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En 2007, ce poste retentira peut être
6 septembre 2005 18:44
Articles tiré de l'Observateur.com

Semaine du jeudi 1 septembre 2005 - n°2130 - France

Les vraies clés de sa stratégie
Fabius : un jour tu verras!

Pour l’ancien Premier ministre, seule sa désignation par le PS peut donner un sens à sa candidature. Encore faut-il l’obtenir! D’ici là, son objectif est d’un réalisme froid: au mieux prendre le parti, à défaut empêcher qu’au congrès se constitue un large front antifabiusien

A la Java des Paluches, Laurent Fabius a désormais ses habitudes. C’est dans ce bar à bobos du centre de La Rochelle qu’il donne, devant la presse, le ton de sa rentrée. L’année dernière, elle était crispée et un brin agressive. François Hollande dans «l’Obs» venait de lancer, sans qu’il l’ait vue venir, la grande offensive du oui à la Constitution européenne, et cette subite accélération l’avait mis hors de lui. Août 2005, même décor mais changement de ton. Cool, Fabius! Col ouvert, main dans les poches, sourire narquois, verbe cinglant, il distribue les bons et les mauvais points. Quelques instants plus tôt, à l’université d’été du PS, il est allé plancher dans un atelier consacré au logement. Plus tard, il ira manger des glaces sur le port avec Henri Emmanuelli. Il débarque de sa villégiature ariégoise. Il dit surtout n’avoir qu’une hâte: y retourner pour un dernier week-end de vacances.

La Java des Paluches est une scène sur laquelle Laurent Fabius joue et surjoue un rôle dont il connaît chaque réplique: loin des miasmes du marigot rochelais, une force qui va, une force tranquille... Ce vendredi 26 août, a-t-il remarqué toutefois la reproduction d’un tableau de Keith Haring, devant laquelle il déroule ses gammes? Une phrase court, comme une frise, tout autour de cette toile. Elle est tirée d’un roman d’Antoine Blondin, «l’Humeur vagabonde», qu’elle clôt sur une note douce-amère: «Un jour, nous prendrons des trains qui partent.» Eternelle angoisse fabiusienne, nichée au cœur d’une ambition intacte.
Le train du «non», Laurent Fabius l’a pris en catastrophe. Il en est redescendu vivant, le 29 mai au soir. Ce n’était pas joué d’avance. Mais le seul qui l’intéresse est encore à quai. C’est celui de la présidentielle de 2007. Pas un seul de ses gestes, pas un seul de ses actes n’échappe à cette obsession élyséenne. A la Java, au détour de la conversation, il a d’ailleurs lâché une phrase qui résume sa stratégie et en souligne la principale difficulté puisqu’elle relève du pari: «C’est la position qui crée l’adhésion.» Pour être élu, il faut d’abord être candidat. Quand il le sera, alors seulement on verra le vrai Fabius, sa vraie nature, son vrai projet. Hier, il plaidait l’évidence de sa candidature. Aujourd’hui, il veut faire croire à l’élan d’une confiance qui ne peut naître que de sa désignation. Et non l’inverse. Qu’on oublie donc les sondages et leurs trompeurs concours de beauté. C’est une manière de dire que d’ici là tout ne sera que tactique et positionnements. Quand on force le destin, ce n’est pas en gants blancs.

Juste avant l’été, Laurent Fabius a appelé l’un de ces grands patrons, anciens de son cabinet qui ne l’avaient pas suivi dans sa virée «noniste»: «Vous m’avez trahi.» Et quand l’intéressé lui a répondu du tac au tac que «l’infidélité a ses convictions profondes» était un crime autrement plus grave, il lui a expliqué qu’il ne comprenait rien à la politique, qu’il serait bien temps, une fois élu, de redresser la barre, qu’on était en 1971, juste avant le congrès d’Epinay. Bref, qu’une fois encore François Mitterrand avait montré le chemin.
Difficile d’être plus explicite! Pour Laurent Fabius, la campagne victorieuse du non est l’équivalent de ce que fut, pour son modèle et son maître, l’élection présidentielle de 1965 et la mise en ballottage du général de Gaulle. Un acte fondateur qui solde le passé, signe une conviction et dessine un rassemblement à gauche. La comparaison est avantageuse. Elle est en partie fausse: la force propulsive d’une candidature unique à la présidence de la République est sans commune mesure avec la participation active à une campagne référendaire, fût-elle couronnée de succès. Mais qu’importe à ses yeux! L’essentiel, ici, est l’ordre des batailles.

Le congrès du Mans, voulu par François Hollande à la mi-novembre, est la prochaine étape d’une guerre sans dentelles esquissée lors des escarmouches rochelaises du week-end. Laurent Fabius, jusqu’à son départ en vacances, avait rêvé d’un scénario rose. Son sicaire préféré, Claude Bartolone, avait reçu la mission de convaincre tous les partisans du non de se rassembler dans une motion unique, quitte à en laisser la conduite à un de ses nouveaux alliés. Arnaud Montebourg, par exemple. Bloc contre bloc. Dans ces conditions, en effet, le parti était à portée de main. L’opération était audacieuse. Elle a échoué, faute notamment d’une juste appréciation des rapports de force au sein de NPS, dont le député de Saône-et-Loire est loin – très loin! – d’être le seul maître.

Dans cette manœuvre pré-estivale, censée reproduire à l’identique les clivages du 29 mai et renverser à nouveau la table socialiste, Laurent Fabius, comme souvent dès lors qu’il s’agit du PS, a joué un peu fruste. La nouveauté est qu’il avait cette fois un plan B qui révèle du même coup la véritable hiérarchie de ses objectifs. Prendre le parti, c’était régler définitivement l’affaire de sa candidature. On n’en est plus là. Mais desserrer l’étau lors du congrès de novembre, c’est préserver toutes ses chances pour la suite. Tel est précisément l’acquis de La Rochelle. Face à la majorité sortante conduite par François Hollande, un cartel d’opposants s’est mis en ligne de bataille. Il repose sur trois piliers: le courant Montebourg-Peillon, le courant Emmanuelli, le courant Fabius. Pour une fois dans un congrès socialiste, l’antifabiusisme ne sera donc pas le ressort principal, et cela change tout.

Sans doute le caractère hétéroclite de ce front d’opposants n’est-il guère rassurant pour des militants avides de changement, pourvu qu’il fût maîtrisé. Sans doute également oblige-t-il Fabius à prendre le risque d’une motion solitaire, exercice auquel il s’était refusé depuis 1990 et le congrès de Rennes. A l’époque, il pesait 29% dans le parti. Même avec les petits ralliements d’un Mélenchon, d’un Laignel ou d’une Lienemann, on voit mal comment il pourrait au Mans passer la barre des 20%. Mais pour ses porte-parole ces inconvénients ne sont rien face au risque d’isolement qui le guettait il y a encore moins d’un an. «Pour ratisser large, rien ne vaut un bon râteau», explique ainsi Claude Bartolone. Et puis à Epinay, puisque telle est la référence, combien pesaient les mitterrandistes à l’entrée du congrès? A peine 15%...

En fait – et c’est peut-être là ce qui compte dans sa marche vers la candidature –, Laurent Fabius se contenterait volontiers d’un congrès qui défait ou détruit. Quand il dit qu’il n’est pas candidat au poste de premier secrétaire ou quand il confie que le champion du PS en 2007 ne sortira pas forcément des rangs de sa future majorité, il parle plus vrai qu’on ne le croit. Le PS, pour lui, n’est pas un instrument qu’il faudrait conquérir, mais un obstacle qu’il faut savoir lever, en attendant que sa désignation, une fois encore, bouleverse la donne et change les comportements. Avec les socialistes, il agit comme avec ses nouveaux amis de gauche ou d’extrême-gauche. Pour le moment, il attend d’eux moins un soutien explicite qu’une tolérance amicale. L’idéal, à ses yeux, serait qu’on le laisse faire devant les Français. C’est le projet qu’au fond il caresse depuis 2001, et auquel il ne parvient pas à renoncer. Quel que soit le contexte.
Son offensive de rentrée porte la marque de cette ambition originale. Le voilà moins directement impliqué dans les jeux internes du PS qu’à d’autres époques de sa carrière. Mais plus soucieux de trouver, face aux obstacles qu’on dresse devant lui, un positionnement qui préfigure celui de sa campagne. S’opposer, c’est se poser. Laurent Fabius, à sa façon, reste un classique. C’est en désignant des adversaires qu’il fixe sa propre identité. Bref, il continue à dire non.

D’abord, bien sûr, à Chirac et à son gouvernement, en essayant de faire croire par la même occasion que sans lui la direction socialiste est naturellement mollassonne. Ensuite à Dominique Strauss-Kahn, dont on n’a pas assez remarqué cet été, à la lecture de la contribution fabiusienne pour le congrès du Mans, qu’il était désormais la cible favorite. Autant qu’un rival pour 2007, c’est le droitier, le seul social-libéral affiché, l’ami de Rocard et de Blair, le vrai logiciel de la majorité sortante qui est ainsi pointé, avec la conviction que dans sa précipitation à écraser tout ce qui bouge autour de lui DSK, une fois encore, sera un facteur de désordre au sein de son camp.

Enfin et surtout, dans une veine mitterrandiste - celle d’avant 1981 -, Laurent Fabius puise dans une critique implacable de la vieille social-démocratie européenne les éléments d’un projet «volontariste» qui explique son non du 29 mai et justifie toute la suite. L’échec annoncé de Gerhard Schröder, en Allemagne, est de ce point de vue pain bénit. S’il perd, ce sera dans la discorde à gauche. S’il sauve les meubles, ce sera en s’alliant avec la droite. Quoi qu’il arrive, il aura, lui aussi, coupé les ponts avec les bases sociales de la gauche du fait d’une politique qui porte l’échec en elle-même. La marque de Fabius, elle est là. L’alignement, pour lui, ce n’est pas la trahison mais l’échec assuré, ce qui dans son échelle de valeur est encore plus grave. Son audace est en fait l’expression d’un réalisme froid. Le train n’est pas encore parti. Mais la machine chauffe.

François Bazin
On dit que ça ne prend qu'une minute pour remarquer une personne spéciale, une heure pour l'apprécier, un jour pour l'aimer. Mais qu'on a ensuite besoin de toute une vie pour l'oublier. Cool as ice.
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6 septembre 2005 18:45
 
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