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L'ascenseur social ne démarre pas au 15e étage !
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18 janvier 2010 15:22
L'ascenseur social ne démarre pas au 15e étage !... par Alain Cadix
LEMONDE.FR | 18.01.10 | 12h32

Le débat sur l'élitisme des grandes écoles est à nouveau ouvert. Depuis fort longtemps, en effet, les catégories sociales les plus modestes et défavorisées sont notoirement sous-représentées dans les grandes écoles, et de façon encore plus marquée dans les prestigieuses. Et cela ne s'est pas arrangé au cours des vingt-cinq dernières années. Un phénomène de même nature et d'une ampleur voisine touche les ex-troisièmes cycles universitaires (DEA et DESS, aujourd'hui master). Dès lors il faut se pencher sur les causes communes, nous y reviendrons.

Face à un réel et préoccupant déséquilibre social, la tentation a été grande, naguère, d'essayer de "casser" ou de "dissoudre" le système des grandes écoles, faute de trouver des voies alternatives pour y faire accéder plus de jeunes d'origine modeste. A défaut de faire fonctionner l'ascenseur social, n'était-il pas plus aisé d'étêter l'édifice éducatif ? Mais tirer vers le bas ne grandit pas une nation. Cette tentation n'épargne pas encore quelques milieux où l'on argue que les grandes écoles détournent les meilleurs éléments des voies qui conduisent à la recherche, occultant la contribution essentielle des grandes écoles et de leurs anciens élèves à la R & D des entreprises mais aussi à la recherche publique ; que les grandes écoles ont une faible valeur ajoutée, seul le concours d'entrée ayant la valeur d'une certification, omettant de dire que tous les pays avancés mettent en place des procédures de sélection très sévères pour la part la plus en pointe de leur enseignement supérieur, etc. Beaucoup érigent alors Sciences-Po, avec sa filière ZEP (zones d'éducation prioritaire), en modèle républicain d'égalité des chances. C'est un succès sur le plan "microsocial " : l'institut s'enrichit incontestablement de l'apport de la mixité. Ce n'est pas satisfaisant au plan "macrosocial".

Sciences-Po sélectionne, avec une procédure particulière, par un concours adapté, des élèves venant d'une soixantaine de lycées de zones d'éducation prioritaire avec lesquels l'institut a passé des conventions. La sélection se fonde sur la détection de capacités non académiques et d'un potentiel, à partir d'une composition d'un dossier de presse et du passage d'un oral.

Il y a en France environ 700 ZEP. On y trouve 180 lycées, d'enseignement général et technologique, professionnels, accueillant environ 100 000 lycéens. Ne s'intéresser qu'à eux, et même qu'à une partie d'entre eux, est restrictif et inéquitable. De plus, il ne faut pas laisser pour compte les dizaines d'établissements, parmi les 2 500 lycées hors ZEP, qui accueillent massivement, sans possibilité de convention avec Sciences-Po, les lycéens venus de nombreux collèges eux-mêmes en éducation prioritaire. Par ailleurs, on ne peut oublier les familles modestes, voire défavorisées, dont les enfants n'ont jamais fréquenté, pour des raisons territoriales, d'établissement en ZEP. On ne peut, par exemple, délaisser les trois départements (Cantal, Haute-Loire, Lozère) qui ne sont pas éligibles à l'éducation prioritaire. Pourquoi les enfants de milieu modeste du Massif central n'auraient-ils pas le "droit" à un accès adapté à Sciences-Po ? Où est l'égalité républicaine ? Fondamentalement, le système Sciences-Po qui est peut être satisfaisant localement, au sein de l'institut, n'est pas acceptable globalement.

Au fond, la raison de ce malaise et de ces débats vient du fait qu'on essaie de pallier en fin de parcours éducatif les dysfonctionnements majeurs de notre système scolaire. L'ouverture sociale des grandes écoles soulève polémiques et pose questions dans la sphère du ministère de Valérie Pécresse. Fondamentalement, c'est celui de Luc Chatel qui est concerné.

En effet, les grandes écoles (et les formations universitaires de master), en bout de chaîne, puisant dans les viviers qui leur sont préparés en amont, c'est vers l'amont qu'il faut porter le regard pour essayer d'expliquer (en grande partie) cet élitisme du haut enseignement supérieur. Trois études, conduites au sein du ministère de l'éducation nationale, apportent des éclairages intéressants :

1. Près de 80 % des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) étaient dans le quart supérieur à l'évaluation en 6e ; les jeux semblant ainsi quasiment faits dès l'entrée au collège. Cette proportion va peut-être évoluer avec le quota désormais atteint de 30 % de boursiers dans les CPGE.

2. Il existe une corrélation très forte entre les résultats à l'évaluation en 6e et les résultats à l'évaluation en CE2, avec un avantage marqué aux enfants des catégories professionnelles intellectuelles et supérieures.
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19 janvier 2010 10:40
3. Plus en amont encore, au début du CP, l'avantage des enfants de milieux favorisés est particulièrement net pour la pré-lecture, la reconnaissance des lettres, la maîtrise des concepts liés au temps.

On constate ainsi clairement un phénomène de transitivité et d'amplification de l'inégalité scolaire du CP aux CPGE. Ce qui est posé a priori comme un problème à résoudre par ou après les classes préparatoires devient un problème posé dès le cours préparatoire…

Les grandes écoles ont fait de méritoires efforts ces dernières années pour s'ouvrir à la mixité. Mais l'ouverture sociale est bridée par la structure catégorielle des viviers en amont. Le taux de 30 % de boursiers en CPGE aura un effet mécanique sur la structure sociale des élèves entrant dans les grandes écoles, et cela ira dans le bon sens. Cependant, vouloir imposer un tel pourcentage à toutes, dans les flux entrants, risque de conduire à un déplacement de la sélection. Les grandes écoles vont probablement obtempérer aux directives du gouvernement. Elles vont probablement faire évoluer leurs concours pour permettre une plus grande mixité sociale à l'entrée. Mais il y a fort à parier qu'alors, pour garantir la qualité de leur diplôme principal, ce qui est essentiel, vital pour elles, certaines grandes écoles seront amenées à créer un diplôme à bac+3, une licence, comme du reste Sciences-Po récemment, transformant la première année d'études en leur sein (troisième et dernière année du cycle licence) en une année de sélection qui sera théorique par ses enseignements et draconienne par ses évaluations. Avec plus de 13 de moyenne (par exemple), l'élève continuera vers le diplôme de la grande école. Entre 10 et 13, il aura la licence et quittera l'établissement. En dessous de 10, il sera réorienté vers l'université. Et nous reviendrons peu ou prou à la case départ tant que le problème ne sera pas pris en charge très en amont, bien avant le baccalauréat, au cours des quinze années de scolarité, maternelle, primaire et secondaire. Car, décidément, l'ascenseur social de la République ne démarre pas au 15e étage de l'édifice éducatif !...

Alain Cadix, ancien président de la Conférence des grandes écoles, est directeur de l'Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI – Les Ateliers). Cet article n'engage pas la Conférence des grandes écoles.
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19 janvier 2010 10:57
L'expérience de la discrimination positive aux Etats-Unis
LEMONDE.FR | 18.01.10 | 16h35 • Mis à jour le 19.01.10 | 10h30

Alors que Valérie Pécresse vient de confirmer l'objectif du gouvernement d'atteindre 30 % de boursiers dans les grandes écoles françaises, Le Monde.fr examine les politiques de discrimination positive menées dans trois pays : Etats-Unis, Brésil et Inde. Premier volet aux Etats-Unis.

L'"action affirmative" – pendant américain de la discrimination positive – est née de la lutte pour les droits civiques et l'abolition de la ségrégation raciale. A la fin des années 1960, le gouvernement républicain de Richard Nixon entend favoriser, par des politiques de traitement préférentiel, l'accès à l'emploi et l'admission dans les universités de certains groupes ayant fait l'objet dans le passé de pratiques discriminatoires. Cette politique est toutefois intéressée et vise à rétablir l'ordre public à la suite d'une vague d'émeutes raciales qui font plus de 170 morts et 7 000 blessés entre juin 1964 et 1968.

L'affirmative action américaine désigne au départ des dispositions destinées à susciter en amont une augmentation du nombre de candidats noirs à certains postes. Ce n'est que dans les années 1970 que se met en place une politique de recrutement spécifique, avec dans certaines universités, l'instauration de quotas ethniques.

DISPOSITIFS INFORMELS

Ces derniers ne font pas long feu puisqu'en 1978, l'arrêt Bakke de la Cour suprême condamne la faculté de médecine de l'Université de Californie, qui réservait 16 % de ses places aux étudiants noirs et hispaniques. Mais si la Cour suprême rejette les quotas, elle fixe la diversité comme objectif de recrutement. Les universités doivent donc revoir leurs programmes de recrutement pour les rendre informels et flexibles. La prise en compte du facteur ethnique doit être un élément positif parmi d'autres dans l'examen des dossiers pour atteindre la diversité.

En 2003, trois étudiants blancs recalés par la faculté de droit de l'université du Michigan, s'estimant lésés, saisissent à nouveau la Cour suprême. "Au-delà de l'interdiction des quotas, la Cour précise alors dans son arrêt que la valeur attribuée au facteur racial ne doit pas être quantifiée à l'avance", indique Daniel Sabbagh, spécialiste de l'affirmative action et directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CERI-Sciences Po). En d'autres termes, le "bonus" attribué aux étudiants noirs ou hispaniques ne peut être fixé par avance. En parallèle, la Cour suprême confirme la validité des programmes visant à obtenir une "masse critique" d'étudiants noirs ou hispaniques dans les universités. Cette "masse critique" n'est pas quantifiée, et les moyens pour y parvenir ne sont pas précisés. La Cour suprême entérine ainsi le principe de programmes informels et flexibles.
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19 janvier 2010 10:59
REJET POPULAIRE

Depuis le milieu des années 1990, plusieurs Etats ont toutefois rejeté la discrimination positive. Au Texas, dans le Mississippi et en Louisiane, le dispositif a été temporairement aboli par des décisions juridiques, avant d'être réintroduit par l'arrêt de la Cour suprême de 2003. En revanche, dans cinq Etats, la question, soumise par référendum, a été durablement tranchée. Le premier à abolir l'affirmative action a été la Californie, en 1996, suivi de la Floride, de l'Etat de Washington, du Michigan et plus récemment du Nebraska. Mais l'abolition ne concerne que les universités publiques. En Californie par exemple, l'université privée Stanford continue de pratiquer très activement la discrimination positive.

"A chaque fois que la question de l'action affirmative est soumise à référendum, le vote débouche sur l'abolition du dispositif à une très large majorité, remarque Daniel Sabbagh. La contestation porte sur des arguments juridiques, moraux et philosophiques, pas sur les données empiriques fiables d'évaluation des programmes."

Des chercheurs ont révélé que dans les universités de ces cinq Etats ayant aboli le dispositif, la part des étudiants noirs avait chuté de façon parfois drastique. Une étude menée par trois chercheurs de l'université de Floride, publiée dans la revue InterActions, montre par exemple qu'à l'université de Los Angeles (UCLA), la proportion des étudiants afro-américains en première année est passée de 7,3 % en 1995 à 2,3 % en 2005.

ALTERNATIVES

En Floride, la baisse a été moins flagrante : la proportion de Noirs est passée de 11,3 % en 2000, date à laquelle la discrimination positive a été jugée illégale, à 9,4 % en 2005. L'abandon de cette politique a été compensée par un système d'admission automatique des meilleurs élèves. En parallèle, l'université a augmenté le nombre de places disponibles.

"Des dispositifs alternatifs sont venus se substituer à l'affirmative action", relève Daniel Sabbagh. Ainsi, au Texas, depuis 1997, chaque lycée, riche ou pauvre, peut envoyer à l'université les 10 % d'élèves les mieux notés. "Le Texas a élaboré une batterie d'indicateurs de désavantage, tous plus ou moins liés au fait d'être noir ou hispanique", poursuit le chercheur. Chaque candidature à l'université est examinée à l'aune d'une série de question : le candidat est-il bilingue (ce qui favorise les hispanophones) ? A-t-il fait sa scolarité dans un lycée autrefois victime de ségrégation ? Sera-t-il le premier dans sa famille à obtenir un diplôme, etc.

L'université de Berkeley a quant à elle mis en place une approche "holistique" de l'examen des demandes d'inscription – une référence à la médecine holistique, qui privilégie une approche globale de la santé d'un individu. "Après les évaluations séparées des différents volets de la demande [notes, activités extra-scolaires, motivation...], dans la phase finale, une seule personne prend connaissance de l'ensemble du dossier", expliquait au Monde un porte-parole de l'université en janvier 2007. "Nous pouvons ainsi évaluer l'éligibilité d'un élève, non pas seulement en fonction de ses résultats scolaires, mais en tenant compte du contexte local."

EFFICACITÉ

Les politiques d'action affirmative ont-elles joué leur rôle ? "A court terme, elles sont efficaces et arrivent à faire entrer plus de Noirs et d'Hispaniques dans les universités", estime Daniel Sabbagh. Les études empiriques montrent par ailleurs que plus l'université est sélective, plus le taux d'obtention des diplômes est élevé pour toutes les catégories d'étudiants. L'explication de ce paradoxe tient à la motivation des étudiants sélectionnés et aux moyens dont disposent les meilleures universités pour accompagner leurs étudiants. Mais dans les universités moins sélectives, il demeure un écart de performance entre étudiants.

Quant à savoir si l'affirmative action à l'université a favorisé l'intégration plus large des Noirs et Hispaniques dans la société, la réponse est complexe. Certes, le nombre de Noirs appartenant à la classe moyenne a quadruplé, tandis que le nombre de Noirs pauvres a diminué de moitié. Mais 25 % des Afro-Américains continuent de vivre sous le seuil de pauvreté, contre 8 % des Blancs, et la ségrégation géographique continue d'être une réalité, Noirs et Blancs n'habitant pas les mêmes quartiers.

Demain : Au Brésil, la difficulté de définir la couleur de peau

Mathilde Gérard
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19 janvier 2010 11:45
J'adore ce genre d'articles.....

Qu'est ce qu'il faut en conclure ?
Qu'il vaut mieux naitre dans une famille aisée que dans une famille pauvre
Qu'il vaut mieux naitre dans une famille d'un certain niveau d'instruction que dans une famille de bac-5
Qu'il vaut mieux etre fille ou fils d'enseignant.

Et surtout....qu'il faut pousser ses gamins.

Ca se passe comme ca partout dans le monde.
Alors....a quoi bon defoncer des portes ouvertes ?

On vit dans une société inegalitaire, expression de nos strates sociales.
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19 janvier 2010 12:03
Bonjour Icare,
toutes les sociétés sont inégalitaires, c'est une évidence. Les seuls pays qui avaient essayé (je dis bien essayer) à créer une société moins inégalitaire, c'était les anciens pays communistes, avec le résultat qu'on connait!
la question qui se pose est comment donner la même chance à tous les enfants à l'école? j'avoue ne pas avoir de réponse claire, tellement la situation me paraît complexe. Plus de moyens pour l'enseignement, c'est évident mais est-ce suffisant?
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20 janvier 2010 11:47
Au Brésil, une discrimination positive sur des critères raciaux et sociaux
LEMONDE.FR | 19.01.10 | 12h53 • Mis à jour le 19.01.10 | 13h09

Alors qu'en France, les grandes écoles ont finalement accepté, lundi 18 janvier, l'objectif du gouvernement d'atteindre 30 % d'étudiants boursiers, Le Monde.fr se penche sur trois expériences de discrimination positive menées à l'étranger. Deuxième volet de cette série : la discriminação positiva mise en place au Brésil.

Au Brésil, les Noirs ou Métis représentent environ 45 % de la population, mais seulement 15 % des étudiants. En revanche, ils sont largement surreprésentés parmi les couches les plus pauvres de la société, constituant par exemple 90 % des analphabètes. Cette situation est le résultat de siècles d'esclavage et de persécution des populations noires et amérindiennes. Le Brésil a été un des derniers pays au monde à abolir l'esclavage, en 1888. Mais si les esclaves ont été affranchis, l'Etat ne leur a pas donné les moyens de s'intégrer dans la société.

Le principe de discrimination positive pour favoriser l'accès des plus défavorisés à l'enseignement supérieur a vu le jour au Brésil en 1995, sous l'impulsion du président Fernando Henrique Cardoso. Mais c'est Luiz Inacio Lula da Silva, l'ex-métallo arrivé au pouvoir en 2002, qui a poussé le concept le plus loin.

L'accès aux quelque 200 établissements supérieurs publics brésiliens est conditionné à la réussite d'un examen : le vestibular. Pour ceux qui échouent à ce concours d'entrée, il reste la possibilité d'intégrer l'un des 1 800 instituts privés, généralement très chers et moins performants.

NEGRO, PRETO OU MORENO ?

Depuis 2000, près de cinquante universités ont mis en place un système qui "bonifie" les notes de certains élèves au vestibular, en fonction du niveau de revenus de leur famille, mais aussi de leur couleur de peau. Cette mesure, qui a permis entre 2001 et 2008 à près de 52 000 étudiants des classes sociales les plus pauvres d'accéder à l'université, ne s'est pas instaurée sans heurts. Plusieurs journaux, dont l'influent hebdomadaire Epoca, ont crié au scandale, dénonçant le "mépris du mérite".

Par ailleurs, la définition de l'appartenance ethnique reste problématique. Il existe au Brésil plus d'une centaine d'adjectifs pour qualifier la couleur de peau. D'une région à une autre, ces qualifications varient, alors que tout Brésilien, ou presque, peut revendiquer un ancêtre noir ou métis. En 2003, un cas avait fait grand bruit : Diego Designe, blanc de peau, s'était inscrit comme Noir à l'examen de comptabilité de l'université de Rio de Janeiro, où il avait été admis grâce aux quotas. Cloué au pilori par la presse, il avait finalement renoncé à profiter abusivement de ce passe-droit.

CRITÈRES RACIAUX, CRITÈRES SOCIAUX

Le gouvernement a donc décidé de s'appuyer sur d'autres critères de quotas. En novembre 2008, les députés ont approuvé un projet de loi réservant 50 % des places dans les universités publiques fédérales aux élèves ayant effectué leur scolarité dans l'enseignement public. Car c'est là que le bât blesse : la quasi-totalité des élèves des écoles et lycées publics, dont l'enseignement prépare mal aux études supérieures, sont d'origine modeste, tandis que les classes aisées envoient leurs enfants dans des établissements privés à meilleure réputation.

La mesure, détaillée par le portail d'information UOL prévoit, en outre, de réserver 25 % des places aux élèves dont les familles ont des revenus inférieurs à une fois et demi le salaire minimum. Mais le projet de loi doit encore recevoir l'aval du Sénat. Or son feu vert est incertain : en cause, indique Ultimo Segundo, un amendement, introduit depuis le vote des députés, incluant de nouveaux quotas sur la base de critères raciaux. La Cour suprême doit se prononcer le 5 mars sur ce sujet.

Demain : L'Inde, terrain d'expérimentation précoce
Mathilde Gérard
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21 janvier 2010 12:00
L'Inde, terrain d'expérimentation précoce

Alors qu'en France, les grandes écoles ont finalement accepté, lundi 18 janvier, l'objectif du gouvernement d'atteindre 30 % d'étudiants boursiers, Le Monde.fr se penche sur trois expériences de discrimination positive menées à l'étranger.

L'Inde est un des premiers pays au monde à avoir expérimenté des politiques de discrimination positive. En effet, dès le XIXe siècle, les colons britanniques ont mis en place un système de quotas (reservations) pour favoriser la caste des intouchables. La portée de ce geste est toutefois restée limitée et n'a jamais menacé la mainmise sur la société des "deux fois nés" (les brahmanes, les guerriers, les marchands).

En réservant des écoles, à partir de 1892, aux "depressed classes" – le terme officiel pour désigner les intouchables jusque dans les années 1930 –, les colons ont porté leur taux d'alphabétisation à 6,7 % pour les garçons et 4,8 % pour les filles en 1921, un taux qui est resté extrêmement faible. Une politique de bourses s'est progressivement développée. En 1934, 8,5 % des postes vacants de la fonction publique leur ont été réservés, un taux porté à 12,5 % en 1946 pour être proportionnel à la part des intouchables dans la population. En parallèle, la politique de réservation a été étendue aux populations tribales (7 % de la population en 1951). Reste que ces quotas n'ont jamais été remplis, soit par manque de candidats, soit parce que les responsables d'universités ou d'administrations ne se souciaient guère de les faire respecter.

DES CASTES AUX "GROUPES RÉPERTORIÉS

En 1947, à l'indépendance, le principe de "discrimination positive" n'a pas été remis en cause. Mais son extension à la catégorie intermédiaire des castes dites "arriérées" a provoqué l'opposition des élites indiennes. Les "backward classes" incluent en effet des catégories très hétéroclites, allant de castes impures, comme les blanchisseurs et les barbiers, dont le statut se distingue à peine de celui des intouchables, aux castes nobles, comme celles des cultivateurs et des propriétaires fonciers. Leur réserver des places dans les universités et les administrations revenait à directement menacer les "deux fois nés".

Un des problèmes rencontrés en Inde tient au fait que la discrimination positive prenant en compte l'appartenance à une caste revient à figer le système. Or les castes ont été officiellement abolies par la Constitution promulguée en 1950, tout en restant l'élément structurant de la société. Dans le rapport "La commission sur l'égalité des chances : quoi ? pourquoi ? comment ?" (février 2008), portant sur la création d'une agence gouvernementale consacrée à la discrimination positive, un comité d'experts préconise de ne pas restreindre la question de la diversité sociale à celle des castes, qui par ailleurs ne concernent que les hindouistes (82 % de la population) et ne prennent pas en compte les autres minorités : musulmane, sikh, chrétienne. Le rapport précise que "l'identité des sections déshéritées n'est pas tant fondée sur la religion ou les castes, mais plutôt sur leur enlisement dans la pauvreté, et par conséquent leur incapacité à avoir accès aux mêmes opportunités".

UNE EFFICACITÉ LIMITÉE

Le 10 avril 2008, la Cour suprême a toutefois approuvé l'extension des quotas fondés sur les "groupes répertoriés" – les seuls désormais recensés – dans les collèges et les universités. En plus des 22,5 % de places déjà réservées aux étudiants des "castes et tribus répertoriées", 27 % sont dédiées aux étudiants issus des "autres classes arriérées". Au total donc, près de la moitié des places universitaires sont réservées aux étudiants des catégories défavorisées. La Cour suprême a posé plusieurs garde-fous à cette discrimination positive : les plus privilégiés des basses castes sont exclus du dispositif, qui devra être réévalué tous les cinq ans.

Sa mise en place a cependant lancé une vague de manifestations dans le pays. La levée de boucliers est même venue de la part de membres des castes inférieures, estimant qu'il valait mieux leur donner de meilleures opportunités dès le plus jeune âge, grâce à une meilleure éducation primaire et secondaire. Car le système de quotas n'a guère fait preuve de son efficacité. Si plusieurs dalits – intouchables – ont accédé à des postes de responsabilité politique, la part des intouchables vivant sous le seuil de pauvreté a été multipliée par six entre 1950 et 2005.
Mathilde Gérard
 
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