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Le Monde " Le terorisme sahelien et le trouble jeu du pouvoir...
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27 juillet 2018 18:21
5 journalistes du Monde montrent clairement le jeu de duplicité du pouvoir algérien qui soutient des mouvements terroristes ouvertement aliié avec les Ex GIA algeriens ( AQMI ) et BelMokhtar l'homme d'In Amnas dont la prise d'otage sanglante a montré au monde l'incpacité flagrante de l'armée algérienne.

Merci svp afin de pas se livrer à une gueguerre maroco-algérienne mais à un debat qui fait la difference entre le peuple et le pouvoir algérien.



LE MONDE Le 27.07.2018

:Iyad Ag-Ghali, l’ennemi numéro un de la France au Mali

Ce notable touareg, fin stratège, est devenu le chef incontesté du djihad au Sahel. Paris et Washington traquent cet ancien bon vivant qui lança son odyssée meurtrière en manipulant les groupes rebelles, les pouvoirs, à Bamako et à Alger, et les Occidentaux.

Par Cyril Bensimon, Charlotte Bozonnet, Nathalie Guibert, Joan Tilouine et Madjid Zerrouky


Il a connu le Paris branché, la Libye de Kadhafi, les beaux quartiers de Bamako… Iyad Ag-Ghali est revenu s’enfermer dans son désert, où ce guerrier s’est condamné à tuer et à mourir. Le poète inspiré d’autrefois s’applique désormais à instrumentaliser des versets du Coran pour justifier sa grande odyssée meurtrière qu’il appelle « djihad ».

Il mène une existence clandestine, fuyant les téléphones portables, ne se déplacerait qu’à dos de dromadaire ou à moto. Nul ne peut vivre seul dans le Sahara. Lui coordonne de discrets émissaires qui transmettent ordres et messages à ses soldats. Parmi ses anciens frères d’armes, certains assurent qu’il s’entoure d’enfants pour lui tenir compagnie, et se protéger des missiles. D’autres jurent qu’il erre avec un cheptel dans l’immensité saharienne, déguisé en berger, quelque part autour de la frontière séparant l’Algérie de son pays, le Mali.

Iyad Ag-Ghali a aujourd’hui 60 ans, et il écrit la dernière page de sa vie, une existence rythmée par les luttes armées et les négociations politiques au nom des siens, les Touareg. Sa dernière arme est le terrorisme au nom d’Allah. A la tête d’une alliance d’unités djihadistes affiliées à Al-Qaida, baptisée « Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin » (JNIM, Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), Iyad Ag-Ghali est devenu l’homme le plus recherché du Sahel. Paris comme Washington le traquent.

Il a revendiqué le double attentat qui a frappé, le 2 mars, l’ambassade de France et l’état-major général des armées à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Il s’est aussi attribué la responsabilité de l’attaque du 29 juin contre le nouveau quartier général de la force du G5 Sahel – qui réunit des soldats du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad –, à Sévaré, dans le centre du Mali. C’est encore lui qui revendique l’attaque à Gao, dans le nord du Mali, contre une patrouille de militaires français, le 1er juillet, jour d’ouverture du 31e sommet de l’Union africaine.

Pourquoi ce notable touareg a-t-il basculé dans le radicalisme religieux et l’extrême violence ? Comment ce combattant, avide de pouvoir, est-il parvenu à se hisser à la cime de la nébuleuse djihadiste sahélienne, à déstabiliser une région entière, tout en tenant tête à cinq armées locales, ainsi qu’à la plus grande intervention militaire extérieure française de notre époque ? Retour sur un parcours hors du commun.
Fantassin de Kadhafi

Iyad Ag-Ghali n’a qu’une vingtaine d’années au mitan des années 1980, mais déjà l’expérience de la guerre. Dix ans plus tôt, ce fils d’éleveur, issu de la puissante tribu touareg des Ifoghas, qui règne sur une partie du nord du Mali, avait fui cette région, délaissée par Bamako et sinistrée par les sécheresses, pour rejoindre la Libye pétrolière de Mouammar Kadhafi. Ce pays offrait alors à la jeunesse du désert des petits boulots, la nationalité, voire l’accès à l’université. Après un passage dans les camps d’entraînement militaire libyens, certains pouvaient aussi intégrer la Légion islamique du colonel Kadhafi. C’est l’option choisie par Iyad Ag-Ghali, qui entame alors une carrière de fantassin.

A l’été 1982, il est envoyé au Liban pour prêter main-forte aux fedayins palestiniens, pris au piège dans Beyrouth assiégé par l’armée israélienne. Le jeune Touareg, réputé charismatique et bon vivant, découvre la guerre. A son retour en Libye, il n’évoque ni les bombardements meurtriers ni la violence, se limitant à des récits froids et des considérations stratégiques. Il continue de servir, au Tchad et ailleurs, le maître fantasque de Tripoli, dont il se méfie. S’il a endossé l’uniforme du mercenaire, il n’en a pas oublié son propre objectif : faire des populations marginalisées du nord du Mali des citoyens à part entière.

Comme toute sa génération, il a grandi avec le récit des massacres perpétrés contre les siens par l’armée malienne, lors de la première rébellion touareg (1962-1964). Iyad A



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27 juillet 2018 18:22
Suite de l'article du Monde 2e partie :

En attendant, c’est depuis Paris, dans le quartier de la Bastille, qu’Iyad Ag-Ghali organise sa rébellion. Les membres des réunions discrètes, dans les cafés du 11e arrondissement, discutent cellules clandestines et caches d’armes, situées à plus 4 500 kilomètres de là. Il retourne en Libye pour s’équiper, va en Algérie pour organiser la logistique. Son objectif était son fief de Kidal, dans le nord-est du Mali, mais son plan est éventé. Qu’à cela ne tienne. Il fonce avec ses hommes à 670 kilomètres plus au sud, vers Menaka, qu’il atteint le 28 juin 1990, prenant de court l’armée malienne.

« A l’époque, Iyad et les rebelles touareg exigeaient de devenir des Maliens comme les autres. Certains, évidemment, rêvaient d’indépendance, mais cela n’a jamais été mis en avant. Leurs revendications portaient sur une meilleure intégration, avec une forme d’autonomie relative, se souvient l’historien Pierre Boilley, qui a connu le chef touareg. Iyad était mince et costaud, avec une moustache qui lui donnait un air de révolutionnaire latino-américain. Sur le terrain, c’était un bon chef, présent aux côtés de ses hommes dans les bases nichées dans les massifs rocailleux que l’armée malienne ne parvenait pas à atteindre. »

La stratégie fonctionne. Le président malien, Moussa Traoré, se résigne au dialogue. En décembre 1990, une rencontre est organisée, à Tamanrasset, entre Ag Ghali et des émissaires de Bamako, et en présence des services de renseignement algériens, avec lesquels le Touareg entame une longue relation de coopération. Un accord sur la cessation des hostilités est signé le 6 janvier 1991.

« T’as signé n’importe quoi ! », lui reprocheront des camarades de lutte. Il n’en a cure, il s’essaie à la politique. Il est ainsi convié à Bamako, où une jolie maison est mise à sa disposition, et goûte les plaisirs de la capitale : petit whisky entre amis et discothèque. Une attitude qui ne passe pas inaperçue dans le milieu des rebelles touareg, alimentant les soupçons de compromission. On le dit « acheté » par le président Traoré, puis par Amadou Toumani Touré, arrivé au pouvoir après le coup d’Etat de mars 1991.

Conseiller du président Konaré

Le Mali est en ébullition. Le pays se dirige péniblement vers la démocratie. Une conférence nationale s’organise, suivie d’élections législatives et présidentielle, sous l’égide de Traoré qui joue le jeu de la manipulation avec les chefs touareg pour les diviser. L’influence d’Iyad Ag-Ghali s’amoindrit, ce qu’il « vit mal, dit Pierre Boilley. C’est un homme de pouvoir au service d’une cause. S’il n’est pas du genre à plastronner, il aime à guider ». Les rebelles signent le 11 avril 1992 le Pacte national qui prévoit notamment le développement économique du Nord, une décentralisation, et la démobilisation de leurs forces.

Ag Ghali n’est plus au cœur des négociations. Nommé conseiller du nouveau président, Alpha Oumar Konaré (1992-2002), il est officiellement censé défendre les intérêts de sa communauté. Il fréquente alors le gotha politique, dont le premier ministre, Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK »). Elu chef d’Etat en 2013, ce dernier se souvient « d’un homme secret, taiseux et d’un sang-froid à toute épreuve ». Lors d’un voyage au Koweït à bord d’un jet privé, l’avion fait une chute vertigineuse : « IBK » et sa délégation sont tétanisés, Iyad Ag-Ghali, impassible, égrène son chapelet…

L’ex-chef rebelle trompe son monde, feignant d’avoir rompu avec le maquis. De l’autre côté de la frontière, l’Algérie a sombré dans la guerre civile. Sans couper les ponts avec son parrain algérien, il observe la mutation du djihad armé qui a fait du Sahel son sanctuaire. A cette époque, il se construit aussi une confortable demeure à Kidal. « C’était la maison de ses rêves ! Je n’imaginais pas qu’il retournerait dans la clandestinité. Je me suis trompé », confie un haut responsable malien.
L’influence de prédicateurs pakistanais

A la fin de la décennie 1990, celui qui se rêvait en sultan de Kidal s’isole. Lui qui ne priait que rarement se tourne vers le salafisme, sous l’influence de prédicateurs pakistanais implantés dans la région depuis la fin des années 1960, prêchant un retour à « l’islam véritable ». Comme eux, Iyad Ag-Ghali ne s’habille plus qu’en blanc. Ce mouvement prosélyte n’est pas toujours vu d’un bon œil. « Quand il a commencé à fréquenter ces gens, il essayait de me convaincre de prier avec lui. Je lui disais de me laisser faire à ma manière et qu’on réglerait ça là-haut », se souvient un ancien chef rebelle arabe.



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27 juillet 2018 18:25
Suite de l'article du Monde 3e Partie:

Il se limite alors à un salafisme quiétiste, tout en cultivant son réseau au sein de la nébuleuse djihadiste algérienne active dans le Sahara. « En tant qu’ancien chef de rébellion, Iyad incarnait déjà l’autorité à Kidal. Son adhésion à la secte salafiste a ajouté une dimension sacrée à son pouvoir », souligne l’anthropologue et directeur de recherches au CNRS André Bourgeot. En 2003, tout comme quatre ans plus tôt, Iyad Ag-Ghali est ainsi chargé par Bamako de négocier la libération d’otages occidentaux retenus par des djihadistes algériens, avec qui il restera en relation.

Le nord du Mali devient, les années suivantes, le théâtre d’une lutte d’influence entre Alger et Tripoli. Mouammar Kadhafi célèbre en grande pompe le Mouloud (la naissance du Prophète) à Kidal, où il vient d’ouvrir un consulat, tandis qu’à Gao les Algériens ferment leur antenne diplomatique. C’est finalement à Alger que sont conclus, en 2006, les accords entre les représentants de l’Etat malien et les rebelles « pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal ». Une autre rébellion émerge en 2007, mais elle n’est pas sans arranger l’Algérie, au moment où celle-ci cherche à affaiblir les djihadistes retranchés dans le sud du pays, où ils constituent déjà l’embryon d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).

Consul en Arabie saoudite

Iyad Ag-Ghali, lui, a été nommé (sous l’ère du président Touré) consul du Mali en Arabie saoudite. Avant son départ, le Touareg se rend chez Mahmoud Dicko, à Bamako. Cet influent imam wahhabite, qui préside le Haut Conseil islamique malien depuis 2008, se souvient de cette visite. « Il m’a informé de son départ. J’ai pensé qu’il s’était repenti et en avait fini avec la rébellion », dit aujourd’hui le religieux, partisan du dialogue avec une frange des djihadistes. Pourtant, à Djedda, Iyad Ag-Ghali se rapproche, selon plusieurs sources, de militants takfiristes, adeptes d’une doctrine considérant tout musulman non salafiste comme un infidèle qui doit être excommunié et tué.

Il rentre au Mali en 2010. Tout comme il avait tiré profit de la fortune Kadhafi lors de sa première rébellion, il engrange des sommes considérables en échange de ses bons offices en tant que négociateur, une fois de plus, pour la libération d’otages occidentaux – notamment les employés d’Areva enlevés par AQMI au Niger. Une nouvelle occasion de se rendre incontournable, tout en finançant son futur djihad.

A Kidal, il tente encore de s’imposer comme chef de la cause touareg et se propose de diriger le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), récemment créé. En vain. « Son basculement dans le djihad armé date de la fin 2011, quand les fondateurs laïcs du MNLA n’ont pas voulu de lui. C’est à partir de là qu’il s’est allié avec AQMI », relate un influent notable touareg.

La région est désormais inondée d’armes en provenance de la Libye, qui s’enfonce dans la crise politico-militaire à la suite de la révolution du 17 février 2011. Au volant de 4 × 4 ou de véhicules blindés transformés en arsenaux roulants, les combattants touareg de Kadhafi fuient vers le nord du Mali, où les mouvements rebelles se sont effacés au profit de groupes djihadistes semant la terreur. La zone est évacuée par les forces de sécurité maliennes le 1er avril 2012.



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27 juillet 2018 18:26
Suite de l'article du Monde 4e partie :

Alliance avec AQMI et le Mujao

Pour Iyad Ag-Ghali, les temps sont propices à la création de son mouvement, Ansar Eddine (« défenseur de la foi »), qui annonce combattre pour l’instauration de la charia au Mali, avant de revoir son ambition à la baisse et de se limiter à Kidal. Le groupe occupe une partie du nord du Mali, s’allie avec AQMI et le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Leurs hommes appliquent une version obtuse de la charia, coupent des mains, lapident, détruisent les mausolées soufis.

En coulisse, les tractations vont bon train. Les indépendantistes touareg du MNLA pactisent un temps avec Ansar Eddine et AQMI, dont l’émir, l’Algérien Abdelmalek Droukdel, s’appuie sur Iyad Ag-Ghali pour constituer des alliances locales en vue de créer un gouvernement dans l’Azawad ou, plutôt, un « Etat islamique ». « Il conviendrait de confier la présidence du conseil au cheikh Abou Al-Fadl [nom de guerre d’Iyad Ag-Ghali], car il est un symbole. Mais il ne faut pas qu’il ait l’exclusivité de la prise de décision. Pour éviter cela, il doit nommer des collaborateurs issus d’autres courants », peut-on lire dans un document interne d’AQMI, daté du 20 juillet 2012, révélé par Radio France internationale et le quotidien Libération. Grâce à un réseau tentaculaire parmi les groupes rebelles, au sein du pouvoir malien, mais aussi à Alger et au-delà, Iyad Ag-Ghali s’est imposé comme un leader avec lequel le président malien par intérim, Dioncounda Traoré (2012-2013), va devoir compter. Un dialogue est organisé à Ouagadougou en novembre 2012. Les diplomates et certains acteurs maliens veulent croire qu’Ansar Eddine est encore « récupérable ». D’autant que son porte-parole a déclaré qu’Iyad Ag-Ghali serait disposé à « se débarrasser du terrorisme, du trafic de drogue et des mouvements étrangers ».

Lire aussi : Des militaires maliens visés par une enquête après la découverte de fosses communes

Stratège méticuleux, Iyad Ag-Ghali manipule les mouvements rebelles, les Occidentaux et les politiques maliens, dont certains s’obstinent à croire que son objectif est de rétablir le leadership de la noblesse ifoghas sur les Touareg, sans menacer l’intégrité territoriale. Depuis Kidal, d’où il a chassé le MNLA, comme à Gao et à Tombouctou, Ag-Ghali déclare : « Nous sommes maliens et nous sommes contre la division du Mali. » Désormais, il guide la prière, ainsi que des moudjahidin aguerris et lourdement armés.
La France lance l’opération « Serval »

Pour la France de François Hollande, le risque d’une offensive djihadiste sur Bamako est réel. L’opération « Serval » est lancée en janvier 2013 (devenue « Barkhane » en août 2014) pour reconquérir le nord du Mali, laquelle se solde par une victoire militaire sur un adversaire qui, jusqu’à ce jour, ne s’est jamais avoué battu, se régénère et s’adapte. L’insaisissable Iyad Ag-Ghali est désormais l’ennemi public numéro un de la France, qui multiplie les opérations commando pour l’éliminer, sans succès.



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27 juillet 2018 18:28
Suite de l'article du Monde 5e partie :

Lorsqu’un service secret occidental le repère, en 2016, à l’hôpital de Tamanrasset où il se fait soigner, deux « médecins » sont envoyés du Niger pour s’infiltrer dans l’établissement avec un faux blessé et « neutraliser » la cible. « Iyad Ag-Ghali était bien présent, mais il a été changé de chambre au dernier moment », confie une source au fait des détails de l’opération. L’Algérie protège-t-elle ce rebelle devenu le parrain du djihadisme au Sahel, tout en fournissant les militaires français en renseignements et en essence ?


« Posez la question aux Français, pas à l’Algérie !, rétorque le ministre des affaires étrangères algérien, Abdelkader Messahel. Iyad n’est pas chez nous. Ensuite, il est blacklisté : il figure sur la liste des groupes terroristes du Conseil de sécurité des Nations unies. Le combattre, c’est l’affaire des Maliens et l’affaire des amis des Maliens. On n’a rien à voir avec lui. » Plusieurs sources politiques et militaires, à Paris et dans les capitales sahéliennes, assurent pourtant qu’il se rend fréquemment du côté algérien de Tin Zaouatine, bourgade frontalière où résiderait une partie de sa famille.

Le 14 février 2018, les Français déclenchent une opération d’envergure entre Boughessa et Tin Zaouatine, côté malien. Des lieutenants d’Iyad Ag-Ghali sont tués, le groupe est « durement frappé », selon l’état-major français de « Barkhane ». Un mois plus tard, le Touareg lance en représailles des attaques meurtrières, visant l’ambassade de France à Ouagadougou et l’état-major général des armées du Burkina Faso. Bilan : huit militaires burkinabés tués, soixante et un autres blessés et vingt-quatre civils blessés. Il n’est plus un chef rebelle touareg ni même l’émir d’Ansar Eddine : Iyad Ag Ghali règne sur la nébuleuse djihadiste sahélienne.
Certains de ses « partenaires » djihadistes voient plus loin que le Mali : ils rêvent d’unir les groupes d’Afrique de l’Ouest et d’étendre leurs opérations à tout le Sahara

Son intronisation a été rendue publique un an plus tôt, en mars 2017, dans une vidéo. Le visage austère mangé par la barbe, Iyad Ag-Ghali est entouré des caciques du djihad qui ont pris le risque de se réunir pour l’occasion. Sont présents : l’émir d’AQMI Yahia Abou Al-Hammam, son vieil ami peul Amadou Koufa, devenu chef de la brigade « Macina » d’Ansar Eddine, active dans le centre du pays, mais aussi le bras droit de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar (pour le groupe Al-Mourabitoune), Abou Al-Hassan Al-Ansari, ainsi que le « juge » d’AQMI Abderrahmane Al-Sanhaji. Ils scellent la création du JNIM, sous le commandement d’Iyad Ag-Ghali.

Pour la communauté internationale, le notable de Kidal est l’homme à abattre. Pourtant, lors de la conférence d’entente nationale, qui se tient à Bamako fin mars 2017, l’une des recommandations avancées est de tenter une ultime négociation. Elle sera retirée de la version officielle sous la pression de la France. Des tentatives de dialogue sont malgré tout entamées par l’imam Dicko. « Il avait reçu mandat de l’ancien premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga [avril-décembre 2017] pour conduire une mission de bons offices dans le centre et le nord du pays », confie, de son côté, « IBK », tout en précisant que lui-même ne l’approuvait pas.
Des Maliens fuyant les violences du Nord après avoir traversé le fleuve Niger à Korioumé (sud de Tombouctou), le 3 février 2013.

Iyad Ag-Ghali a réussi à fédérer au-delà de la communauté touareg et à s’emparer de ce pouvoir tant convoité. « Il bénéficie d’une grande autorité parmi les groupes insurgés, car c’est un Malien auréolé de son passé de chef rebelle. Cette union au sein du JNIM correspond à la volonté d’Al-Qaida de s’ancrer localement », ajoute Aurélien Tobie, chercheur au Stockholm International Peace Research Institute.



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27 juillet 2018 18:29
Suite et fin de l'article du Monde :

Djihadisme sahélien

Son djihadisme est sahélien. Il intègre les populations peules qui, comme les Touareg, se sentent marginalisées et opprimées par le pouvoir central à Bamako. « Ce n’est plus une relation à l’ethnie, mais à l’islam, donc le combat prend une dimension universelle, souligne André Bourgeot. La stratégie d’Iyad consiste à s’appuyer sur des groupes déjà actifs et à capitaliser sur la colère des communautés à l’encontre du pouvoir malien. » Iyad Ag-Ghali s’appuie ainsi sur de vieilles amitiés, comme le leader djihadiste peul du centre du Mali, Amadou Koufa, un prêcheur populaire et respecté.

Pour certains de ses « partenaires » issus d’AQMI, ce JNIM est la concrétisation d’ambitions anciennes. Eux voient plus loin que le Mali et rêvent d’unir les mouvements djihadistes d’Afrique de l’Ouest. C’est le cas du groupe Al-Mourabitoune, né de l’alliance entre une unité d’AQMI et le Mujao, dont la volonté est de mutualiser les forces djihadistes pour étendre leur zone d’opérations « à tout le Sahara », comme l’expliquait un de ses porte-parole en 2013.

Il reste au JNIM un rival : l’organisation Etat islamique (EI), dont la branche régionale est dirigée par Abou Walid Al-Sahraoui, un transfuge d’AQMI. Loin d’être féroce, cette « compétition » dans la zone dite « des trois frontières » (Mali, Burkina, Niger) agit plutôt comme un démultiplicateur de forces. Du côté d’Al-Qaida, c’est bien Iyad Ag-Ghali qui commande. « Iyad Ag-Ghali et Ansar Eddine ont été durement frappés, mais le groupe est en train de se reconfigurer, dit, de Niamey, le général Bruno Guibert, ex-commandant de la force « Barkhane ». C’est le groupe leader qui donne des ordres à tous les autres et les coordonne. »

La parole du chef s’est cependant raréfiée. Son aura ne franchit pas vraiment les frontières du Sahel. Elle ne s’étend pas en France où, selon la section antiterroriste du parquet de Paris, il n’apparaît pas pour l’instant comme une source d’inspiration des djihadistes de l’Hexagone. Son parcours s’inscrit dans son terroir, où il capte les dynamiques locales. Iyad Ag-Ghali a échappé au contrôle de tous ceux qui pensaient le maîtriser et l’utiliser. De la cause touareg à l’instauration d’un « califat », son combat s’est nourri du désespoir du nord et du centre du Mali. Son histoire est aussi celle d’un Etat-nation incapable d’intégrer l’ensemble de ses communautés.



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27 juillet 2018 22:33
LE MONDE 26.07.2018 à 07h00

Par Nicolas Normand (ministre plénipotentiaire honoraire, ancien ambassadeur au Mali, au Congo et au Sénégal, ancien directeur-adjoint de l’IHEDN)

Au Mali, le chaos résulte d’une succession de faux pas de la diplomatie française »

Pour Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, les opérations « Serval », « Barkhane » et l’accord d’Alger, signé entre Bamako, les séparatistes touareg et d’autres groupes armés, n’ont fait qu’instrumentaliser les luttes intertouareg.

Tribune. Au Mali même, « homme malade » du Sahel, on ne compte pas moins, aujourd’hui, de dix-sept groupes politico-militaires, en dehors même de la nébuleuse djihadiste, ainsi que quatre armées dont trois étrangères. On observe parallèlement une montée continue des attaques et attentats terroristes depuis la signature, en 2015, de l’accord dit « de paix », issu du processus d’Alger, la France ayant curieusement délégué à l’Algérie, au rôle pourtant problématique dans la crise malienne, le traitement politique de la « paix » imposée par l’intervention française « Serval » de 2012. A notre avis, la situation calamiteuse au Mali résulte en bonne partie d’une succession de faux pas de la diplomatie française, entérinés par la communauté internationale.

Cependant, le principe même d’une intervention militaire de la France pour stopper l’avancée vers le centre du Mali d’une colonne de groupes djihadistes, en janvier 2013 (opération « Serval ») était judicieux. Inversement, la décision française de ne pas intervenir en Centrafrique, lorsqu’une colonne de rebelles (la Séléka) descendait vers Bangui, en mars 2013, a entraîné de très graves conséquences (une situation « prégénocidaire ») qui auraient pu et dû être évitées.
Des modalités problèmatiques

Mais ce sont les modalités de l’intervention de « Serval » et ses suites politiques qui paraissent problématiques, car une série de difficultés en résulte en effet directement. D’abord, dans le cadre de « Serval », on avait cru bon de faire un distinguo entre les différents groupes armés, certains (les bandes narco-sécessionnistes plus ou moins « laïques ») étant qualifiés de « politiques » et les autres, trafiquants d’inspiration islamique ou djihadiste, dominants sur le terrain, étant assimilés, à tort ou à raison, à des terroristes. En réalité, il n’y a pas de bons groupes armés dans un Etat démocratique, et chacun aurait dû être neutralisé ou au moins contraint à un désarmement immédiat.

Le monopole de la force légitime doit-il être partagé avec des coupe-jarrets ? Et pourtant, on a cru bon de favoriser considérablement la faction sécessionniste (que les autres groupes avaient alors quasi réduite à néant) en lui livrant même clés en main la ville de Kidal, au grand dam de l’armée malienne et de la souveraineté de Bamako. Au grand dam aussi des autres factions touareg non sécessionnistes et des autres communautés non touareg du Nord, majoritaires dans le septentrion malien.
« Syndicalisme de la kalachnikov »

Faute aussi de se renseigner préalablement sur la sociologie locale, « Serval », puis l’accord d’Alger, puis « Barkhane » se sont ainsi trouvées instrumentalisées dans les luttes intertouareg. Les sécessionnistes résultaient d’une alliance entre les anciens soldats touareg expatriés de l’armée de Kadhafi et l’aristocratie des Ifoghas. Cette tribu est, depuis l’indépendance du Mali, profondément divisée entre ses « nobles » et ses tributaires ou Imghad, majoritaires et qui cherchent à échapper à leur vassalité. Pour préserver leur domination traditionnelle (et aussi pour empêcher le contrôle de l’Etat central sur leurs trafics), les nobles Ifoghas sont en majorité sécessionnistes et leurs tributaires Imghad sont en majorité « pro-Bamako » pour se libérer de la tutelle féodale. Le principal responsable des djihadistes maliens, le charismatique Iyad Ag Ghali, noble et puissant chef Ifoghas, est, quant à lui, en rivalité avec l’amenokal (chef traditionnel) des Ifoghas et avec les anciens militaires libyens pour le leadership de la région de Kidal.

L’appui français aux Ifoghas sécessionnistes a suscité la création de groupes armés touareg pro-Bamako et, aujourd’hui, ces deux factions (qui sont chacune signataire de l’accord d’Alger) ne cessent de s’affronter, notamment pour le contrôle de Kidal et sa région, dans une « lutte des castes » doublée d’une concurrence pour le narcotrafic. Il existe aussi une association pacifique de cadres, élus et dignitaires touareg antisécessionnistes, présidée par le plus haut dignitaire touareg du Mali, l’amenokal des Oulliminden, une tribu qui dominait naguère les Ifoghas.
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27 juillet 2018 22:35
En second lieu, le principe même de passer un accord de paix avec des groupes armés (pour la quatrième fois au Mali avec des rebelles touareg), survalorisés, a été lourd de conséquences : impunité pour ceux qui ont recouru à la violence en déstabilisant toute une région, prime même à la violence grâce aux avantages divers accordés par l’accord d’Alger, récompensant ainsi le « syndicalisme de la kalachnikov », incompréhension et découragement des populations et communautés laissées à l’écart de l’accord parce qu’elles n’avaient pas pris les armes. C’est pourquoi l’on a assisté, après 2015, à une multiplication des groupes armés sur une base tribale (touareg daoussak et kel-antassar) ou communautaires (Songhaï et Peuls), chacun voulant profiter des avantages à négocier et aussi se défendre contre les autres groupes.
Moins tolérant à l’égard des milices

Enfin, le fait de différer le désarmement des groupes signataires de l’accord d’Alger (aujourd’hui ce désarmement, ou DDR, n’a même pas commencé, étant lié à d’interminables discussions) a eu des effets très néfastes. La circulation de bandes armées touareg a incité, par un réflexe d’autodéfense bien traditionnel localement, toutes les autres communautés soit à se placer sous la protection des djihadistes, soit à former leurs propres groupes armés. Dans un tel contexte, personne ne voudra se désarmer et personne ne les y contraint d’ailleurs.

Il n’est plus temps hélas de remettre en question l’accord d’Alger. Mais il faudrait prendre conscience qu’il est très difficilement applicable. Le plus judicieux serait sans doute alors de chercher à l’appliquer de manière beaucoup moins dogmatique, en étant moins tolérant à l’égard des milices et plus ouvert aux préoccupations de Bamako. Bien entendu, une tutelle trop pesante et les menaces de sanctions onusiennes ou autres sur les autorités légitimes ne peuvent que s’avérer contre-productives.

L’expérience montre aussi que la priorité est, dans les zones fragiles et marginalisées, de remettre une présence de l’Etat : gendarmerie, justice, sous-préfet, instituteur motivé, désenclavement, activités économiques. A défaut, l’action militaire, que ce soit celle de « Barkhane » ou de la force conjointe du G5 Sahel, ne peut avoir qu’un impact éphémère.

Nicolas Normand est ministre plénipotentiaire honoraire, ancien ambassadeur au Mali, au Congo et au Sénégal, ancien directeur-ajoint de l’IHEDN
 
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