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Le Maroc, quelle politique religieuse ?
M
13 septembre 2005 09:55
Un article intéressant à lire (par Faouzi Skali)

Le Maroc, quelle politique religieuse ?

Le Matin du 12.09.2005


Il est plus nécessaire que jamais de clarifier aujourd'hui la place et le rôle du champ religieux marocain, en particulier dans ses rapports avec le champ politique. L'enjeu serait, dans ce domaine, d'avoir une politique cohérente, de bout en bout, depuis la clé de voûte de la configuration religieuse marocaine exprimée par l'‹‹Imarat al Mouminine›› (La Commanderie des Croyants) jusqu'aux pratiques et attitudes religieuses sur le terrain et au quotidien. Le Maroc est l'un des rares pays musulmans contemporains qui puisse se prévaloir, au sommet de l'Etat, d'une double légitimité historique religieuse et politique.

Il a été souligné récemment, et il s'agit là d'un point central, que la conjonction de ces deux dimensions ne se réalise qu'entre les mains du Monarque, et de lui seul. Ceci implique qu'en dehors de cette instance ces deux champs se doivent, pour la clarté des rapports entre le politique et le religieux, d'être séparés. La nécessité de cette séparation se justifie par le fait qu'au Maroc l'Islam est religion d'Etat et qu'étant de ce fait une référence commune ne peut donc (ou ne devrait) se prêter à aucune surenchère partisane.

Dans ce contexte toute conception d'un parti politique fondé sur la religion serait une pure et simple contradiction des principes qui sont à la base même de notre société.
Mon but n'est pas de revenir ici sur l'erreur "structurelle" qui a été de laisser entendre qu'un parti politique pouvait, d'une façon plus ou moins explicite, se fonder au Maroc sur des références religieuses. La prochaine loi sur les partis semble vouloir corriger cette anomalie en proscrivant qu'un parti politique puisse se fonder en référence à la religion ou à l'ethnie. Cette loi cependant, nécessaire, ne pourra revêtir tout son sens que si, sur le terrain, est établie une nette séparation entre fonctions religieuses officielles et publiques telles qu'Imam, membre des Majalis al 'Ulama, etc., et appartenance partisane.

Il serait en effet bien difficile d'imaginer dans le cadre d'un jeu politique ouvert et concurrentiel qu'un Imam par exemple, appartenant à un parti politique, ne puisse par cette position même apporter une caution, et donc un appui, religieuse à des fins partisanes.

D'une façon plus directe rien ne pourrait interdire qu'un imam utilise son statut et sa fonction religieuse publique à des fins politiques ou électorales. Une telle situation représente un "conflit d'intérêts" évident qui ne peut plus être acceptable aujourd'hui.

Il n'est que de voir de quelle manière les prêches des mosquées ne cessent de glisser du sens d'une admonestation morale, et donc par définition adressée aux individus, à celle d'une admonestation publique et donc politique, pour se rendre compte, de la grande confusion qui règne dans certains esprits. Dans le Maroc d'aujourd'hui un discours public d'ordre "politique" doit se tenir au sein d'institutions ou de forums (politiques ou de la société civile) où des discours contradictoires peuvent être normalement prévus et régulés.

Le prêche religieux, qui est par nature unilatéral, doit, quant à lui, viser à l'édification des individus et se tenir à un niveau moral et spirituel. A défaut d'une mesure claire de séparation entre la fonction religieuse publique et l'appartenance partisane, qui serait un complément indispensable à la prochaine loi sur les partis, cette dernière risque fort, dans les faits et sur le terrain, d'être vidée de sa substance.

Mais nous devons aller plus loin encore. De nombreuses associations de bienfaisance à caractère islamique sont aussi, et c'est de notoriété publique, instrumentalisées à des fins politiques et idéologiques.
Les Marocains, profondément attachés à leur religion, sont nombreux à vouloir accomplir des dons par une double motivation spirituelle et humanitaire. Ces motivations ne peuvent être détournées à des fins sectaires particulières.

Il n'est pas non plus admissible que des fonds étrangers aux motivations qui peuvent être autant respectables que douteuses puissent être captés par ces mêmes associations et contribuer ainsi à un prosélytisme militant et à une propagation idéologique en complète rupture, voire souvent en opposition radicale, avec l'Islam traditionnel marocain. Il s'agit là de la matrice idéologique et sociale à partir de laquelle nous voyons souvent, médusés, apparaître des formes de religiosité radicales et des accoutrements vestimentaires sans relation avec nos traditions et notre culture.

Il est important que l'Etat puisse maîtriser et réorienter à des fins véritablement sociales et humanitaires, et en conformité donc avec l'intention spirituelle qui doit animer les donateurs, l'ensemble de ces flux financiers.
Une solution serait d'ouvrir un fond spécial (à l'instar du Fond Hassan II) avec toutes les garanties de transparence et de vérifications publiques pour que l'ensemble des dons, librement consentis, puissent être utilisés pour réduire la pauvreté et favoriser le développement social. La Zakat (aumône légale) ou une partie de celle-ci, si tel est le choix du donateur, pourra faire partie de ce fond.

D'une façon générale, il est certain que les religions et leurs ressources humaines sont de plus en plus sollicitées par des instances internationales pour devenir des relais et leviers essentiels du développement. James Wolfensohn, président sortant de la Banque Mondiale, conscient du rôle moteur que les religions pouvaient jouer à cet égard a créé depuis quelques années, au sein même de la Banque Mondiale, un département consacré au rôle des religions et communautés religieuses dans le développement et intitulé "World Faith and Development Leaders".

Dans le contexte propre du Maroc, et en raison de tout ce qui vient d'être évoqué, il ne s'agirait ni plus ni moins que la "bienfaisance" (ihsane), motivée par la foi et le devoir religieux, devienne naturellement l'une des ressources à la fois spirituelle et matérielle de l'Initiative Nationale pour le Développement Humain dont la réussite constitue un défi majeur pour notre pays.
Il reste à aborder ici un dernier volet complémentaire de ceux évoqués et indispensable pour leur mise en cohérence; celui de l'éducation et de l'enseignement islamiques.

Cette clarification évoquée ici du champ religieux nécessite évidemment que le ministère des Affaires islamiques et des Habous assure, en tant qu'instrument privilégié d'Imarat al Mouminine, un rôle central et volontariste. Il serait pertinent, dans cette perspective de "mise en cohérence" des principes qui sous-tendent la politique religieuse du Maroc et de leur mise en application, que ce ministère prenne directement sous sa tutelle l'ensemble des institutions de l'enseignement religieux traditionnel et surtout l'esprit de cet enseignement et son orientation.

Il est clair que le Maroc doit prendre avantage d'avoir su préserver, pendant des siècles, une unité religieuse fondée sur les trois piliers du rite Malékite, de la théologie Ash'arite et de l'éducation spirituelle soufie comme cela est affirmé par le théologien du XVIIe siècle (de J.C) Ibn 'Ashir. Il est non moins évident que cet enseignement tout en s'enracinant dans cette réalité historique doit être également ouvert sur les réalités du monde d'aujourd'hui.

Cela suppose des programmes cohérents et conséquents tant des sciences religieuses traditionnelles que d'histoire, de sciences humaines, de religions comparées et d'humanités ou encore une connaissance réellement efficiente des langues et civilisations étrangères.

Ce n'est qu'au prix d'un enseignement approfondi, ouvert et de qualité que le Maroc pourra assurer une formation, à la hauteur des défis actuels, d'ulama et d'imams et s'immuniser contre des idéologies extrémistes polymorphes qui s'abattent sur les jeunes marocains -et les moins jeunes- à travers les forces conjuguées des satellites, de l'Internet et des publications de brochures, CDs et autres DVDs, en grandes quantités, gratuitement ou à des prix dérisoires.

De même qu'une révision et reformulation sérieuse et pédagogique des manuels scolaires dédiés, dans le cadre de l'Education nationale, aux manuels d'éducation islamique s'avère indispensable et urgente. Le "profil de sortie" (pour employer un terme pédagogique) du citoyen marocain en dépend. Cette culture islamique de base est souvent la seule que recevra la grande majorité de la population scolarisée de notre pays. Celle-ci doit donc jouer un rôle essentiel lui permettant de se défendre contre toutes formes d'endoctrinement par des idéologies, souvent importées, à la fois simplistes et extrémistes.

La clarification des règles du champ religieux du Maroc et leur mise en cohérence aura pour but non seulement d'apporter de la sérénité dans ce champ, ce qui est bien naturel s'agissant de spiritualité, mais aussi et par contrecoup, dans le champ politique lui-même. Si personne n'est à l'abri aujourd'hui de courants extrémistes par nature "déterritorialisés" le Maroc a les moyens de se prémunir d'une culture de la "Fitna" (dissension interne).

Ce n'est que sur les bases de ces prémisses, clairement établies, que le jeu politique pourra en effet s'assainir et que l'ensemble des Marocains pourront continuer à explorer et ouvrir, durablement et sans surenchères, le champ d'une culture des droits démocratiques et humains et des droits d'expressions publiques.

Chaque pays, eu égard à certains principes universels mais aussi à son histoire et son rythme propres, est en droit d'exprimer ce qui lui apparaît à différents moments de son évolution être les règles les plus appropriées de sa gouvernance et de sa gestion, d'affiner progressivement son propre "projet de société".

* Faouzi Skali - est docteur d'Etat en anthropologies, ethnologies et sciences des religions, professeur universitaire et écrivain.





m
13 septembre 2005 12:47
Murakuch,

t'aurais dû intituler ton post "traité de laîcisation du Maroc" en toute honnêteté


bravo pour tes sources: un quotidien torchon bouffon du Palais






bien à toi
a
13 septembre 2005 18:26

mymo

commentes un peu, eclaires-nous !!!

le torchon dont tu parles, appartient à un saoudite
grand professionnel de la presse
J
JD
13 septembre 2005 18:50
amazigh l'arabe a écrit:
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> > mymo
> commentes un peu, eclaires-nous !!!
> le torchon dont tu parles, appartient à un
> saoudite grand professionnel de la presse
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bonjour amazigh l'arabe

torchon où pas, certaines des questions posées sont pertinentes et mériteraient un débat serein.

par exemple le lien entre religion et politique.
entre la laïcité laïcarde et la restauration du califat, où se situe le juste milieu ? y a t il des domaines dont le pouvoir religieux doit être exclu ? etc...

cordialement

i
13 septembre 2005 23:27
 
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