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L'armée israélienne, côté femmes
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17 décembre 2006 23:00
Une jeunesse comme aucune autre, depuis cette semaine sur les écrans français. Ce film tourné par deux femmes, Dalia Hager et Vidi Bilu, brosse le portrait de deux appelées à Jérusalem. L'armée israélienne version féminine... Une jeunesse comme aucune autre confirme la place de plus en plus prépondérante des femmes sur la pellicule. Emergence d’une vraie sensibilité féminine qui va de pair avec l’apparition d’une nouvelle forme de cinéma engagé. Un cinéma moins directement impliqué dans le conflit israélo-palestinien que ne l’est, par exemple, le travail du militant Amos Gitaï mais non moins critique à l’égard de la société israélienne. Paroles de femmes ou les voix vives du cinéma israélien.

Dans une cabine, une femme se déshabille. A sa mine lasse, le spectateur devine que cette personne ne se trouve pas dans la cabine d’essayage d’un grand magasin. En d'autres termes, qu’elle ne se déshabille pas pour son plaisir. Peu à peu, le plan s’élargit et l’intuition se confirme. Nous sommes à un check-point. Face à face, des jeunes filles israéliennes soumises au service militaire obligatoire et des mères de famille arabes. Toutes, qu’elles soient en civil ou en uniforme, pressées d’en finir et de rentrer chez elles. Ainsi commence Une jeunesse comme aucune autre, entre voyeurisme et préoccupation commune, féminine. L’algarade ne tarde pas à éclater d’ailleurs entre les gradées et les appelées au nombre desquelles Smadar et Mirit, 18 ans et des envies assez peu compatibles avec leur statut de soldats.

Désignées pour patrouiller ensemble dans un quartier de la ville sainte, leur mission consiste à interpeller les passants palestiniens et vérifier leur identité. Officiellement. Car dès que les cerbères ont le dos tourné, elles en profitent pour fumer, flâner, regarder les vitrines, aller chez le coiffeur même. Désobéissance qui atteint des sommets quand les affaires de cœur s’en mêlent. Le film joue d’ailleurs de ce décalage permanent entre cette posture masculine qu’on leur demande d’afficher et la réalité de leur propre vie. Et l’on frôle l’absurde le jour où la violence les rattrape. Impuissantes, l’une comme l’autre, à endiguer ce soudain débordement d’agressivité. C’est la scène aussi où nos deux patrouilleuses surprennent leur commandant, pourtant d’ordinaire revêche et plutôt à cheval sur le règlement, en train d’embrasser son amant sur un pas de porte. La «fautive» finissant par leur sourire, complice. Enfin une note d’humanité au beau milieu de cette parodie militaire. En témoigne encore cette réflexion signée Mirit, la grande gueule du duo, pour justifier son manque de zèle, «je ne reconnais peut-être pas les Arabes». Bref, à quoi bon faire semblant.

Pour autant nul angélisme de la part de Dalia Hager et de Vidi Bilu. Les deux réalisatrices s’arrangent au contraire pour brouiller les pistes y compris dans ce couple que forment involontairement Smadar et Mirit. Moins définitivement campées que ne le laisse supposer la présentation, la plus docile se révélant au bout du compte la moins soumise. La guerre n’est pas absente, non plus. L’un des moments les plus impressionnants de cette fiction tournée sur le mode documentaire : l’attentat dans une rue de Jérusalem. Le silence, un vol d’oiseaux… La panique sans images affolées.

Un cinéma au féminin

Avec cette nouvelle histoire de femmes prises au piège de la société qui les entoure, Une jeunesse comme aucune autre apporte sa pierre au nouvel édifice cinématographique qui se dessine depuis deux ou trois ans en Israël. Nouvelle école, nouvelle vague… Qu’importe les appellations, une chose est sûre, cette dynamique nouvelle met la femme au centre de l’écran.

Ce fut depuis 2004, Avanim du Français Raphaël Nadjari (la question de l’orthodoxie religieuse à travers le portrait d’une femme), Prendre femme de et avec Ronit Elkabetz, (le récit d’un couple qui se déchire), Mon trésor de la jeune Keren Yedaya (portrait d’une mère, prostituée, et de sa fille; Caméra d’or à Cannes) ou encore le très beau Tu marcheras sur l’eau d’Eytan Fox (pas d'héroïne femme mais un agent de Tsahal en proie aux doutes) et aujourd’hui ce film sur le service militaire au féminin, sujet assez peu montré jusqu’alors. Les femmes – ou la perte des habituels repères virils – sont ainsi à l’origine d’un nouveau cinéma engagé qui, mine de rien, remet en question la société israélienne. Non plus à la manière directement militante d’un Amos Gitaï, le cinéaste par excellence de l'engagement et du dialogue israélo-palestinien. Au contraire, le conflit est souvent hors-champ mais, même sur le mode plus intimiste, ce cinéma-là n’en demeure pas moins incisif quand il interroge l’identité israélienne, en donnant la parole à une frange plus marginale de la société. Moyen peut-être au bout du compte, d’intéresser de nouveau les Israéliens à une guerre qui, de l'aveu même des réalisatrices d'Une jeunesse comme aucune autre, les laisse aujourd'hui indifférents. Et de raviver, ici aussi, la curiosité à l'égard d'un des conflits les plus médiatisés au monde.



Elisabeth Bouvet, RFI
 
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