un petit deux-pièces, "c'est lourd", admet Rémi Guyon, 24 ans, étudiant en informatique. Mais il n'est pas question pour lui de se plaindre. Né à Bordeaux de parents vietnamiens, le jeune homme parle lui aussi, spontanément, de l'immigration. "Il faut être plus sévère. Je suis moi-même d'origine immigrée et j'ai des copains sans-papiers, plaide-t-il. Mais on ne peut pas sauver tout le monde !" Selon lui, en matière d'aide sociale, la France a déjà fait beaucoup. "La priorité, c'est l'ordre", assure l'étudiant. "Le travail et le goût de l'effort ne sont pas assez valorisés", ajoute-t-il, raillant "la mentalité étriquée" de ceux, parmi les Français, "qui se mettent en grève dès qu'on leur demande de retrousser les manches". Il sourit. Oui, c'est vrai, il sait d'avance pour qui il votera. Sa préférence va à Nicolas Sarkozy. De l'homme, il ne doute pas. Mais de la France, par contre... "C'est tellement difficile de changer les choses dans ce pays ! Les Français sont frileux."

Assis près de l'entrée de la laverie, Lahcen, 36 ans, surveille son linge qui tourne dans la sécheuse. "Les Noirs, il y en a trop. Dans dix ans, la France, ce sera l'Afrique ! Je serai parti avant", fanfaronne le jeune homme sans pousser la bravade jusqu'à donner son nom... Ce Franco-Marocain gagne sa vie comme plombier. "Les jeunes qui brûlent les bagnoles, moi, si j'étais le patron, je leur couperais la tête !", lâche-t-il en éclatant de rire.

Au fond, il ne sait pas trop quoi penser. "Dans ma famille et chez mes copains, la vie est réglée, simple : le travail, la maison, la mosquée. On ne se casse pas la tête pour la politique." Lui aussi, pourtant, sait d'avance pour qui il va voter : " Ségolène Royal", annonce-t-il tout à trac. Il s'étonne qu'on s'étonne. "Sarkozy est trop raciste, dit-il. La gauche, c'est mieux, c'est plus humain."

Samira Audry, 38 ans, une Franco-Tunisienne, hésite encore. "Ségolène, je n'ai rien contre, elle a du cœur. Sarkozy, il fait le coq, mais ce n'est pas un mauvais. Il a fait baisser la délinquance...", explique la jeune mère de famille qui dit s'être fait récemment agresser, dans la rue, "par une Sénégalaise", qui lui a mis "la tête au carré" pour une "broutille". Entrée en France en touriste, Samira Audry y est restée sans papiers pendant un an et demi. "Sans papiers, mais pas sans travail !", insiste-t-elle. Elle fait du repassage à domicile. Aujourd'hui mariée à un employé de grand magasin – un "Français 100 %" –, elle vient d'emménager, "grâce à la mairie", dans un appartement "super bien" du 10e arrondissement. "Moi, l'idée d'habiter dans une banlieue pourrie, non merci !", s'exclame la chanceuse.

"Si je n'étais pas blanc, ça serait plus dur", lâche Alan, le sourire amer. Ce Franco-Turc de 43 ans, architecte de formation, explique : "D'avoir les papiers, ça ne change pas grand-chose. La France est un pays raciste, elle n'est pas accueillante. Le seul fait d'avoir un accent et un nom de famille étrangers, hop ! vous êtes classé, vous êtes dans le mur". Alan ne votera pas. Pour lui, les élections ne sont qu'"un faux-semblant démocratique".

Awa Nimaga n'est pas d'accord. Agée de 25 ans, caissière dans un grand magasin, cette Française née au Mali pense que l'élection présidentielle peut "changer beaucoup de choses". Surtout, dit-elle, "si c'est une femme qui est choisie", parce que "forcément, ça va donner l'exemple : il y aura plus de femmes aussi au gouvernement et au Parlement". Pourtant, elle aussi hésite un peu. "Si on pouvait avoir à la fois de l'ordre et du social, ce serait l'idéal, sourit-elle. Pour l'ordre, je ferais plutôt confiance à Sarkozy. Pour le social, plutôt à Ségolène." Quant à l'immigration, "bien sûr, il faut que ceux qui arrivent aient les moyens de s'intégrer. Si c'est pour qu'ils se retrouvent à Cachan... Mais de voir les gens menottés, embarqués de force dans l'avion, ça non, ça fait trop mal au cœur. Les gens comme nous, on ne pourra jamais l'accepter".


Catherine Simon
i
26 janvier 2007 19:43
Quand les immigrés oublient pourquoi ils ont immigré, cela donne ce genre de discours.
J'ai l'impression que ceux qui se disent integrés ne veulent pas que d'autres viennent, ne veulent pas partager les miettes qu'ils estiment avoir conquis de haute lutte .

Ca a un nom : de l'egoisme.
Ca a une consequence: le pen.
a
26 janvier 2007 20:02
Je pense qu'ils sont tout simplement réalistes, trop d'étrangers nuit en premier lieu aux étrangers eux-mêmes.
a
26 janvier 2007 20:06
.... et par delà aux français issus de l'immigration.
l
26 janvier 2007 20:41
lorsque la france accueillait les fortes vagues d'immigration des années soixante dix, son pib était bien moindre. les richesses explosent, les bénéfices des entreprises battent des records année aprés année, on subventionne le gel des terres pour essayer de juguler la suproduction....etc
et bizzarement, il n'y aurait plus de quoi accueillir quelques milliers de migrants, la france serait au bord du depot de bilan.
 
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