Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Investig'Action a interviewé M. Cohen lors de son passage à Bruxelles
w
7 janvier 2011 04:31
Salam

Jacob Cohen, écrivain franco-marocain

Les sayanim : des « agents dormants » très actifs au service d’Israël


Les sayanim sont des juifs de la diaspora qui, par patriotisme, collaborent avec le Mossad dans le domaine de l'espionnage ou de la désinformation. Ils constituent également le thème principal du dernier roman de l'écrivain franco-marocain Jacob Cohen. Investig'Action a interviewé M. Cohen lors de son passage à Bruxelles sur cet obscur réseau d'influence ainsi que sur l'état actuel et l'évolution de la situation au Proche-Orient.

Qui sont les sayanim ?

Le mot hébreu sayan, au pluriel sayanim, désigne un Juif qui aime Israël, et qui, par « patriotisme », collabore avec le Mossad, dans deux domaines notamment : soit dans le domaine de l’espionnage, soit dans des activités de désinformation, manipulation, propagande. Les sayanim sont des personnes qui sont réparties dans toutes les couches et classes sociales de la société. Le gouvernement, le parlement, l’économie, les médias, et même, en fait, toutes sortes d’autres métiers. Prenons par exemple le cas d’un agent du Mossad qui a besoin d’une planque : un garagiste peut offrir un abri sûr. Donc le Mossad cherche à pouvoir établir des relations avec toute une série de personnes différentes, susceptibles un jour ou l’autre de leur rendre un service.

Ne vous reproche-t-on pas souvent d’être partisan de la « théorie du complot » ?

Oui, mais tout de même, il faut reconnaître avant tout que si Israël est ce qu’il est aujourd’hui, c’est grâce à sa diaspora. Jamais ce pays n’aurait pu être ce qu’il est aujourd’hui, en atteignant un tel niveau développement, sans qu’il n’y ait de soutien de toute la « diaspora », ou plutôt de toutes ces communautés juives, un peu partout dans le monde. Qu’on pense au soutien américain, français, par exemple : il y a clairement des soutiens qui vont dans ce sens. Qu’on l’appelle complot, ou autrement, il y a quand même objectivement une communauté d’intérêts, avec des soutiens concrets, notamment des soutiens financiers, matériels. On ne peut pas nier cela. Et si certains, sans chercher à nier les faits qui sont têtus, veulent simplement les dénigrer en appelant cela « théorie du complot », nous en arrivons au procédé bien connu qui consiste à qualifier d’antisémite toute personne critiquant la politique israélienne.

Comment s’exerce l’influence des sayanim dans le champ médiatique ?

Il faut dire que je ne suis pas à l’intérieur de ce champ, mais, tout de même, il y a des cas qui éclairent ce genre d’interrogations. Un cas qui me paraît vraiment révélateur : la manière dont s’est diffusée le portrait et le nom de ce jeune caporal israélien, détenu dans la bande de Gaza, Gilad Shalit. Il n’est pas un pays en Europe et en Amérique où l’on ignore son nom, son âge. Cela, c’est en ce qui concerne le champ médiatique. Mais, ce même cas illustre l’influence des sayanim dans d’autres champs, notamment diplomatiques, politiques, etc.

En tant que lecteur de la presse israélienne, j’ai pu noter que les parents de ce jeune soldat ont été reçus par tous les gouvernements des grandes puissances. Par Merkel, cinq ou six fois, par Sarkozy, autant de fois, par Bush et Obama, par le Parlement européen. Le père d’un caporal, auquel on déroule un tapis rouge, semble recevoir le traitement auquel même la famille d’un général d’un de ces pays ne recevrait pas. Il y a clairement une organisation efficace derrière cela, car il faut des moyens financiers et diplomatiques importants. Et la famille d’un modeste soldat ne peut mobiliser seule de tels moyens, surtout pour un soldat d’occupation, il faut le rappeler.

Pour revenir aux médias, on peut penser à un autre cas frappant : celui des élections palestiniennes, que le Hamas avait remportées démocratiquement. Mais tout de suite après les résultats des élections, des voix se sont élevées de partout, en chœur, disant qu’il ne faut surtout pas négocier avec le Hamas. Une véritable levée de bouclier aux allures synchronisées, alors que la logique la plus élémentaire, pour le Parlement européen par exemple, eût été de dire aux Palestiniens : « Ok, nous avons acté votre choix, nous négocierons avec le représentant que vous vous êtes choisis démocratiquement ». Et il n’a pas fallu deux ou trois jours pour que ce qu’on appelle la « communauté internationale » se plie, s’incline véritablement, devant ce diktat insensé. D’un point de vue pro-israélien, par contre, il était tout à fait logique d’avoir véhiculé ces positions. Et je pense fermement que les sayanim ont fait tout ce qu’ils ont pu pour empêcher ce qu’Israël voulait éviter : le Hamas comme interlocuteur des négociations. En effet, celui-ci n’est pas corrompu comme l’est une bonne partie de l’autorité palestinienne depuis très longtemps.

Ces sayanim reçoivent-ils des rétributions en échange des services qu’ils rendent ?

Non, je ne pense pas. C’est assez simple pour le Mossad. Il n’a pas de difficultés à trouver des sayanim. Par exemple, il lui est facile de trouver des personnes disposées à apporter leur aide sein de Bnei Brith, qui est une organisation franc-maçonne juive comptant environ 500 000 membres de par le monde, et dont le profil part de la moyenne bourgeoisie jusqu’aux sphères les plus hautes de la société. Or, les membres de cette institution sont précisément, de par ce statut, des soutiens inconditionnels à Israël. Sur un demi-million de personnes, il n’est pas très difficile de demander les services de quelques uns. Victor Ostrovski (aujourd’hui écrivain, il a travaillé pour le Mossad ; ndlr) disait qu’il y avait certainement dans le monde un million de Juifs prêts à soutenir aveuglément Israël. Or, ce pays n’a pas besoin d’un million, un réseau constitué de 50 000 personnes est déjà très efficace.

En s’investissant pour Israël, certains juifs ne cherchent-ils pas, comme le laisse entendre les réactions des militants de l’Anti Defamation League dans le film Defamation, à se « racheter » une identité juive et une conscience, « perdues », en quelque sorte, du fait qu’ils ne sont pas juifs au sens pratiquant et religieux ?

Tout d’abord, précisons que le sionisme, en tant qu’idéologie politique, a été ultra minoritaire dans les communautés juives avant 1948. Nos dirigeants communautaires, quand j’étais au Maroc du temps de mon enfance, nous mettaient en garde contre le sionisme. Les sionistes étaient minoritaires, et pas qu’au Maroc : en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, les sionistes étaient vus comme des gens un peu fous, insensés. Même au sens du Yichouv, c’est à dire au sein des communautés juives vivant en Palestine, le sionisme n’était pas chose répandue, sans compter que les militants sionistes radicaux tabassaient les patrons juifs employant des Arabes, et ont même assassiné un dirigeant communautaire juif local qui voulait aller à Londres se plaindre de l’action des sionistes. C’est après 1948 que les sionistes ont réussi à « mettre la main » sur les communautés, c’est-à-dire à créer ce lien automatique entre juif et soutien à Israël. Je ne suis pas sûr que ce soit un transfert du religieux vers l’idéologie sioniste, puisque bien des leaders religieux aujourd’hui soutiennent Israël. Il y a beaucoup de conditionnement et de propagation de peur, laissant entendre que si on ne défend pas Israël, il y aurait à nouveau un génocide, des massacres, etc. Un exemple parmi des milliers d’autres : très récemment, un ministre israélien déclarait que le retour aux frontières de 1967 serait un nouvel Auschwitz. Cela relève proprement du lavage de cerveau. Israël est présenté comme une forteresse assiégée. En France, je vois chez les membres de la communauté juive, une impression forte que rien ne va, le sentiment que le monde entier les haït, un repli sur soi-même. Et Israël contribue fortement a créé ces impressions, ce qui lui permet de renforcer les liens. Par exemple, les étudiants français peuvent sans peine étudier en Israël trois ou cinq ans, tous frais payés.

Pour la suite ...
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook