Une répression musclée s'abat sur les manifestants. Or, les autorités népalaises n'ont pas réussi à dominer l'insurrection maoiste*qui veut installer une démocratie populaire depuis 1996. Le rapport de force a-t-il changé?
- Il convient de reprendre les événements à leur point de départ pour comprendre la situation. En 1996, les maoïstes lancent une guerre révolutionnaire et créent leur propre parti politique. Or, la question de l'expression politique et des libertés est très problématique au Népal. En 1990, l'ex-roi Birendra a instauré le multipartisme tout en emprisonnant certains leaders politiques gênants. Le monarque absolu s'appui alors sur l'armée. Et les paysans n'ont pas idée de la politique qui se fait en ville. Toutefois, la vie change avec la modernisation. Le développement économique permet l'émergence d'une classe moyenne plus au fait des questions politiques, donc plus contestataires car elle a conscience de l'archaïsme du système népalais. Le Népal est une république bananière. Dans le même temps, des écarts de niveau de vie se creusent entre la capitale et le reste du pays.
La situation actuelle prouve que le peuple entier est en colère et veut le changement. Il y a aujourd'hui une tension énorme entre la brutalité de l'armée et la mobilisation massive du peuple. Le problème est de savoir jusqu'où ira la répression, et jusqu'où la communauté internationale laissera la situation se dégrader. Les Américains sont présents au Népal et veillent au grain, mais que peuvent-ils faire? L'armée, installée dans les village, est puissante et contrôle le peuple. En face, il a tout de même des milices maoïstes armées et très aguerries. Tous les éléments sont en présence pour mener à une guérilla.
Le roi Gyanendra, qui s'est attribué les pleins pouvoirs en février 2005, devait calmer les tensions en organisant des élections pour réinstaller un gouvernement. L'opposition n'y croit pas. Les promesses peuvent-elles être tenues?
- Le roi Gyanendra a commencé par limoger son gouvernement en 2002. Il instaure l'état d'urgence en 2003. Et il fait preuve d'une totale incapacité à gouverner avec un parti. Il va ensuite renommer, renvoyer, voire emprisonner plusieurs premiers ministres successifs jusqu'en 2005. Quant aux promesses d'élections, elle relèvent de l'opportunisme, elles n'ont pas de valeur. Les partis ne pensent même pas les préparer dans un contexte où les précédents rendez-vous électoraux étaient bidons. Pour l'instant, l'heure est à l'incertitude. Le peuple est excédé, mais le pouvoir de l'armée reste très fort. Les opposants au régime manifestent sous les balles. Il y a eu bien plus de morts que le nombre déclaré. La situation s'envenime et s'oriente vers une guerre civile.
Pékin aurait fourni des armes au Népal pour éradiquer les guérillas maoïstes. Des discussions sont également en cours sur ce sujet avec l'Inde. De quelle soutien bénéficie concrètement le régime népalais de la part de ses voisins?
- Les armes vont avec tout le reste. Les Chinois construisent les routes, enjeu majeur, et fournissent beaucoup de matériel. La Chine veille et entretient un jeu diplomatique subtil en condamnant les dissidents qui se disent d'inspiration maoïste. Pékin est même parvenu à faire fermer un bureau du Dalai Lama à Katmandou. Certaines manœuvres sur le Népal permettent en filigrane de mettre au pas le Tibet. De son côté, l'inde, très sourcilleuse sur les questions de frontières, a installé ses militaires au nord de la chaîne himalayenne. Le tout doit insidieusement servir des intérêts commerciaux. Les communications commerciales passent par une maîtrise des frontières. Bien que ses ressources aient été pillées par la monarchie, le Népal tient une position géostratégique clé dans la région.
* Maoiste : ne pas prendre l'expression dans un sens péjoratif! La référence au Maoisme, c'est à dire à la pensée de Mao Tsé oung, ancien dirigeant et libérateur de la Chine du joug du colonialisme anglo-saxon, des japonnais puis de la réaction intérieur! Le maoisme est une application des principes du marxisme-léninisme aux conditions concrètes des pays du tiers monde, à dominante paysanne et non industrielle! Le régime capitaliste chinois d'aujourd'hui soutient la réaction népalaise au pouvoir (contre la guérilla populaire) tout comme l'Inde (!) Sanrival.
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